Le monde de l’entre-deux – 1/6… !!!

Encore une élucubration « zazatesque »

« J’étais épuisée, j’arrivais au bout de mes forces. Pourtant je ne pouvais pas m’arrêter, je ne devais pas m’arrêter. Il me fallait courir encore et encore.
Il semblait là, tout près, juste derrière moi. Si près, que j’en aurais presque pu sentir son souffle sur ma nuque. Si près, que toute fuite paraissait désuète, impossible, inutile. Pourtant je devais encore lutter, lutter et tenir, tenir au moins jusqu’au petit matin, jusqu’au lever du jour.
Quelle sombre idiote ai-je été ! Quelle idée ai-je eu de venir en pleine nuit, seule, sur cette petite route de campagne ! Et si encore j’avais pensé à faire le plein d’essence de ma voiture, je n’en serais pas là ! Et si encore, je n’avais pas ouvert cette lettre cachetée se trouvant sur le bureau de mon père, quatre jours plutôt !

La lettre, je m’en souviens encore, c’est là que tout a commencé…

Courir, encore courir. Je ne sentais plus mon corps, juste mes jambes, juste assez de peur pour fuir. J’entendais mon cœur qui battait à tout rompre.
La peur et la course. Je n’en pouvais plus ! Il me fallait juste souffler ! Le monstre trottant dans mon imaginaire était là derrière moi, plus réel que jamais, à quelques enjambées !
Il me fallait le fuir, où me cacher. Là, au virage, je sauterai dans le fossé, puis je resterai tapie derrière un bosquet ! Juste le temps de reprendre mon souffle ! Pourvu qu’il ne me voit pas !
Comment ce monstre avait-il eu connaissance de la clef cachée dans cette enveloppe ??? C’est cette clef qu’il veut me ravir, à coup sûr !
Pourquoi cette clef est-elle de la plus haute importance pour lui ?? Qu’est-ce que ça cache, tout ça ??!!…

La lune avait cessé d’être pleine depuis hier, mais sa clarté était encore assez blanche pour que je voie le tracé de cette route et le virage.
Hier ? C’était quand hier ? Je compte les jours, je compte mes pas, je compte ses respirations sur mon cou ! Un monstre ? Naturellement que c’est un monstre !
J’ai peur. Courir, m’échapper de cette respiration que je ressentais, là, dans mon cou. Plus vite, plus vite encore il me fallait courir. L’issue, trouver une issue…
Mon sang cognait dans mes tempes, la route filait sous mes pieds. Je pensais, en vrac, au bureau de mon père, à la lettre, cette clef et à la soif que j’avais.
Le virage était enfin là.

J’ai sauté derrière le bosquet, je me suis plaquée au sol et je n’ai plus bougé. J’ai retenu ma respiration. L’attente était interminable, je l’avais pourtant senti si près. S’était-il arrêté ? M’avait-il vu ? Me guettait-il prêt à porter le coup fatal ? J’entendis enfin son pas long et lourd à la fois. Le bruit grandissait de seconde en seconde. Le bruit devient fort, très fort même, martelant mon crâne, puis de plus en plus faible. Il ne m’avait pas vu, il avait continué sa route dans la nuit noire.

Je risquai un regard. Il n’y avait plus rien, plus personne. Je me suis mise à courir à l’opposé. Il me fallait de l’aide et depuis la récente mort de Soizig dans l’après-midi, il ne me restait plus qu’un seul ami vers lequel me tourner.
Seigneur ! Faites que Gaël soit chez lui ce soir…
L’herbe est humide, et cette soif, j’ai si soif, tellement soif ! J’écoute le silence s’appuyer sur la nuit, sur ma peur. Je sens l’herbe humide sur mes lèvres… J’ai si soif que ma bouche contre l’herbe s’abreuve.
J’ai marché longtemps sur cette petite route de campagne, sautant dans le fossé au moins bruit de voiture, au moindre hululement d’une chouette, au moindre son qui aurait pu me faire penser à un bruit de pas.
Je ne saurais dire combien de temps j’ai marché. Toujours est-il que quand l’aube fit sa lente apparition au bout de l’horizon, je distinguai enfin un petit village. Je pu lire sur la pancarte le nom de ce drôle de patelin : Iffendic.

