ERREUR FATALE … !!! – 18/31

Chez Jacques Looser !

Vingt et une heures, les voilà repartis pour la rue François Coppée. Jacky déhale sa clio du trottoir. La circulation est fluide.

La rue de Tolbiac les conduit place d’Alésia. Les brasseries et les enseignes des cinémas sont illuminées, la foule nonchalante du vendredi soir s’extrait des unes pour emplir les autres. Et bien que ce rond-point soit gai, animé, vivant, il a un petit pincement à l’âme en pensant à son valeureux ancêtre Vercingétorix, qui, en cinquante-deux avant J.C. fut défait par Jules César.

Il s’engage dans la rue d’Alésia puis, toujours tout droit, dans les rues de Vouillé et de la Convention. Rue Félix Faure, un espace libre entre deux voitures lui tend les bras. Il s’y gare et à pied, ils se rendent ensemble au deux de la rue François Coppée.

Meg passe le porche la première, et se dirige directement vers la loge du Mammouth femelle. Elle frappe au carreau !

Une voix fluette répond :

– «Voilà ! Voilà !»

La porte s’ouvre sur un petit homme d’environ un mètre quarante, ne devant pas dépasser trente-cinq kilos.

– «Oui ?»

– «Bonsoir monsieur, désolé de vous déranger, nous cherchons Monsieur Jacques Looser.» Débite Meg.

– «Looser ? Looser ! C’est à quel étage Looser, ma douce ?» Demande le freluquet en se tournant vers l’intérieur de la loge.

– «Au sixième, chambre douze.» Braille la douce, d’un gazouillis de stentor.

– «Au sixième, chambre douze.» Répète rase-mottes, qui les prend pour des sourdingues.

– «Merci monsieur, au revoir.»

Le nain disparaît dans son antre, tandis qu’ils se dirigent vers l’ascenseur.

Le «monte en l’air» est rustique, la caisse en bois encaustiquée est largement vitrée. Un tapis rouge, vieillot, recouvre l’escalier qui le jouxte. Pour investir le funiculaire vertical, il faut franchir une double porte, et fermer les battants en fer forgé. Six boutons en ivoire, numérotés de zéro à cinq, attendent la pression qui déclenchera le décollage.

Arrivés au cinquième, ils sortent de cette antiquité et montent le dernier étage à pied.

Souvent dans certains immeubles anciens, les « hisse-fainéants » ne desservent pas les piaules de bonniches. Est-ce une brimade ? Est-ce pour loger la machinerie ?

Au sixième, ils débouchent sur un couloir bordé de portes. Ils l’empruntent jusqu’au numéro douze. Là, un vilain judas dénonce les visiteurs. Pour ne pas alarmer Looser, Jacky se plaque contre le mur à côté du chambranle, tandis que sa soyeuse, tout sourire, face à la lourde, agace la sonnette. Un léger « grattouillis » indique que l’habitant est chez lui, et qu’il étudie sa délicieuse au travers de l’œil magique. L’examen doit être satisfaisant car … !

– «Oui ?»

– «Bonsoir monsieur, excusez-moi de vous importuner, je suis votre nouvelle voisine. Je viens juste d’emménager. Je n’ai pas eu le temps de défaire tous mes cartons, est-ce que vous auriez un ouvre-boîte et des allumettes à me prêter ?»

Une clef joue dans la serrure, la porte commence à s’ouvrir et de toutes ses forces, Meg pousse sur le battant. Celui-ci s’ouvre en grand après avoir, au passage, heurté violemment le pif du Jacquot qui surprit, n’a esquissé aucun geste pour parer l’intrusion. Meg s’engouffre dans l’ouverture, Jacky la suit et referme la porte.

Il est méchamment sonné le gonze, et bien que la pièce soit assez grande, il a été projeté sur le mur d’en face, où l’arrière de son crâne a lézardé le plâtre. Méfiant, Jacky va à lui et le fouille. Sa prudence était justifiée, car il le déleste d’un cran d’arrêt et d’un gros calibre à six coups. Il laisse sa tigresse s’assurer de la sagesse de leur hôte, et inspecte les lieux. Les cloisons sont vides de décoration. Un pucier défait aux draps grisâtres s’ennuie sur la droite. En face, le mur sur lequel où Jacquot s’est écrasé, est mansardé. Deux tabatières l’ouvrent sur un ciel noir sans étoile. Sous l’une des lucarnes, deux chaises dépareillées escortent une table de cuisine en Formica, sur laquelle gisent les reliefs d’un repas. A gauche, un buffet tient compagnie à un évier ébréché rempli de vaisselle sale. Près de l’entrée, dans un renfoncement caché par un rideau, une penderie héberge quelques hardes crasseuses, ainsi qu’un bric-à-brac dans lequel il déniche une bobine de ficelle.

