Jean et Marie-Jeanne – 3/3… !!!

Il s’en suivi un léger blanc que Creach mit à profit pour continuer à peindre.

Le petit Loïc interrogea le peintre timidement.

– « Puis-je vous poser une question Jean ? »
– « Oui bien sûr Loïc, je t’en prie. »
– « Est-ce le reflet d’un visage que vous avez voulu dessiner dans l’eau ? »
– « Un visage ? Où ça ? Je ne vois pas ! »
– « Là ! » Lui montra Loïc en pointant son index minuscule vers un endroit dans le bas de la toile. »
– « Là ? Je ne vois rien ? »
– « Mais si ! Là ! Juste dans le creux de la vague !

Jean approchât son nez de la toile en posant dessus les lunettes qu’il sortait le plus discrètement du monde de la poche de sa chemise.
– « C’est ma foi vrai ! On dirait un visage ! Étonnant ! Tu as une bonne vue Loïc ! »
L’enfant s’en était allé comme il était venu, sans faire de bruit, sans un mot, sans déranger.
Jean regarda de nouveau la toile. Il ne voyait plus que le visage, c’était un peu comme si tout le reste n’existait plus. Ce visage l’obsédait. Je regard ressemblait tant à celui de Marie-Jeanne le jour de leur mariage.
Jean avait beau regarder le paysage, ce visage s’intégrait dans l’eau, comme un reflet !
Jean avait beau regarder la toile, elle ne semblait pas différente du paysage qu’il peignait !
Et pourtant, sur la toile on distinguait bien le visage souriant et merveilleux de Marie-Jeanne.
Tout le restant de sa journée il continua à peindre ce qu’il voyait tout en faisant bien attention de ne pas déposer de peinture sur ce petit coin de toile que ces yeux ne manquaient pas de visiter à chaque fois que Jean relevait son pinceau.
Quand la clarté du jour commença à baisser, Jean n’avait pas encore finit son tableau.

Il le prit délicatement, ramassa tout son attirail et remonta chez lui en priant le ciel pour que la journée du lendemain fusse aussi belle que celle-ci, pour lui permettre de continuer son œuvre.
Ce soir-là, il posa le tableau sur une chaise au bout de son lit, face à lui, et s’endormit de fatigue les yeux rivés sur le visage souriant de son seul et unique amour.
Au petit matin, à peine réveillé, il écarquilla de grand yeux, le charme était rompu, le visage avait disparu.
Il farfouilla sur sa table de nuit, fit tomber ses lunettes, se leva, s’en saisit, les posa fébrilement sur son nez.
Toujours rien, Marie-Jeanne n’était plus là. Ce n’est pas possible se dit-il, il s’approcha, colla son nez sur la toile comme il l’avait fait la veille, rien, il ne voyait plus rien. Il se mit à pleurer à chaudes larmes, c’était un peu comme s’il venait de perdre Marie-Jeanne pour la seconde fois.
Il s’habilla en deux temps trois mouvements, ne prit même pas le luxe de faire sa toilette ou d’avaler un petit-déjeuner et repartit avec tout son matériel à la même place que la veille.
Malheureusement, une fois sur place, Jean dû se rendre à l’évidence. Ce visage n’était qu’une illusion, une interprétation de son esprit, un leurre dans lequel il s’était laissé prendre.
Il s’assit donc, dépité. Après quelques minutes de réflexion, il ré-ouvrit sa petite mallette, ressortit ses pinceaux et sa gouache, et recommença à peindre.

La journée était belle, la lumière était enchanteresse et presque irréelle.
Il ne pouvait pas laisser son tableau inachevé. Et puis, qui sait, peut-être que par magie, au détour d’une touche de peinture, peut-être qu’il retrouvera le visage de Marie-Jeanne.
De toute la journée personne ne vint déranger Jean. Il n’avait pas quitté sa place. Il en avait même oublié l’heure du déjeuner.
Bien plus tard, alors que le soleil commençait à décroître dans le ciel donnant à la rivière des reflets orangés et argentés, Jean sentit une présence derrière son dos. Une présence mystérieuse, mais pourtant, pas vraiment inconnue.