Y a pas à dire, j’étais vraiment perdue au bout du monde. Heureusement, de nos jours, même au bout du monde on trouve un téléphone dans toutes les stations-services. J’ai composé son numéro une fois, deux fois, trois fois, Gaël ne répondait pas. Le garagiste faisait occasionnellement de la location de voiture. Il consenti à m’en louer une pour un prix qui dépassait la raison et le solde de mon compte bancaire. « A Dieu vat », j’avais besoin de Gaël. Je ne serai en sécurité qu’une fois dans ses bras…

Enfin arrivée à Nantes !! Enfin arrivée chez Gaël…!

Je grimpai quatre à quatre les marches qui conduisaient à son appartement du 3ème étage. Je sonnais comme une folle à la porte, le doigt scotché sur la sonnette ! Le carillon chantait une douce mélodie qui n’était pas du tout en symbiose avec mes états d’âme du moment ! Seuls les battements de mon cœur résonnaient dans le couloir silencieux et couvraient les arpèges légers qui s’envolaient à l’intérieur d’un appartement à priori …vide !
Non… impossible !… Gaël DEVAIT répondre, là, de suite !!! Il ne pouvait pas être absent, là, AUJOURD’HUI !! »

Affolée, rien qu’à l’idée que Gaël pouvait s’être absenté alors qu’elle avait besoin de lui, là, à ce moment bien précis, *une question de vie ou de mort*, elle se mit à tambouriner contre la porte, de ses petits poings serrés !
– « C’est bientôt fini, ce raffut du diable ???!!!!! Vous ne voyez donc pas que ce Monsieur est absent ??!!! »
– « Ab…absent ??? Mais quand rentre-il ??!!! »
– « L’a pas dit! L’est parti précipitamment ! Une affaire à régler de toute urgence ! Une question de vie ou de mort, qu’il m’a dit, quand je l’ai arrêté pour lui rendre son chat qui s’était échappé. Une jeune fille en danger, il fallait qu’il aille la secourir…! Alors, vous voyez ! L’a d’autres chats à fouetter et avec d’autres femmes que vous ! Pas la peine de vous exciter sur la sonnette. »

Anne était redescendue. Le cœur vide, la tête pleine de l’absence de Gaël… Tout va trop vite depuis quatre jours, il aurait dû être là. Elle s’assit dans sa voiture de location et chercha sur une carte routière où elle était exactement la veille afin de retracer son parcours jusqu’à chez Gaël.
– « Je me suis arrêtée derrière des arbres, la clef, « merde » ! »
Elle se trouvait dans sa poche, dans un étui de cuir noir. Elle considéra un instant, l’étui désespérément vide, la bouche légèrement ouverte, les yeux écarquillés.
– « Semaine maudite ! Il y eut cette lettre, puis la mort de Soizig, ma lapine angora, puis ce voyage de nuit, traversant la Bretagne, ma voiture en panne d’essence, cette sensation d’être épiée et en danger, ma fuite la peur au ventre jusqu’à ce drôle de patelin, la location d’un véhicule à un prix exorbitant, mais pour y trouver quoi ? Et Gaël qui n’est pas là, c’est pourtant le meilleur des paracétamols, j’ai une de ces migraines ! »
Gaël était « l’ami de toujours », ce qui offrait à Anne un sans gêne confortable. Des problèmes d’argent, de cœur, une envie de parler, de déménager, de manger une pizza et c’était : Allo Gaël !
– « Bon, ce n’est pas tout ça, mais il faut que je récupère ma voiture en faisant le plein d’essence et que je restitue celle de cet escroc de garagiste… Quelle poisse, comme si Gaël ne pouvait pas être là !! »
Anne se trouvait à Nantes. Sa voiture devait être à quelques trente-cinq kilomètres à l’ouest de Rennes, pas vraiment le même périmètre. Elle pointa sur sa carte routière les quelques lieux dont elle se souvenait.
– « Bon, je suis tombée en rade avant d’arriver dans le pays de Montfort à une bonne trentaine de kilomètres de Rennes, non loin d’un centre équestre, avant ou peut-être après ! »
Elle avait tourné, tourné longtemps dans la nuit en cherchant sa route pour arriver dans ce fichu patelin : Iffendic… En jetant un dernier regard aux fenêtres de Gaël, elle sortit de Nantes en reprenant la RN 137.
– « Au prix où je te paie, ma belle, on va voir ce que tu as dans le ventre ! » pensa-t-elle en parlant de sa voiture de location. Anne embraya et passa la cinquième, ses petites fesses bien collées au fond du siège, ses bras tendus sur le volant, son pied enfonçant l’accélérateur à fond.
Ses pensées vagabondaient vers les évènements troublants de ces derniers jours. Tiens, on dirait que le paysage n’est plus le même…
A hauteur de Savenay, elle eut vraiment l’impression de n’y être jamais passée et elle ne put s’empêcher de regarder derrière son épaule, ce souffle-là soudain, était-ce encore celui de ce monstre ?
– « Allons bon, ma fille, que dirait Gaël. »
Elle se concentra sur la route et au premier panneau découvrit qu’elle était sur la RN165…
– « Me serais-je trompée ? Gaël aurait encore dit que j’étais une blonde stupide !! »
Elle s’arrêta sur le bord de la route et consulta sa carte routière pour retrouver Iffendic. Il lui fallait prendre la première à droite.
– « Quoi ! Première à droite et où première à droite ? »
Instinctivement elle replia la carte routière. Elle fit quelques dizaines de kilomètres sur la D3.  
– « Finalement, c’est sympa par ici ! »

