Défi 231 pour les Croqueurs de Môts … !!!

ABC (Jardin des mots), ICI , est à la barre de la galère pour cette quinzaine !

« Changement d’horizon, j’emmène tous les matelots, en espérant qu’ils n’ont pas le vertige, faire un petit tour en montagne. Durant notre randonnée nous sommes attirés par un message envoyé du sommet du plateau.  Vous devez, tout simplement, décrypter ce message et nous dire qui peut bien nous l’envoyer ?« 

Elle reprend subitement conscience. Il lui faut un instant !

Elle est couchée dans la neige et, curieusement, elle n’a pas froid.
Son corps paraît emprisonné dans une gangue de glace, doublé d’un sarcophage immaculé, ouvert par son souffle. Sa joue reste collée contre la paroi, figeant l’étendue de sa vision, sur cette bande étroite et escarpée des sommets enneigés.
Hormis le regard, aucun mouvement ne lui est possible. Seul ce champ de vision prévaut telle une mire immobile.
Pourquoi est-elle allongée au sommet de cette montagne ?
Comment est-elle arrivée jusqu’ici, sur ce lit de froide blancheur ?
Tout semble irréel et tellement inconcevable.
Elle perd conscience un moment indéterminé, mais bref, car la lumière est la même, faible et blafarde, quand elle revient  à elle.
Elle entend les sons cristallins de petits sabots durs et cornés, piétinant les pierres gelées, au-delà de ce qui lui est possible de voir. 
Un « tacca ta » nerveux et soudain, apparaissent des pattes musclées, deux majestueux bouquetins, indifférents à sa position et son état. Ils l’observaient, sans le moindre soupçon de peur.
Soudain, le cri rauque d’un milan met leurs sens en éveil !
L’alerte habituelle pour signaler une présence certainement hostile. Les corps se figent et la tête relevée, le nez au vent, muscles bandés, leur espace de sécurité est menacé, il est temps de fuir, et elle, elle reste figée dans ma gangue blanche !
Un vol lourd, presque stationnaire, un bruissement de plumes, deux rappels éraillés, crèvent le silence et dans le ciel assombri, le rapace tout à sa vigilance, poursuit sa quête solitaire.

Elle aussi, avait une vie qui lui apparut comme un flash.
Des visions ensoleillées : sa famille, ses enfants, ses amis… Des sourires éclatants, des merveilles de chaleur enivrante… Comme la douceur crépitante d’une cheminée…
Malgré la galopade effrénée des bouquetins, elle peut apercevoir, un instant encore, la fourrure brune de ses visiteurs, traversant l’horizon en trois bons musculeux. L’espace restreint, l’étendue de son regard, laissent place au silence.
Un silence total, assourdissant, emplissant brutalement sa conscience.
La mémoire, imprévisible maîtresse, à sa guise, libère des lambeaux de sa vie : la maladie, la lutte, la rémission.
Puis : les courses en montagne, le goût de l’effort, la pleine forme revenue. Et encore : la récidive, lourde de conséquences.
Soudain, droit devant elle, un loup, est arrivé en trombe ! 

Impossible de savoir depuis combien de temps, il se tenait devant elle.
Curieusement, il ne semblait en rien agressif, plutôt perplexe. Loin de l’image sanguinaire que l’on s’évertue trop souvent à propager, elle n’a pas peur de lui. Peut-être le ressent-il instinctivement. Son immobilité soudaine lui permet de mieux le détailler, l’observer. Son pelage gris parait bien sombre sur le blanc manteau du sommet. Ses yeux, doux mais fixes, semblent étudier intensément la situation.
Son intérêt pour cette forme immobile et glacée semble l’interpeller. Pour lui, elle n’est déjà plus un être humain, mais une âme en souffrance.
Ce face-à-face semble arrêter le temps de cette improbable rencontre. Avec les nuages et le vent pour seuls témoins, une longue pause, où tout se dit sans un mot, juste l’intensité d’un regard, impénétrable. 
À l’immensité de l’environnement, juste un faisceau d’incompréhension.
Alors, avec un petit glapissement, le loup se lève et s’en va, sans élan, sans un bruit, à pas de velours, il poursuit son chemin, de sa démarche souple et déterminée, sans doute à la poursuite des bouquetins, indifférent à son sort.

La nuit, qui tombe avec le froid, le sommeil… Une dernière larme gèle avant de perler.
Le fugace salut de la queue enflammée d’une comète, puis un million d’étoiles tissant un voile cotonneux, pour poudrer la terre en brillant sous la lune, dans le plus apaisant des silences, la douce caresse des flocons, promesse d’une fin rapide…
C’est à cet endroit d’une beauté démesurée qu’elle est venue déposer son dernier message !

