ERREUR FATALE …!!! – 22/31

 Les Retrouvailles !

Dehors, la rue Vaugirard était presque déserte. Quelques rares piétons fuyaient chez eux, en rasant les murs.

Un vent froid, annonciateur de l’hiver, transperçait ses vêtements. La température externe, associée à sa fatigue interne le firent frissonner.

D’un geste gourd, Jacky remonta le col de sa veste et regardait avec envie l’écharpe rouge qui s’éloignait, enroulée autour du cou d’une passante.

Il n’eut guère à marcher.

Sur le trottoir d’en face, la 505 de Tarlouse les attendait. Le commissaire lui fit signe de monter à la place du mort, et lui se glissa sans chausse pied, mais en se contorsionnant, derrière le volant.

Après quelques sollicitations, le moteur du tombereau toussa, crachota, puis vrombit comme un asthmatique. En tressautant, ils déhottèrent. Un vieux travailleur en bleu de chauffe, frôlé par l’aile de la guimbarde, eut peur pour ses miches. Il cracha sa chique dans leur direction, et la sombre grisaille de la nuit les engloutit.

Tarlouse ne pipait mot, et vu son humeur, Jacky imita sa muette attitude. D’ailleurs, le trajet fut court. Rapidement, ils tournèrent dans la rue de la Convention et pénétrèrent non loin de la rue Leblanc, au 20, dans l’hôpital George Pompidou. Pas besoin d’être grand clerc pour penser qu’ils allaient récupérer, ou tout au moins visiter la douce amie du Jacky.

Ils laissèrent la 505 à sa solitude et d’un pas stylé : «marche commando», ils enfilèrent une suite de couloirs. Ces boyaux, à courants d’air, parurent interminables. Au loin, un rez-de-chaussée éclairé lui fit espérer qu’il s’agissait de leur destination. Effectivement, lorsqu’ils furent à quelques enjambées, il entendit la charmante voix de sa musaraigne. Son cœur battit plus fort, ce muscle sentimental s’était tellement cabré en la croyant morte ! Tout en marchant, il tendit l’oreille.

– «Absolument pas question que je reste ici !»

– «Mais mademoiselle, ce n’est pas raisonnable ! Après une telle commotion.»

– «Commotion ou pas, c’est du pareil au même. Un ami doit venir me chercher. Dès qu’il arrive, Je vous signe une décharge et nous mettons les voiles ! »

– «Pas un ami, deux !» Claironna Tarlouse en entrant.

– «Eddy»! S’écria Meg en se précipitant sur lui.

Dans les bras l’un de l’autre, ils se serrèrent à en faire imploser leurs cages thoraciques. Pour eux, l’avenir s’arrêtait au présent, mais pour notre cher commissaire ????

– «Hum ! Hum !… Hou, hou !… Vous pouvez peut-être redescendre parmi nous ?»

– «Excusez-nous !» rétorqua Jacky en se détachant à regret de son aimée/amante à polarité inverse, «mais il fallait que je sois tout à fait sûr de ne pas étreindre un fantôme !»

– «Étreindre un fantôme ?» S’étonna son ex-ectoplasme préféré !

– «Ben oui ! Au poste, où j’étais détenu, un flic m’a fait croire que tu étais au boulevard des allongées ! » Frémit-il.

Meg est devenue livide, comme si brutalement il lui transmettait la douleur et la détresse, qu’il avait ressenties en apprenant sa mort.

– «Oui Meg, des coups qu’ils m’ont flanqués, c’est celui qui m’a fait le plus mal, mais … !»

– «Bon ! On ne va pas y passer la nuit. Vous chialerez sur vos malheurs plus tard. Parti comme c’est parti, on va larmoyer jusqu’au petit matin. Et mon pauvre chéri par ci, et ma pauvre chérie par là. Allez ! Séchez vos yeux et mouchez vos nez un bon coup. Meg ! Signez cette putain de décharge et foutons le camp d’ici !»

Meg signa et ils partirent. Ils formaient une belle équipe ! Tarlouse en éclaireur ouvrait un chemin que nul n’aurait eu l’idée de lui contester. La musaraigne et Jacky claudiquaient à sa suite. Tout en marchant, il demanda à sa tuméfiée, comment, et par quel miracle, le commissaire était arrivé sur ce coup.