Plus tard, elle s’arrêta prendre un café, puis encore un autre. Depuis combien d’heures n’avait-elle pas dormi ? L’odeur des crêpes réveilla sa faim, elle en engloutit trois à la suite, le tout arrosé d’une bolée de cidre fermier. Une radio locale déversait une musique bretonne entraînante, elle recommanda une dernière crêpe.

Dans une heure, elle devrait être arrivée. De départementales en départementales, elle ne remarqua pas le soleil qui continuait de décliner, là-bas, toujours plus à l’ouest; il faisait nuit lorsqu’elle arriva à Plélan-le-Grand.

À SUIVRE

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

30 réflexions sur « Le monde de l’entre-deux – 1/6… !!! »

  1. J’ai été happée!!! Formidable entrée en matière et succulente mise en bouche avec une ambiance de thriller comme j’aime…
    Le ressenti me prend comme dans les textes d’auteurs dont je raffole: Chattam et Grangé…
    Ardent, puissant, entraînant…
    Hâte de savoir la suite, où l’héroïne s’enfonce-t-elle? Très envie de poursuivre cette lecture!
    Merci pour les élucubrations zazatesques et bon courage à Poux Ronchon pour les manips sur ton ordinateur…
    Merci d’avoir pris des nouvelles de ma main. Je tape avec les deux mains, c’est mieux! Mais c’est encore douloureux, ça ne peut pas cicatriser en une poignée de jours, c’est en bonne voie toutefois
    Gros bisous et merci ma Zaza pour ce récit haut en couleurs et en émotions qui s’amorce…
    Cendrine

  2. …du pur Zaza que ce texte…j’en suis toute essoufflée!
    Heureusement, tu nous laisses jusqu’à demain pour récupérer..
    Bises du jour
    Mireille du sablon

  3. Bonjour Zaza,
    Voilà encore une belle histoire haletante sur un air bretagne à la ZAZA
    Donc à suivre
    Bonne journée
    Amitiés

  4. Essoufflée je suis ..wouah quelle course ..sourires..
    Comme toujours tu sais nous mettre dans l’ambiance très vite
    Et il n’y a plus qu’a attendre la suite …
    Bonne journée Zaza
    Bises

  5. J’arrive tout juste à reprendre mon souffle et pourtant je viens, moi, aussi, de dévorer trois crêpes et une grosse bolée de cidre (non d’une pipe que c’était bon!!!)…Mais où vas-tu nous emmener encore, hein? J’attends… Bisous bien pluvieux aujourd’hui

  6. ton texte je pense savoir qui poursuit cette femme je verrais bien si je me trompe en voyant la suite,et il pleut ce qui fait du bien au jardin ,les crêpes vont poussés,je te souhaite un très bon lundi,bises

  7. Bonjour Zaza, j’ai bien fait de venir, j’ai eu le temps de lire cette histoire , terrible le suspens, vite, vite la suite, Bisous MTH

  8. Une atmosphère bien pesante qui fait battre le coeur…Mais je sais pas pourquoi il me semble que le souffle sur la nuque et Gaël le fameux ne font qu’un j’espère me tromper…bon la clé va retrouver ou pas retrouver la suite la suite vite on veut savoir

  9. cela fait penser à certains rêves où tout est entravé, et cette sensation de peur au ventre.
    Heureusement que l’histoire termine bien, car dommage pour la petite dame. Bises et merci.

  10. Bonjour Zaza
    Bon je laisse mon « Hervé Jaouen » Zaza n’attend pas
    Je m’embarque sur tes pas mais n’ais crainte ce n’est pas moi qui te poursuis je te suis juste en histoire
    A plus tard je vais prendre le soleil
    Bisous

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