Jacky prend la pelote, attache les mains et les pieds du père Looser, et avec l’aide de Meg, l’assied sur une des deux chaises. Il revient tout doucement parmi eux le rêveur. Jacky remplit un verre d’eau et lui balance dans la tronche pour activer l’émergence. Il s’ébroue, nous avise et la mémoire lui revient.

– «Bande d’enfoirés.» Crache-t-il.

– «Possible !» Rétorque Meg en l’empoignant par la tignasse et en lui claquant le museau sur le dessus de la table, trois, quatre fois de suite.

Il est reparti rejoindre les fées, leur pote. Ses lèvres ont éclaté, il lui manque une grosse poignée de cheveux et à leur avis, désormais, il aura du mal à prononcer les sifflantes, car ses chicots de devant ont déclaré forfait. Nouveau verre de flotte dans la tronche et «dormeur» ouvre un œil, puis l’autre !

– «Alors mon trésor, on va être gentil ? On ne va plus dire de gros mots ?» Demande Meg en lui pinçant délicatement la joue droite. «Parce que sinon, la dame va se fâcher.» Continue Meg …

Prestement, Jacky sort son feu, lui enfourne le canon dans une narine et le prévient amicalement :

– «Tu la mets en veilleuse mec ! Ou alors, je remplace ton « tarbouif » par un trou de balle ! Vu ?»

Son ton devait être convaincant car il vire carpillon, acteur des productions Cousteau, il nous joue le monde du silence.

– «Je vais être franc avec toi,» lui susurra-t-il dans son oreille, « pour ton avenir, je n’envisage que deux solutions ! La première, c’est que tu n’as plus d’avenir ! Tu es presque déjà mort bonhomme. »

– «Et la deuxième ?» Crâne le Jacquot d’une voix mal assurée, car il a compris que ses actions sont en chute libre !

– «La deuxième ? C’est que ta vie arrive à son terme !»

Là, il appréhende sévère le péteux. Vu l’odeur qui leur agresse les sinus, ils croient bien qu’il relâche son sphincter anal. Il va falloir lui changer ses langes, au chérubin. Il craque complet. Un haut le cœur le secoue et il se gerbe dessus. Apparemment, il avait à peine commencé à digérer son cassoulet en boîte. Il tremble, claque des dents et transpire à grosses gouttes.

Il fait presque de la peine…

– «Eddy»

– «Oui ?»

– «Il va nous avoir au sentiment ce con !»

– «Tu as raison Meg. Allez ! Courage ! Réagissons !»

– «Ouais, réagissons !» Clame-t-elle en giflant Looser à toute volée. Puis s’adressant à lui. «Dis donc lopette, la peau d’une «fiotte» ne nous intéresse pas, alors, si tu réponds correctement à mes questions, tu as une petite chance de voir le soleil se lever demain matin. OK ? Tu es prêt ? On peut commencer la césarienne ?»

– «Oui.» Répond l’édenté.

– «Pourquoi es-tu parti de la rue de l’Estrapade ?»

– «J’avais peur …»

– «De quoi ? De qui ?»

– «De monsieur Georges …»

– «Tassart ?»

– «Oui …»

A son tour, Jacky lui balance un aller et retour à décorner un cocu et l’avertit :

– «Écoute mon biquet, ou tu déballes tout ce que tu sais sur tes relations avec Tassart, et le pourquoi du comment des événements qui se sont passés rue de l’Estrapade, ou tu fermes ta gueule et je te raye de la carte. Mais on ne va pas t’accoucher aux forceps !»

– «Vous n’êtes pas envoyés par monsieur Georges ?»

Nouvelle volée de beignes de la part de Meg, qui sort son flingot et lui dit :

– «Ici mon drôle, c’est nous qui posons les questions, toi, tu n’as droit qu’aux réponses.» Le comique pâlit en fixant l’index de Meg qui se crispe sur la gâchette de son arme.