– « Loïc ? » Interrogea-t-il à voix haute à tout hasard.
– « Bonjour Jean, vous m’avez reconnu. » Lui répondit l’enfant.
– « Bonjour Loïc, cela me fait bigrement plaisir de te revoir. »
– « Moi aussi Jean ! Ah ! Vous avez continué votre tableau. » Questionna l’enfant.
– « Oui, il est presque terminé, peut-être une ou deux touches par-ci par-là et ce sera fini. Tu veux le voir mieux ?  Approche-toi donc ! »
Le garçon s’avança au plus près et examina longuement la toile en silence.
– « Vous avez bien travaillé Jean. Ce tableau est vraiment très beau, je dirais même magnifique. » Dit Loïc de sa douce voix d’enfant.
– « Malheureusement Loïc, je n’y vois plus le visage que tu m’as montré hier. » Reprit Jean un peu triste.
– « Pourtant il est encore là. »
– « Quoi ? Que dis-tu ? » Reprit Jean en s’approchant de l’enfant. « Où est-il ? Montre le moi ! »
– « Il est là ! » Répondit Loïc en pointant son petit doigt.
– « Où ça ? Je ne vois rien ! »
– « Mais si, là ! Juste là, juste au-dessus de mon doigt »
Le visage de Jean s’illumina de nouveau.
– « Elle est là ! Je la vois ! Je la vois de nouveau, c’est merveilleux, Loïc, c’est merveilleux ! »
– « C’est vrai que c’est très beau. » Lui répondit simplement l’enfant pour qui ce visage n’était pas si important.
Jean n’arrivait plus à quitter la toile, il ne remarqua même pas le départ de Loïc. Quand il s’en enquit de nouveau, le garçon n’était déjà plus là depuis un bon moment. Il n’osait trop lever les yeux. Il ne voulait pas perdre Marie-Jeanne une nouvelle fois. Ce serait terrible !

Au bout de quelques minutes, il osa regarder la rivière par-delà son tableau. Mais uniquement à l’endroit du visage. Il ne pouvait plus regarder que ces deux lieux: ce petit coin de toile et l’endroit du paysage qu’il représente.
Jean Creach devait en avoir le cœur net. Qu’est ce qui avait bien pu le pousser à dessiner le visage de Marie-Jeanne en ce point précis ?
Cette question l’obséda à un tel point qu’elle prit soudain plus d’importance que le tableau lui-même.
N’y tenant plus, Jean tira sur la corde de la barque qui se trouvait le plus près de lui.

Il monta à bord et commença à ramer, de ses mains, en se dirigeant tout droit vers l’infime partie de la rivière qui l’attirait tant.
Une fois sur place, il scruta l’eau dans l’espoir d’y trouver ce qui avait pu le pousser à agir ainsi. Il devait bien y avoir quelques plantes ou algues ressemblant à une chevelure.
Soudain, Jean la vit au fond de l’eau. Marie-Jeanne, telle qu’au premier jour.
Elle était là, toujours aussi souriante, toujours aussi belle. Il lui sourit. Il ne doutait pas de sa présence. Il la vit tendre le bras lentement en sa direction. Jean pouvait presque la toucher, la main arrivait quasiment à la surface de l’eau.

Il tendit la main à son tour, la plongea dans l’Horn, qui avait fait le plein d’eau. Toujours plus loin, toujours plus loin, si loin, que son corps finit par basculer par-dessus la barque pour s’enfoncer lentement vers les profondeurs.
Jean Creach n’avait jamais appris à nager, mais cela ne le dérangeait nullement. Il ne cherchait pas à se débattre, il ne cherchait pas à remonter. Il tendait juste la main, toujours plus loin, toujours plus près, vers Marie-Jeanne.

Quelques minutes plus tard, Loïc croisa un couple de jeunes gens enlacés sur la plage à la nuit tombante.

