Jean et Marie-Jeanne – 2/3… !!!

Il redécouvrit avec plaisir des photos de leur voyage de noces à Saint-Malo.

Il sourit, en passant son doigt sur la tâche qui avait séchée sur le cliché du Mont Saint-Michel, en se souvenant de « l’engueulade » de Marie-Jeanne à son encontre, le jour où il l’avait faite.
Chacun de ces clichés véhiculait son lot d’émotion, transportant Jean sur une autre planète.
Il avait même parfois l’impression d’entendre la mélodie mélancolique d’un violon emplir d’une douceur infime l’atmosphère de la pièce.
Il ne saurait dire combien d’heures se sont écoulées avant qu’il ne se saisisse de la dernière photo de la boite.
Paradoxalement, arrivé au terme de ce bien étrange voyage, il se sentait merveilleusement bien.
C’était un peu comme s’il venait de s’alléger de tout ce trop plein d’émotions qu’il portait en lui comme un boulet depuis le décès de son épouse.
Il se sentait ragaillardi, rajeuni, prêt à accomplir des tas de choses. Et pour l’instant, il avait surtout envie de mettre un peu d’ordre dans ce grenier, de faire le tri.
Et qui sait, dans tous cet amas d’objets du passé, combien d’autres retours en arrière ne va-t-il pas faire encore en compagnie de Marie-Jeanne.
D’un rapide coup d’œil circulaire, Jean se rendit vite compte de l’immensité de la tâche.
Il y avait quand même dans ce bric-à-braque beaucoup de choses qui étaient juste bonnes à voyager vers la décharge municipale.
Il décida donc de commencer par louer une petite camionnette. Ainsi, il y déposerait directement tout ce qu’il descendrait du grenier pour l’amener immédiatement à la déchetterie. Après s’être restauré convenablement, Jean commença par descendre les vieilleries du grenier. A la nuit tombée, la camionnette était cependant loin d’être pleine, car avant qu’un objet ne vienne y choir, il fallait qu’il passe d’abords par toutes les étapes affectives de son cœur débordant d’émotions.
Certains d’entre eux, comme la vieille lampe de chevet reçue en cadeau de mariage de la part de la tante Eugénie, avaient eu plus de chance et atterrissaient dans un des cartons que Jean avait disposés à même le sol dans un coin de son garage.

Le carillon de l’horloge à balancier du salon tinta 21 heures et Jean se décida d’arrêter son tri pour aujourd’hui.
La camionnette était aux deux tiers pleine. Il continuerait le lendemain. Il prit une bonne douche pour se débarrasser de la couche de poussière et des toiles d’araignées qui le recouvraient.
Il passa ramasser deux œufs que ses quatre malheureuses poules avaient eu la gentillesse de lui pondre et les cassa dans une poêle, sur du jambon, pour en faire son repas du soir.
Il était si éreinté de sa journée qu’il s’effondra comme une masse dans son lit.
Le jour suivant, Jean Creach se leva de bonne heure et reprit son labeur.
Alors qu’il touchait au bout de sa peine, il fit une découverte extraordinaire en soulevant un vieux drap jauni recouvrant les objets attenants au mur du fond. Il tomba nez à nez, si l’on peut dire, avec le chevalet, la boite de peinture et les toiles de son adolescence.

Qu’est-ce qu’il avait pu en passer comme temps à coucher de la peinture sur ces grands carrés blancs. Et dire qu’il n’avait plus peint depuis sa rencontre avec Marie-Jeanne.
Jean esquissa un petit rictus. Le coin droit de sa lèvre supérieure se releva d’un ou deux millimètres laissant entrevoir un léger sourire. Ses doigts le démangeaient, l’envie le reprenait, le goût lui revenait.
En repartant de la décharge, il passa investir quelques sous de sa bourse dans de la gouache et quelques toiles encore vierges de toute impression.
Il fit le ménage dans le grenier, le rendant le plus propre possible et y installa tout son matériel de peinture.
Dehors il faisait un temps magnifique, mais Jean eut peur de poser tout son attirail aux vues de tout le monde. Que diraient donc les voisins s’ils le voyaient prendre, ainsi, tant de plaisir à peindre ? Non, il ne fallait pas qu’on le voit. Il se résigna donc à déposer quelques fruits dans une corbeille posée à même le guéridon, près de la boite aux souvenirs.
Puis, lentement, il se mit à faire danser le pinceau sur la toile. Il lui fallut trois jours complets pour parvenir à donner à son tableau toute la lumière que ces fruits semblaient porter en eux. Et une fois le tableau terminé, Jean fut satisfait de lui.

A l’aube du jour suivant, la clarté du ciel était telle que Jean ne put y résister. Il prit son chevalet sous le bras, sa chaise pliante, sa petite mallette de peinture, une toile d’une pureté extrême, et alla s’asseoir à l’embouchure de l’Horn, face aux mouettes et aux cormorans.

Trois heures à peine avaient pu s’écouler, et Jean sentit une présence derrière lui.
– « Et voilà, pas moyen d’être tranquille, » se dit ce dernier.
Il s’agissait d’un jeune garçon d’une dizaine d’années.
L’enfant ne disait rien, il restait immobile dans le dos du retraité, se contentant de se hisser sur la pointe des pieds pour mieux voir par-dessus l’épaule de ce dernier.