– «D’accord, d’accord, je raconte, je raconte.» Se précipite-t-il. «Tout a commencé à l’époque où j’ai perdu mon boulot. Je marnais dans une banque populaire et j’ai aidé des grand-mères à gérer leurs comptes. Au début, tout marchait comme sur des roulettes. Puis, un jour, les enfants d’une mamie, inquiets de voir leur héritage fondre comme neige au soleil, ont porté le pet. »

– «Tu ne crois pas que pour les leçons de morale, tu es plutôt mal placé ?» Objecta Jacky.

– «Oui, si vous voulez, mais quand même. Enfin bref, la descendance a porté plainte et j’ai plongé. Au cours de l’enquête, les flics et mes supérieurs découvrirent que la douairière, à l’origine de mes ennuis, n’était pas la seule rombière à laquelle j’avais accordé mon aide comme gestionnaire de patrimoine. Au bout du compte, j’ai écopé de trois ans de placard, dont deux avec sursis. En cabane, je me suis fait des amis et en sortant de tôle, je suis allé voir monsieur Georges de la part d’un de mes compagnons de cellule. Entre autres choses, monsieur Georges trafique dans la schnouff, comme grossiste, et il m’a proposé un poste de détaillant. Tout fonctionnait à merveille jusqu’au funeste matin où j’ai cru pouvoir engourdir, à mon profit, un kilo de blanche. Que voulez-vous, quand on est malhonnête, on ne se refait pas !»

A suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

22 réflexions sur « ERREUR FATALE … !!! – 18/31 »

  1. Hum hum!

    J’aime bien les descriptions que tu fais. Tu joues allègrement dans le sordide et l’histoire prends bien forme. J’attends la suite.

    Dors bien et bises de la nuit.

    EvaJoe

  2. Ils ne font pas dans la dentelle, tes deux héros ! je ne voudrais pas être à la place de certains comme ce Looser dont il porte bien le nom.
    Tu as mis deux fois « de toutes ses forces » dans une phrase, cela peut arriver, je préfère te le dire.
    A demain, bonne journée.

  3. Aujourd’hui journée bien occupée , coiffeur , resto ce midi avec des amis et ce soir repas familial offert on vient cuisiner chez moi Pas le droit de ne rien faire , Alors laissons nous vivre bisous

  4. Les pauvres mamie, ont les a souvent par les sentiments pour leur engourdir leurs économies, Looser n’est pas le premier ni le dernier d’ailleurs!
    Bises et belle journée

  5. Bonjour Zaza .
    C’est avec la fraîcheur du matin que je viens te souhaiter un bon Jeudi .
    Même si le froid semble s’être installé , ça n’est pas encore vraiment des températures très basses pour un début Janvier , j’ai vu pire .
    Je te souhaite un bon Jeudi .
    Bisous de nous deux .

  6. Je e suis laissée entraîner au fil de ton récit merci pour ce moment
    Pour répondre à ta Question ce matin sur mon blog
    Ce sont les mollets d’Antoine mon autre petits fils
    Cela dit ce jour j’avais ce qu’il fallait pour participer , cette photo a été repérée par la marque sportive et Antoine a remporté le 1er prix à savoir une paire de chaussures de sport + une casquette car je lui avais fait un reportage , sa copine lui avait dessiné le logo sur le mollet et il courrait en père Noël , la totale et en plus en fond mon volcan qui ne se voit pas sur cette photo car je n’ai laissé que les pieds pour le défi :)Bise

  7. Tiens c’est amusant j’ai nommé le petit chat qui se cache dans la grange chez nous qui est très sauvage « Rase-mottes » et aussi Filoche !
    Bisous Zaza

  8. Meg est une sacrée maligne et une pro de l’interrogatoire…rires!
    Belle tranche de lecture bien savoureuse, merci Zaza, je te fais de gros bisous
    Cendrine

  9. Mais c’est qu’elle est violente , ta Meg!!!! Quel délice et des termes que je ne connaissait pas du tout. Tu ne fais pas dans la dentelle, Zaza. Bises du jeudi

  10. Coucou Zaza

    Aille… ça craint dur-dur !
    Meg est une douce créature pleine d’humanité …. :):):) ! Je comprends mieux pourquoi le Looser a été si tendre avec elle…
    Je vais à rebours, mais je suis….
    A bientôt

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