Ils aperçurent virent la toile à l’abandon. Ils ne purent s’empêcher de s’en approcher, comme attirés, comme aimantés, comme envoûtés par les couleurs magnifiques qui s’évadaient du tableau.
– « Je ne sais pas qui l’a peint mais c’est très joli ! » Déclara le jeune homme.
– « Ces couleurs sont superbes ! Tiens ! Regarde ! Là ! On a même l’impression de voir un visage ! » Lui dit la jeune femme.
– « Un visage dis-tu ? Comme c’est bizarre ! Oh oui ! Je le vois maintenant ! Mais ? J’en vois même deux ! »
– « Deux dis-tu ? » S’enquit la jeune femme en s’approchant plus près de la toile. « Mais oui, tu as raison ! C’est un couple ! Un jeune couple qui sourit ! Ce qu’ils ont l’air heureux ! »

Alors chers lecteurs, Qu’en déduisez-vous ???

Que Loïc pourrait être un ange est certainement probable !
Je ne l’ai pas décrit comme tel, mais implicitement, vous avez compris que sa présence n’était pas fortuite, même s’il ne s’intéressait que très peu au visage de Marie-Jeanne, alors qu’il était captivé par la toile réalisée par Jean.
Ce souffle d’imaginaire a permis à Jean de sa douce Marie-Jeanne de se retrouver pour l’éternité.

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

23 réflexions sur « Jean et Marie-Jeanne – 3/3… !!! »

  1. Là, oui plus que probable… il a permis au peintre de retrouver son aimée pour toujours… ,-) on ne le reverra plus, il est entré dans un autre royaume, à nouveau bienheureux…. bises, jill

  2. Magnifique! Pour moi Loïc est un esprit gardien, un passeur de mémoire amoureuse, il veille à jamais sur les liens tissés, rapproche les êtres par-delà la vie et la mort, il est un psychopompe des plus bienveillants
    Merci pour ce superbe récit que je lis au creux de la nuit et je repars, pas la grande forme du tout, les douleurs me vrillent… mais je voulais voir la suite de l’histoire et tes mots sont si beaux à savourer
    Je te fais de gros bisous ma Zaza, je pense bien à toi et j’espère que tu vas… belle journée à venir
    Cendrine

  3. ..une fin que l’on pourrait trouver triste mais non puisque Jean a retrouvé sa Marie- Jeanne!
    Bises du jour
    Mireille du sablon

  4. Trop beau pour ne plus parler , méditer pour ne pas perdre le charme de ce conte merveilleux, mais l’amour est merveilleux !!!!
    merci ZAZA enclave de bonheur dans ce mode de fou bises

  5. Je crois que tous les commentateurs sont unanimes pour dire combien ce conte les a touchés, et j’en fais partie, bien que la crainte de mourir noyé m’effraie énormément ! Chris

  6. Bonsoir ma Zaza
    Une merveilleuse histoire d’amour et une fin logique puisque cette homme a retrouvée sa bien-aimée, pour moi ce gamin est un ange et lui a montré le chemin du bonheur d’avoir retrouvé sa bien-aimée, une belle histoire que j’ai aimé lire tellement elle est touchante et émouvante ma douce amie.
    On ne sait plus comment faire pour se rafraîchir, heureusement que pour dormir nous avons la clim, la journée j’aime que tout soit ouvert et les ventilos à la longue brassent de l’air chaud, j’ai essayé de rentrer dans le frigo mais je n arrive qu’à y mettre ma tête ih ih ih !!!!!
    Je te souhaite une belle fin de semaine.
    Prends bien soin de toi.
    Je te fais de gros bisous d’amitié de mon île intense en chaleur en ce moment.

  7. Une très belle et touchante histoire que je vais laisser aux autres le choix de la déduction. Trop fort, Zaza. Gros bisous du Tarn où la nuit tisse son voile.

  8. un trés beau conte
    et j ai bien aimé la riviére l’ Horn que je connait bien et qui bien sur se jette dans la mer (vers Moguériec je pense )
    bonne soirée pour toi
    bises

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