N’oun-Doaré … !!! 1/3

Extraits des Contes Populaires de Basse Bretagne

9782737340895

Bez’a zo brema pell-amzer’
D’ar c’houlz m’ho devoa dennt ar ier.

 Il y a de cela bien longtemps,
Quand les poules avaient des dents

Le marquis de Coat-Squiriou, revenant, un jour, de Morlaix, accompagné d’un domestique, aperçut, couché et dormant dans la douve, au bord de la route, un enfant de quatre ou cinq ans.

Il descendit de cheval, éveilla l’enfant, qui dormait, et lui demanda :
— « Que fais-tu là, mon enfant ? »
— « Je ne sais pas », répondit-il.
— « Qui est ton père ? »
— « Je ne sais pas. »
— « Et ta mère ? »
— « Je ne sais pas. »
— « D’où es-tu ? »
— « Je ne sais pas. »
— « Quel est ton nom ? »
— « Je ne sais pas », répondit-il toujours.

Le marquis dit à son domestique de le prendre en croupe sur son cheval, et ils continuèrent leur route vers Coat-Squiriou.

L’enfant fut appelé N’oun Doarè, ce qui signifie en breton : « Je ne sais pas. »

On l’envoya à l’école, à Carhaix, et il apprenait tout ce qu’on lui enseignait.

Quand il eut vingt ans, le marquis lui dit :
— « Te voilà assez instruit, à présent, et tu vas venir avec moi à Coat-Squiriou. »

Et il l’emmena à Coat-Squiriou.

Le quinze du mois d’octobre, le marquis et N’oun-Doaré allèrent ensemble à la Foire, place Marc’hallac’h, à Morlaix, et descendirent dans le meilleur hôtel de la ville.

« Je suis content de toi, et je veux t’acheter une bonne épée », dit le marquis au jeune homme.

Et ils allèrent ensemble chez un armurier. N’oun-Doaré y examina mainte belle et bonne épée; mais, aucune ne lui plaisait, et ils s’en allèrent sans avoir rien acheté.

En passant devant la boutique d’un marchand de vieilles ferrailles, N’oun-Doaré s’y arrêta, et, remarquant une vieille épée toute rouillée, il la saisit et s’écria :
— « Voici l’épée qu’il me faut ! »
— « Comment ! » Lui dit le marquis, « vois donc dans quel état elle est ! Cela n’est bon à rien. »
— « Achetez-la-moi comme elle est, je vous prie, et vous verrez plus tard qu’elle est bonne à quelque chose. »

Le marquis paya la vieille épée rouillée, qui ne lui coûta pas cher, et N’oun-Doaré l’emporta, tout heureux de son acquisition; puis, ils retournèrent à Coat-Squiriou.

Le lendemain, N’oun-Doaré, en examinant son épée, découvrit sous la rouille des caractères à demi effacés, mais qu’il parvint pourtant à déchiffrer.

Ces caractères disaient : « Je suis l’Invincible ! »

A merveille ! Se dit N’oun-Doaré. Quelque temps après, le marquis lui dit :
— « Il faut que je t’achète aussi un cheval. »

Et ils se rendirent tous les deux à Morlaix, un jour de haute foire.

Les voilà en champ de foire. Il y avait là, certes, de beaux chevaux, de Léon, de Tréguier et de Cornouaille. Et pourtant, N’oun-Doaré n’en trouvait aucun à lui convenir, si bien que le soir, après le coucher du soleil, ils quittèrent le champ de foire, sans avoir rien acheté.

Comme ils descendaient la côte de Saint-Nicolas, pour rentrer en ville, ils rencontrèrent un Cornouaillais menant par un licol de chanvre une vieille jument fourbue et maigre comme la jument de la Mort.

Vieux cheval  (1898), peinture de Charles Cottet

N’oun-Doaré s’arrêta, la regarda et s’écria :
— « Voici la jument qu’il me faut ! »
— « Comment ! Cette rosse ? Mais regarde-la donc ! » Lui dit le marquis.
— « Oui, c’est bien elle que je veux, et pas une autre; achetez-la-moi, je vous prie. »

Et le marquis acheta la vieille jument à N’oun-Doaré, tout en protestant qu’il avait de singuliers goûts.

Le Cornouaillais, en livrant sa bête munie d’un licol, susurra à l’oreille de N’oun-Doaré :
— « Voyez-vous ces nœuds, au licol de la jument ? »
— « Oui », répondit-il.
— « Eh bien, chaque fois que vous en déferez un, la jument vous transportera immédiatement à quinze cents lieues de l’endroit où vous serez. »
— « Fort bien », répondit-il.

N’oun-Doaré et le marquis reprirent le chemin de Coat-Squiriou, avec la vieille jument.

Chemin faisant, N’oun-Doaré défit un nœud du licol, et aussitôt la jument et lui furent transportés, à travers l’air, à quinze cents lieues de là. La jument et son cavalier se retrouvèrent au centre de Paris.

