La bague du capitaine – 2/2 … !!!

Le lendemain, Môna vint à son ouvrage comme à l’ordinaire.

Seulement, elle portait la cape de deuil de sa mère dont la capuche cachait presque entièrement sa tête. Elle était toute pâle.

– « Qu’avez-vous donc Môna ? » lui demanda la ménagère.
– « Oh ! Rien, dit-elle, un peu patraque mais cela va passer. »

Et elle entama sa couture, tout en gardant la capuche de sa cape sur sa tête.
Mais, au lieu de passer, le mal ne fit que croître, au point de forcer Môna Paranthoën à quitter son travail. Elle s’en alla, en gémissant.

Elle disparaissait, et à peine au tournant du sentier qu’elle venait d’emprunter, il s’éleva un grand tumulte dans le village. Des gamins qui jouaient sur la grève étaient subitement remontés, criant à tue-tête :
– « Venez voir ! Venez voir ! »
– « Quoi ? »
– « Ce qu’il y a « au cimetière des noyés »! »

Tout Buguélès, hommes et femmes, descendirent derrière eux jusqu’à la mer. Quand ils furent arrivés à l’endroit, voici ce qu’ils virent.  

Au pied de la croix, une manche de veste sortait du sable et, de la manche, sortait une main, et les doigts de cette main étaient affreusement crispés, sauf un, l’annulaire, qui se dressait, rigide et menaçant. On eût dit qu’il désignait avec colère quelqu’un, tout là-haut, dans les landes maigres qui dominent les petites maisons éparses des pêcheurs. A sa base, il portait une entaille profonde.

Une des femmes qui était là parla ainsi :
– « C’est le doigt de la bague: on la lui a volée et il la réclame. »
– « Ré-enfouissons toujours cette main », répondit un des hommes.

Et ils la recouvrirent de sable.

L’assistance se dispersa en échangeant mille commentaires.

Quand ceux qui étaient partis en mer rentrèrent, le soir, on leur conta la chose. Ils furent de l’avis commun: cela sentait le sacrilège.
Tout le village s’endormit fort tard dans les chaumières et ils dormirent très mal.

Au petit jour, les plus impatients coururent au cimetière des noyés.
De nouveau, le doigt fatal se dressait sur le sable lisse.
Et ils ré-enfouirent le doigt, la main, tout, comme ils l’avaient fait la veille. Puis ils allèrent quérir çà et là d’énormes galets et des quartiers de roches qu’ils entassèrent par-dessus.

Oui, mais deux heures plus tard le doigt reparaissait. Les pierres, pourtant lourdes, semblaient s’être écartées d’elles-mêmes, respectueusement et formaient un cercle à distance. Alors, on eut recours à d’autres moyens.

Le recteur de Penvénan,

accompagné d’un chantre et d’un enfant de chœur, vint conjurer le mort en l’aspergeant d’eau bénite. Mais le beau capitaine n’était probablement pas chrétien car il ne se laissa pas conjurer.
– « Il redemande sa bague ! » répéta la femme qui avait parlé la première fois.

Maintenant, chacun pensait comme elle. Mais où la trouver pour la lui rendre ?

L’enfant de chœur, agenouillé dans le sable, s’exclama :
– « Ce doigt-là a été ressoudé par la puissance de Dieu ou du diable après avoir été coupé avec des dents. Et, certes, ces dents-là étaient aiguisées et fines. »

Il n’avait pas achevé que, par la route goémonière qui mène de la mer aux maisons de Buguélès, apparaissait Môna Paranthoën, la couturière. Du moins, les ménagères la reconnurent à sa robe de double-chaîne et à l’élégance fraîche de son tablier. Car de son visage on ne voyait rien, tellement il était entortillé de linges et de bandages.

Sur son corps si souple, elle avait l’air de porter une tête monstrueuse.
Elle avançait lentement, exhalant une plainte sourde à chaque pas qu’elle faisait.

Lorsqu’elle fut arrivée au groupe, elle pria d’un geste qu’on la laisse passer.

Entre le pouce et l’index, elle tenait une grosse bague d’or …

Vous devinez le reste !

Les hommes voulurent faire un mauvais parti à Môna Paranthoën. Mais elle écarta les linges qui couvraient sa figure et leur montra sa bouche aux dents, pleines de pus.  

On se contenta de la fuir, comme une pestiférée.

Je l’ai rencontrée plus d’une fois, vaguant par les chemins, la tête toujours enveloppée de haillons. Elle ne pouvait plus parler, mais elle geignait lugubrement.

Quant au capitaine étranger, depuis lors, il repose en paix, sa belle chevalière en d’or au doigt, et rêvant, je l’imagine, de la « douce » qui la lui avait donnée !

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

30 réflexions sur « La bague du capitaine – 2/2 … !!! »

  1. ..moralité: ne pas toucher à tout ce qui brille surtout si c’est caché!
    Bises du jour,
    Mireille du sablon

  2. Attention tout ce qui brille n’est pas OR hihihi frémissante cette histoire , tu fais concurrence à ce que je lis actuellement , LE POIDS DES OMBRES de Marie Laberge hihihihi bonne journée ma douce bises ( tu as vu mon arbre sinon ils sont sur la page d’accueil colonne gauche )

  3. Ouf je ne suis pas venue te lire en pleine nuit sinon je serai toute tremblante. Toutefois je n’aurai jamais eu l’idée de détrousser un mort.
    Une histoire lugubre mais qui tient la route.
    Bisous
    EvaJoe

  4. Bien sûr si elle avait mordu le doigt sans prendre la bague le châtiment aurait été de même mais prendre en plus la bague donne à l’histoire une résonnance des contes bretons.
    Gardons nous de la cupidité.
    Belle journée Zaza
    Bisous

  5. unee belle histoire;
    oui, 12 000 km, pas la porte à côté mais aucun décalage horaire car sur le même fuseau et ça, c’était génial;
    belle journée, Zaza
    bisous

  6. Fallait être inconsciente et poussée par l’attrait de l’or pour oser mordre une chair mortifère. Une punition annoncée ! Merci pour ce conte plein d’enseignement Zaza. Bisous

  7. Il est terrible de dépouiller une personne, vivante ou morte et même si l’on dit que la chance sourit aux audacieux, cette audace là n’a pas été « payante » pour celle qui a cru obtenir avantages et richesse aux dépens d’un infortuné!
    Très belle fable, une histoire édifiante comme on raconte au coin du feu afin de transmettre des valeurs indispensables à l’intégrité de chacun.
    Merci Zaza, gros bisous et une excellente journée
    Cendrine

  8. Et bien qu’elle histoire à nous donner des frissons…douce soirée ma belle journée superbe demain nous allons à Nantes révisiter un appartement. . Je viendrais donc tard bisous

  9. Je savais bien qu’elle ne pourrait pas la garder… il n’est jamais bon de voler les morts. :(
    Merci pour ces deux pages, Zaza.
    Bisous et douce journée.

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