Paradoxalement, plus le gamin cherchait à être discret, plus Jean était gêné de sa présence. Il ne pouvait plus se concentrer, il lui adressa la parole sans même se retourner.
– « Bonjour ! » Dit Jean sèchement au gamin.
– « Bonjour monsieur ! » Répondit ce dernier poliment.
Au timbre de sa voix Jean compris qu’il avait affaire à un enfant. Son ton changea pour s’adoucir.
– « Tu n’es pas à l’école ? »
– « Non ! »
– « Tu préfères te promener ? »
– « Oui ! »
– « Tu aimes bien la peinture ? »
– « Oh Oui ! » Répondit l’enfant décidément guère loquace.
– « Approche-toi ! Tu pourras mieux voir. » Lui dit Jean qui petit à petit prenait goût à cette compagnie.
L’enfant ne s’en fit pas prier et se porta à la hauteur de Jean.
– « Alors ? Tu trouves ça comment ? »
– « C’est joli monsieur. »
– « C’est tout ? C’est juste… joli ! »
– « C’est que…, ce n’est pas fini monsieur. »
– « Tu sais tu peux m’appeler Jean, je trouve ça plus joli… que monsieur. »
– « Oui ! »
– « Comment t’appelles-tu ? »
– « Loïc, mo…euh… Jean. »
– « Loïc, c’est un beau prénom. C’était le prénom de mon père. Ce n’est plus très fréquent aujourd’hui les garçons qui s’appellent Loïc. On n’entend plus que des Ethan, Dylan, Brian et compagnie. Le plus marrant, c’est qu’on entend plus souvent les parents crier dessus que ne pouvaient le faire les parents des petits Gabriel, Loïc ou Vincent. »
– « Moi, personne ne me crie dessus monsieur. »
– « Qu’est-ce que je disais. » Rétorqua Jean en levant les yeux au ciel. « Au fait, » reprit-il, « ne t’ai-je pas dit de m’appeler Jean ? »
– « Si, pardon Jean. »
– « En tout cas cela ne m’étonne pas que tes parents ne te crient pas dessus, tu es un garçon très poli et très bien éduqué. »
– « Merci Jean. »

A SUIVRE …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

27 réflexions sur « Jean et Marie-Jeanne – 2/3… !!! »

  1. Il est en effet mignon ce jeune garçon… Ecole buissonnière, aime regarder le peintre amateur, ses parents eux ne vont pas aimer si ils apprennent qu’il sèche les cours… La photo en noir et blanc, on en fait plus des comme ça ,-) bises

  2. Une bien jolie rencontre entre Jean et Loïc et beaucoup d’émotions qui s’entrelacent
    Le temps qui s’écoule ramène la mémoire des êtres et des objets aimés
    On se sent happés par ces moments de vie qui résonnent au creux de chacun
    Gros bisous ma chère Zaza et merci pour ce très beau texte, moi aussi j’aime beaucoup le prénom Loïc
    Cendrine

  3. la peinture est elle aussi une belle éducation qui peut aussi rapporter….(lol) mais surtout donne de beaux moments de détente…..passe un bien agréable mardi

  4. Bonjour Zaza
    Une bien jolie rencontre qui ne peut que faire du bien à l’un et à l’autre ..
    J’attends la suite avec beaucoup d’interet
    Gros bisous

  5. …parmi les vieilleries du grenier, une belle trouvaille, et le gout de repeindre, une belle rencontre, une amitiés naissante, tres sympa merci Zaza ! bonne journee bisous

  6. Bonjour Zaza.
    Il neige de partout, sauf chez nous, mais par contre il fait froid ce matin, un petit -14°.
    Hier, nous avons passé le Col du Lautaret en voiture et c’est bien la première fois que je le vois si peu enneigé à cette période de l’année, mais je crois qu’on ne perd rien pour attendre.
    Je te souhaite un bon Mardi.
    Bisous de nous deux.

  7. Bonjour Zaza,
    Belle suite et je pense une belle rencontre qui va unir le grand âge et le jeune âge
    Donc à suivre pour en connaitre la fin
    merci du partage
    Amitiés

  8. Bonjour Zaza on est au commencement d’une belle histoire d’amitié entre le vieil homme et l’enfant pas vrai? Bisous MTH

  9. ..une heureuse rencontre qui va lui donner le goût de continuer à vivre …
    Bises du jour
    Mireille du sablon

  10. Coucou Zaza
    Une belle histoire qui commence vraiment bien… Loïc, comme son Papa ? Ha ha ! intéressant , ça ! Te connaissant, il n’y a pas de coïncidence ni de hasard …..
    J’ai lu les épisodes d’une traite, comme d’hab, avec bcp de plaisir…
    Au prochain donc
    (je piaffe !!!)
    Bisous

    Je travaille dur sur la suite de mon histoire… mais tellement peu souvent chez moi, c’est difficile !

  11. Bonsoir,
    Jean semble retrouver un certain goût à la vie. Et cette rencontre semble tombée au bon moment. Il n’y a pas de hasard!
    Bonne soirée
    @mitiés

  12. quel charmant enfant ! un beau texte qui me fait penser à un voisin qui a perdu son épouse l’an passé. Heureusement ses enfants et petits enfants et amis viennent souvent le voir pour lui changer les idées. Bises

  13. Voilà bien un tournant auquel je ne m’attendais pas : un drôle de petit gars qui, malgré son école buissonnière avouée, semble très sympathique ! Quid de ses parents ? Chris

  14. Beau commencement d’une rencontre intéressante, pour l’un et pour l’autre !
    J’aime beaucoup tes histoires..de vie chère Zaza.. Mais la semaine dernière j’ai lu le récit de ta maladie et j’en ai été bouleversée.. Je voulais te mettre un mot et je ne retrouve plus ce billet qui était formidable ! Tu as beaucoup de courage tu es une battante et tu vas arriver à te sortir de ce passage difficile.. Continue de nous donner tes leçons de vie, par le biais de tes très belles histoires. Je t’embrasse très fort.. A une autre fois !
    M’mamzelle Jeanne

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.