Quelques mois après, le marquis de Coat-Squiriou vint aussi à Paris, et rencontra N’oun-Doaré, par hasard.
— « Comment ! » Lui demanda-t-il, « est-ce qu’il y a longtemps que tu es ici ? »
— « Mais oui », répondit-il.
— « Comment donc y es-tu venu ? »

Et il lui raconta comment il était venu si vite à Paris.  Ils allèrent ensemble saluer le roi, dans son palais.  Le roi connaissait le marquis de Coat-Squiriou, et leur fit bon accueil.

Une nuit, par un beau clair de lune, N’oun-Doaré alla se promener, seul avec sa vieille jument, hors de la ville.  Il s’approcha d’une vieille croix de pierre mortuaire, et y remarqua derrière, quelque chose de lumineux.

Il s’approcha et reconnut un diadème en or serti de diamants.
— « Je vais l’emporter, sous mon manteau », se dit-il.
— « Gardez-vous-en bien, ou vous vous en repentirez, dit une voix venue, il ne savait d’où. »

Cette voix, qui n’était autre que celle de sa jument, se fit entendre par trois fois.  Il hésita quelque temps et finit par emporter le diadème, sous son manteau.

Le roi lui avait confié le soin d’une partie de ses chevaux, et, la nuit, il éclairait son écurie avec le diadème, dont les diamants brillaient dans l’obscurité.

Ses chevaux étaient plus gras et plus beaux que tous ceux que soignaient les autres valets, et le roi l’en avait félicité souvent, de sorte qu’ils étaient très jaloux de lui.

Il y avait interdiction expresse d’avoir de la lumière dans les écuries, la nuit, et, comme ils en voyaient toujours dans l’écurie de N’oun-Doaré, ils allèrent le dénoncer au roi.  Le roi n’en fit d’abord aucun cas, mais, comme ils renouvelèrent plusieurs fois leur dénonciation, il demanda au marquis de Coat-Squiriou ce qu’il y avait de vrai dans tout cela.
— « Je ne sais pas », répondit le marquis, mais je m’informerai auprès de mon domestique.
— « C’est ma vieille épée rouillée », répondit N’oun-Doaré, qui luit dans l’obscurité, car c’est une épée « fée », répliqua-t’il.

Mais, une nuit, ses ennemis, appliquant leurs yeux au trou de la serrure de son écurie, virent que la lumière qu’ils dénonçaient était produite par un magnifique diadème placé sur le râtelier des chevaux, et qui éclairait sans brûler.

A suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

32 réflexions sur « N’oun-Doaré … !!! 1/3 »

  1. Je n’aime pas trop les contes mais j’ai lu le début de celui-ci avec plaisir. Je ne sais pas si je pourrais lire la fin car semaine bien chargée : traitement et retour en Vendée. Bises.

  2. Bonjour Zaza Un nouveau conte captivant qu’on lit avec plaisir A bientôt pour la suite
    Merci à toi et belle journée

  3. Bonjour Zaza ! Merci il est joli ton comte j’ai pue le lire en entier car parfois quand c’est trop long j’arrive à m’emberlificoter dans les lignes ! Alors la suite STP ! bon mardi bisous !

  4. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute , tu es une bonne narratrice et moi j’apprécie de lire ces légendes et cette région n’en manque pas , je ne sais pas si nos générations sauront en laisser …
    Bise et belle journée

  5. Ah tu sais que j’aime les contes alors j’attends la suite !!!! encore le soleil mais demain la pluie est annoncée ,on en a besoin , tout est grillé …….. bon mardi bisous

  6. COUCOU ZAZA
    ENFIN J AI INTERNET MAIS JE VIENS TOUT DOUCEMENT SUR LES BLOGS CAR J4AI BEAUCOUP DE TRAVAIL EN RETARD
    UN TRES BON LIVRE A OFFRIR
    GROS BISOUS CATY

  7. Bonjour Zaza .
    J’espère que ton week-end s’est bien passé et que tu vas bien .
    Je te souhaite un bon mardi et une bonne semaine pleine de bonnes choses .
    Bisous de nous deux .

  8. Bonjour Zaza,
    Merci pour cette belle transécriture de ce conte de la basse Bretagne
    Bonne fin de journée
    amitiés

  9. Un joli livre Zaza et quel beau diadème j’attends donc la suite … bonne journée sous la grisaille on respire bises

  10. bonjour ZAZA,
    sympa ces contes, moi je possède les contes de haute Bretagne.
    soleil en cette fin d’été et préparation rentée hosto..
    bisous

  11. M’enfin, le cheval lui avait pourtant bien interdit d’embarquer le diadème ! et maintenant, que va-t-il donc se passer ? j’en tremble d’avance …
    A bientôt pour la suite
    Gros bisous ma Zaza

  12. Super Zaza j’aime beaucoup ton histoire et que dire des cartes postales de Morlaix , sinon qu’elles sont superbes . Non seulement j’adore les contes mais je reviens dans un endroit de Bretagne que j’aime beaucoup grâce à ce billet .
    Bonne soirée
    bisous

  13. Superbe! La magie des contes et une épée fée, comme j’en vois souvent dans mes rêves… Un bonheur de continuer à lire la suite, j’y vais de ce pas!
    Gros gros bisous
    Cendrine

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