Voyage sans retour – 2/3 … !!!

Les volutes de fumée tissaient entre elles des liens si étroits qu’un brouillard indéfinissable siégeait dans l’intégralité de la pièce.

fumée

Chose étrange cependant, je n’étais nullement incommodée par l’odeur du tabac. C’était comme si ce brouillard était naturel et non issu des expirations des multiples fumeurs se trouvant dans l’estaminet. 

Les clients avaient des regards bizarres, étranges, surprenants et déroutants.

Il me fallut un moment avant de m’apercevoir qu’aucun d’entre eux n’osaient me regarder de face et les seuls dont je pouvais croiser la vision, ce n’était que dans les reflets du grand miroir qui se trouvait posé sur le plan de travail derrière le comptoir. 

miroirs

L’endroit était vraiment déroutant.

Paradoxalement, cette ambiance me plaisait et plus les minutes passaient plus je m’y sentais à mon aise, plus je me disais qu’il aurait vraiment été regrettable de passer à côté d’un lieu pareil.

Meg avait réussi à se frayer un chemin jusqu’au comptoir. Je me tenais à ses côtés, légèrement en retrait. 

– « Que prends-tu ? » Me demanda-t-elle.
– « Une pression ! » Répondis-je sans réfléchir.
– « Patron ! Deux « Duchesse Anne », s’il te plait ! » Cria-t-elle au barman.

duchesse anne– « Duchesse Anne ? » M’interrogeai-je à haute voix.
– « C’est une bière blanche bretonne ! Tu n’en as jamais bu ? »
– « Ma foi non ! »
– « Mais d’où sors-tu ? »
– « C’est peut-être ça mon problème, je ne sors que très rarement. J’aime rester dans ma bulle ! » 

Elle s’était mise à rire. Mais je ne lui en voulais pas, car je la trouvais si belle quand elle riait que je n’aurais pas voulu que ce moment cesse… et si j’avais été un homme,  elle était à croquer.

Malheureusement un type bâti comme un bûcheron canadien vint interrompre le charme. 

bûcheron

– « C’est ma place ! »  Me dit-il froidement.
– « Excusez-moi ! Je n’en ai pas pour longtemps ! Juste le temps de prendre la commande avec la demoiselle et je vous la rends ! »
– « Bouge-toi, c’est ma place, je te dis ! » Me lança-t-il en prenant sa voix grave de brute épaisse.
– « Vous ne m’avez pas compris monsieur ? Je vais vous la rendre dans un instant. Juste le temps de prendre… »
– « Dégage ! C’est ma place ! Ici on n’a pas le droit de prendre la place d’un autre ! Si on veut une place, il faut la faire soi-même ! C’est comme ça ! C’est la règle ! Et si ça ne te plait pas tu n’as qu’à te barrer ! » Me coupa-t-il froidement sans même m’adresser le moindre regard.
– « Mais… »
– « Il a raison Zaza ! C’est une des règles de la maison ! Chacun doit rester à sa place ! »
– «É
trange ! Et toi ? Tu as la tienne aussi ? » Lui demandai-je.
– « Évidemment ! Regarde ! » Me dit-elle en pointant du doigt la petite table du bistrot.

table de bistrot

« Vas t’asseoir ! Je te rejoins de suite » Rajouta-t-elle.
Il s’agissait d’une petite table ronde autour de laquelle il y avait une chaise.

Meg m’avait rejoint avec les bières et une chaise. 

– « Ils ne servent que des pintes ? » Lui ai-je demandé. 

Elle se contenta de me sourire en posant le gigantesque verre devant moi. 

– « Quel drôle d’idée que de réserver la place de chacun. Je me demande comment font les clients de passage. »
– « C’est un bar d’habitués ! Je n’ai encore jamais vu quelqu’un y rentrer sans y avoir été invité. » Me répondit Meg en portant la pinte à ses lèvres. 

Je profitai de cette légère interruption dans notre conversation pour jeter un regard circulaire dans la pièce. Je m’aperçus que rien ne semblait avoir bougé depuis notre entrée.

Chacun était à sa place, discutant avec le même voisin ou la même voisine.

Curieusement, je me suis même demandée si la fumée elle-même n’était pas figée, comme conditionnée à demeurer dans le même espace. 

