Défi écriture NR 60 chez Ghislaine … !!!

défi écriture ghislaine

Ghislaine nous propose deux choix pour le défi écriture N° 60 !

« Récit, bousculer, sanction, plaider, courage, réfléchir, punir, pudeur » ou 8 mots, voire plus avec la terminaison « cour »

Le récit du secret de la longévité de la mère Soize !

A la buvetteA la Buvette – Pierre de lay

À quatre balais et des « bourettes », la mère Soize a la tête sur les épaules, la main droite sur le cœur et la gauche vissée à son verre de chouchen (chouchenn ou mez en breton). Sans réfléchir, un petit godet le matin à jeun, à midi, seize et vingt heures tapantes selon un rituel immuable depuis sa majorité. Ne pas bousculer les bonnes habitudes ! Dès la première gorgée, elle a su… Une évidence devenue credo : le chouchen qui soutient, désinhibe, ouvre des perspectives et qui possède surtout des vertus thérapeutiques, flanquant aux oubliettes, la chimie en plaquettes. Pas besoin de se punir en avalant tous ces louzous artificiels !

« Tout est affaire de prévention et de régularité de la prise », clame-t-elle.

Quatre  godets par jour, toutes les quatre heures, suffisent à éloigner virus et bactéries malveillants. Pas question d’entretenir son corps en avalant du bitume, baskets aux pieds, ou en laissant des plumes et de l’oseille dans des clubs de sport ! Soize  plaide pour  les vertus de la pomme et du miel fermentés. Elle a le courage d’affirmer que cette médication est identique à l’hypnose. Il faut, certes, y adhérer et s’assoir sur sa pudeur….

  • Un verre, d’accord…
  • Deux , OK…
  • Trois, ça commence à tanguer…
  • Quatre, bonjour les dégâts !

Soize y croit dur comme fer. Ou plutôt comme zinc, celui des comptoirs qu’elle a choyés toute sa vie en tant que propriétaire de bar ou cliente. Elle ne tombe jamais malade, à croire que les microbes s’en méfient comme du plus redoutable des vaccins. Ses passages chez le médecin ne sont que formalités pour affronter à chaque fois son courroux. Un pied de nez à la science, l’occasion de narguer deux fois par an son toubib qui a abandonné depuis belle lurette l’idée de la moindre prescription. Un jour, devant ses doutes envers les médicaments, il a proposé à Soize un anti-sceptique. Ils en rigolent encore, les muscles zygomatiques totalement courbatus ! Aujourd’hui, elle a ses habitudes dans le bar du quartier, péniche amarrée au quai… Dédé, le patron, sort la bouteille de derrière la coursive et la débouche  dès qu’il aperçoit la silhouette de la vieille dame sur le pont de son établissement. C’est là, au comptoir, tout à la fois poumon et cœur du bistrot, campée sur un tabouret capitonné, que la mère Soize exerce, consulte, autant praticienne que patiente, vérifiant la pression de la tireuse à bière, le pouls du lieu et la teneur en alcool (13/14°) affichée sur la bouteille que Dédé brandit tous les matins pour la forme. Elle observe aussi… Quel meilleur reflet de la vie qu’un bar ? Pour elle, les gens se révèlent à leur façon de tenir leur verre. Deux catégories :

  • les abîmés, écorchés, jouant avec leur godet comme pour mieux y plonger leurs tracas,
  • et les autres, rayonnants, le verbe et le verre hauts, ils exploitent les vertus de l’alcool tel le plus efficace des remèdes.

C’est aux premiers qu’elle file un coup de pouce, un verre plein à la main et le cœur. Elle travaille au corps, convainc, étrille les excès, modère, apaise ou secoue, chuchote, sermonne, secoure en somme !  Armée de sa bienveillance légendaire, Soize discourt,  lisse les humeurs et polit les comptoirs tout en louant son rituel liquoreux. Une V.R.P de cet élixir breton, le meilleure ennemie des armoires à pharmacie.

Alors, quand la sanction tombe dans l’étroit cabinet du docteur Daridon, elle pense d’abord à une blague.

  • Très sévère hypertension combinée à une pathologie imprononçable « Claclapclaaacvlanblam »
  • Prise de médicaments non négociable.
  • Avenir noir. Aussi sombre que l’éclat de sa boisson fétiche est lumineux.

« Impossible ! »

Le docteur se lance dans une tirade détaillée ponctuée de :

« Vous comprenez, Soize » !

Non, elle ne pige pas. Elle revoit la boîte à pilules de Nadette, sa sœur, constellée de tâches colorées comme la palette d’un artiste peintre. Jaune le matin, blanche à midi, rose le soir. Soize se moquait gentiment de son aînée, recourant depuis tant d’années à tous ces louzous.

Le docteur poursuit son discours et seules de courtes bribes  parviennent au cerveau de Soize. Posologie, mélanges proscrits, génériques. En sortant, elle fonce au bistrot. Dix heures quarante-cinq, Dédé n’ose pas l’apostropher. Le liquide frais l’apaise, elle ne s’est jamais sentie aussi vivante. Une idée lui vient en reposant le verre. Le lundi suivant, elle débarque chez le docteur Daridon les bras encombrés.

— « Vous m’avez bien parlé d’abandonner le chouchen ? »
— « J’en ai bien peur. »
— « Pour le remplacer par ces foutus cachetons ? »
— « Oui, à midi et à vingt heures. »
— « J’ai mieux ! »
— « Ah ? »
Soize soulève son colis, une caisse en bois usée par le temps, la pose sur le bureau, balaye la poussière d’un revers de main, fait glisser le couvercle. Le médecin ouvre grand les yeux.
— « Le voilà, le Médoc ! »
— « Soize ! » S’exclame-t’il courroucé…
— « Cuvée 1988. Des dizaines d’autres dorment à la cave ! »
— « Je suis découragé, vous n’êtes franchement pas sérieuse ! »
— « Vous plaisantez, je suis la prescription à la lettre. Un véritable génère hic ! »

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

12 réflexions sur « Défi écriture NR 60 chez Ghislaine … !!! »

  1. …elle y tient à « son » médicament, elle fait de la résistance…pov’ toubib, pas la peine d’insister!
    Bises de Mireille du sablon

  2. Hé bien la Soize a du caractère !!!!!!!
    L’alcool tue , c’est sur à petits feux mais il tue !
    Le pauvre docteur ne peut même pas l’obliger à prendre ses cachetons !
    On est le maître de sa vie……….
    Merci pour ce texte alliant un fléau et de l’humour pour faire passer
    les doses lol lol
    J’adore ta façon d’écrire Zaza !

  3. Excellent Zaza je me suis régalée à lire l’histoire de Soize . Bon sang quatre verres de chouchen par jour , je crois que je serais déjà sous terre depuis un bon moment , rien qu’un je ne supporte pas .
    Bises

  4. Je viens de me régaler en lisant ton texte, la dive bouteille est une sacrée inspiratrice! :)
    Entre breuvage et cachetons, fichtre, je respecte le choix de Soize, autant être border line quand on est déjà ravagé…
    Je ne bois pas d’alcool alors quatre verres quotidiens… oh la la!
    Gros bisous et bravo pour tes mots
    Cendrine

  5. Elle est incorrigible, mais après tout… il faut croire qu’elle a eu raison.
    Personnellement, j’en serais tout à fait incapable.
    Bisous et douce journée ma Zaza. Merci pour ces rires du jour.

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