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

39 réflexions sur « Défi 231 pour les Croqueurs de Môts … !!! »

  1. Bonjour Zaza,
    Voilà encore une belle page d’écriture qui nous laisse tout au long dans l’émotion avec une fin dans la tristesse
    Merci du partage
    bonne fin de journée
    Amitiés

  2. Beau, solennel et profond, fermer les yeux là-haut dans l’immensité froide des neiges éternelles.
    Une participation chargée d’émotion, merci !

  3. Superbe texte , une dernière communion avec cette nature si belle et pourtant si cruelle qui la prend sous son aile . Un message tres émouvant .
    Bonne journée
    Bises

  4. Encore un billet émouvant ,tu as l’art et la manière de nous transporter , merci ma douce
    J’espère que tu n’aura pas trop de dégâts bonne semaine big bises

  5. Oh, Zaza, quel vrai talent ! Savoir aussi sobrement traduire autant d’émotion, dépeindre si justement les attitudes, je suis sincèrement admirative, bravo !
    Il me faudra revenir sur votre lien ( rétif !) relatif à la tempête. Soulagée que votre belle île ait été relativement épargnée. Ce matin, j’ai félicité mes très très vieux (et multiples) arbres, qui ont résisté à cet ouragan, rare en nos contrées bas- jurassiennes.
    Prenez soin de vous Zaza, bises des Cabardouche !

  6. tu es vraiment la reine du suspens ! et quelle écriture qui nous tient en haleine ! je me demande vraiment si tu ne te caches pas sous une plume célèbre, tes écrits coulent si bien :-)

    bisous

  7. Je viens de te lire et ton texte m’a calmer, car mes problèmes d’informatiques ne sont pas là pour me rendre joyeux, le temps non plus, car le ciel est couvert et le soleil absent ! Enfin, ici j’ai passé un agréable moment : merci ! Passe un bon lundi, cordiales amitiés & à +

  8. Quel beau texte !! Il dit la vie, sa beauté, sa dureté. J’ai été surprise je m’attendais à de la science fiction que tu sais bien évoquée.
    L’écriture nous permet de dépasser nos douleurs, nos peines.
    Le vent a bien secoué les arbres nous réveillant avec ses rafales. Beaucoup de branches cassées et ça secouait ce matin sur l’autoroute. Bises

  9. Bonjour Zaza, superbe récit, plus rien à perdre alors pourquoi ne pas grimper au plus près des étoiles pour les rejoindre sans douleur dans le froid qui endort et profiter jusqu’au bout des beautés de la montagne ? Gros bisous.

    1. j’avais visionné et commenté depuis mon smartphone, ça a quand même bien plus d’allure sur un écran plus grand, surtout pour les photos magnifiques mais aussi pour la mise en page bises

  10. Coucou Zaza
    C’est de toute beauté !
    Me rappelle certains livres qui parlaient des « vieux » ou « vieilles » qu’on larguait (ou qui allaient d’eux mêmes pour respecter la coutume !) sur les cimes des montagnes, parce qu’on était trop pauvre pour les nourrir au détriment des enfants ….
    Je vais chercher ce film « altitude » ? Ne connais pas !
    Tu m’as bien secouée ! J’ai eu peur à l’arrivée du loup…. bien que les animaux évitent de manger ceux qu’ils considèrent comme mort !
    Merci pour cette merveille ! Repose toi bien surtout et à bientôt
    Bisous

  11. Et bien ma Zaza je rentre de 2jours et demi a Paris a voir mes
    parents et Cherubin je reviens énervée stressee alors lire ton beau texte certe triste mais si beau m’a plu je pense bien à toi jespere que tu vas un peu mieux, il faudra se téléphoner un de ces jours gros bisous

  12. Absolument magnifique ton texte!
    On vibre avec le personnage, on « la » ressent et la fin aussi…
    Terrible, terrible…
    Magistralement écrit!
    Gros bisous et pensées d’amitié pour toi ma Zaza
    Cendrine

  13. que dire de plus que j’ai été subjuguée par la beauté de ce texte très émouvant
    bravo défi relevé haut la main bises

  14. Un drame dans la montagne. Pourquoi elle ? Pourquoi est-elle seule ? La vie qui vous quitte. Une symbiose entre l’homme et la nature comme un retour aux sources. C’est très beau et très émouvant.

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