– « Comment as-tu découvert ce lieu si étrange ? »
– « Je te l’ai dit on n’y entre pas sans invitation ! »
– « Tu y as donc été conduite ! »
– « D’une certaine façon, oui ! »
– « Était-ce l’un d’entre eux ? » Dis-je en  montrant les autres clients d’un revers de la main.
– « Non ! »
– « Mais que faisais-tu sur le trottoir, alors ? »
– « J’étouffais et j’avais besoin de prendre l’air. Et puis je savais que tu allais passer. »
– « Mais comment savais-tu que j’allais emprunter la rue de la Providence et passer devant le Stenway ? »
– « Évidemment, tu ne l’avais pas prévu, mais en écrivant la malédiction des Mac Drummond et en me condamnant à errer dans les ruines de ce vieux château, tu n’avais pas prévu que j’avais récupéré certains pouvoirs, comme tous ceux de ma lignée ! »
– « Ah bon ! »
– « Et oui ! Le don d’ubiquité déjà, pour sortir comme je l’entends de ces lieux austères. »
– « Et quels sont les autres pouvoirs que tu as récupérés ? »
– «  Chaque chose en son temps Zaza ! Te rappelles-tu de notre première rencontre ? »
– « C’est marrant, j’ai également du mal à me situer dans le temps. »

– « Je pourrais me froisser en effet, mais je ne le ferai pas. J’ai bien compris que ta mémoire avait du mal à me faire ressortir de tes souvenirs. Le choc peut-être ? »
– « Le choc ? Quel choc ? »
– « Tu ne te souviens vraiment pas de notre première rencontre ? »
– « Je suis désolée mais je dois t’avouer que non ! »
– « De quoi te souviens-tu exactement ? » Insista-t-elle.
– « Je me souviens de toi. Je me souviens que je t’ai déjà vue. Cependant, je me souviens de toi différente. »
– « Différente ? Qu’entends-tu par différente ? » Me reprit-elle.
– « Tu…, tu n’avais pas ni la même coiffure, ni la même couleur de cheveux, enfin… je crois. »
– « C’est exact ! »
– « Ah ! Je me souviens que j’apprécie ta compagnie et que nous avons passé un long moment ensemble. »
– « Quoi d’autre ? »
– « C’est plutôt flou ! Je crois que tu as disparu, d’un coup ! Et puis, j’ai comme un trou noir ! »
– « Je pense que tu aimerais que j’éclaircisse un peu ta mémoire ! »
– « Si tu pouvais le faire ce serait un réel plaisir ! »

Elle me raconta alors une incroyable histoire.

– « Il y a une bonne vingtaine d’année, alors que tu travaillais encore en région parisienne pour ce groupe canadien, tu avais pris un aller-retour Paris-Québec. Nous voyagions seules et le hasard nous avait placés côte à côte dans l’avion. Tu m’as laissé la place à côté du hublot en prétextant que tu avais peur du ciel. »

A SUIVRE

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

23 réflexions sur « Voyage sans retour – 2/3 … !!! »

  1. Je continue à me régaler…
    Ces brumes d’ectoplasmes me réjouissent, fumée des esprits, territoire d’entre-deux où l’on entre sur invitation…
    J’ai bien aimé le gars bâti comme un bûcheron canadien!
    Mais surtout, j’aime ce lien construit entre « vous deux »… Ce tête à tête, un envoûtant écho…
    Plaisir de lecture renouvelé avec brio, merci ma Zaza
    Je t’envoie de gros bisous tendresse et amitié, belle journée
    Cendrine

  2. Bonjour Zaza.. Ca me plait bien l’ambiance de ton texte ….ohhh zut il faut attendre pour la suite !
    Pas beaucoup de soleil aujourd’hui…Il n’a fait qu’une brève apparition ! Mais il ne faut pas désespérer car il va bientôt revenir…!
    Je te souhaite beaucoup de belles choses durant cette journée…Bisous et amitié sincère ♥

  3. …ah Zaza, tu coupes toujours au moment le plus « intéressant »…va encore falloir attendre!
    Bises du jour,
    Mireille du Sablon

  4. Hello ZAZA,
    C’est très fort ce que tu es en train de faire en te mettant en scène !
    Je connais la fin…mais motus et bouche…
    Non, je déconne mais j’ai une idée.
    Biz.

  5. Bonjour,
    C’est vrai que l’on voudrait la suite de suite, le suspense est entretenu.
    L’ambiance d’un bar enfumé, souvenirs d’enfance.
    Bonne journée
    Bises

  6. Rhooo tu nous laisses sur notre faim !!! j’adore, je te lis avec grand plaisir et j’ai hâte d’avoir la suite de cette histoire palpitante !
    Pas commode le bûcheron lol
    Bisous & douce journée

  7. ça ne plaisante pas dans ce bar;il est vraiment étrange ! Finalement, tu refais connaissance avec ton héroïne . C’est original ce tête-à-tête étrange. Bisous

  8. Vraiment étrange ce café , toute une atmosphère que tu nous fais partager avec cette invitation de Meg .
    Chouette nous allons faire un tour au pays de Colette .
    Tu a l’art de nous laisser sur notre faim avec tes épisodes
    Bonne soirée
    Bisous

  9. Comme toujours c’est un réel plaisir de venir voir ton blog.
    Je viens de lire un texte captivant : c’est très agréable , j’ai adoré !
    Passe une bonne fin de journée de mardi . Cordiales amitiés & à +

  10. Décidément, mon ordi me joue des tours : hier, rien donc j’ai loupé le premier épisode ! Je vais me rattraper avec la suite !

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