– «Oh ! C’est bien simple.» Répondit-elle. «Quand je suis revenue à moi, en «réa» à l’hôpital George Pompidou, j’ai demandé après toi. Au début, personne n’osait me répondre. Tout le monde pensait que je réclamais des nouvelles de Looser. Puis ce moment d’incertitude passé, lors qu’enfin l’infirmière de garde comprit que je m’inquiétais pour l’autre, le vivant, elle m’a rapporté l’historiette suivante: «D’après l’ambulancier qui vous a amenée ici, votre ami a été transporté d’urgence chez les flics.» Puis en affectant un air navré et entendu, elle lui a expliqué que la différence entre un Hôpital et un poste de police, était qu’à l’hosto, les clients arrivaient en piteux état et repartaient en pleine santé, alors que chez les poulets, ils arrivaient en parfait état et repartaient, en compote, pour la Santé. Ne sachant dans quelle «pension» tu étais descendu, j’ai téléphoné à Tarlouse.»

– «A cette heure ? Il était encore à son bureau ?»

– «Non, je suis tombée sur un planton.»

– «Alors ?»

– «Alors, je lui ai demandé d’appeler Tarlouse chez lui de toute urgence, parce qu’une certaine Meg Duchemain était hospitalisée à l’hôpital George Pompidou, et qu’elle avait des révélations à lui faire ! Vingt minutes plus tard, Tarlouse était là !»

– «Tu lui as raconté ???»

– «Rien encore, ou presque rien. Simplement, la séance de la rue François Coppée, la méprise de ses collègues à ton endroit, et ton embarquement pour Ballonville. Je lui ai laissé entendre que je savais pourquoi Ghislaine de Maragne était morte, et qui avait commandité le crime. Que j’étais toute disposée à lui filer la clef de l’énigme, mais que d’abord, il fallait te sortir du trou. Il a passé trois coups de fil, puis, tout en prenant la porte, il m’a lancé : «Attendez-nous ici. Dans une demie heure, je suis de retour avec votre Zigoto». Vingt-cinq minutes plus tard vous débarquiez, bras dessus, bras-dessous.»

– «Et maintenant ?»

– «Et maintenant vous montez dans ma caisse, on se trouve un troquet peinard, et Miss Duchemain se met à table.» Balança notre chauffeur en déverrouillant les portières de la 505, Meg comme passagère à côté du commissaire et Jacky sur la banquette arrière !

Une petite pluie fine se mit à crachoter sur la ville. Les pavés luisants reflétaient les lumières des réverbères. De la banquette arrière, entre la silhouette massive de Tarlouse et l’appui tête qui masquait Meg, les essuie-glaces couinaient dans un va et vient soporifique. Lasses, ses paupières étaient de plus en plus sensibles à l’attraction universelle. Sa caboche aussi d’ailleurs ! Son nez, attiré par sa poitrine, avait une franche tendance à piquer.

Ses deux compagnons de devant, silencieux, ne favorisaient pas son maintien en éveil. Il se secouait, frottait ses calots, ouvrait la vitre à moitié, et respirait à pleins poumons l’air frais et humide. En passant la main par l’ouverture, il récoltait quelques gouttes de crachin, et en mouillait le lobe de ses oreilles. Ce glacial contact lui donna un coup de fouet, et le nez au carreau il regardait défiler le paysage.

La voiture tourna à gauche rue de Vaugirard. Un peu avant le lycée Buffon, il reconnut les bâtiments de la MGEN, la mutuelle des enseignants. Ils traversèrent le boulevard Pasteur.

Pasteur, ça c’est un grand bonhomme ! En 1856, mettre au point une méthode de conservation des liquides fermentescibles comme l’alcool de betterave ou le pinard lui valut le titre de bienfaiteur de l’humanité ! Oui Pasteur, il le vénère, le chérit. Pasteur n’est pas comme l’Albert Einstein, ainsi que tous les autres dont les travaux débouchèrent sur la bombe atomique. Le grand pétard «fongiforme» anti-vie. Le feu d’artifice exterminateur de nippons. La radioactivité cancérigène ! Il en passe et des meilleurs qu’on nous cache. Tiens ! Ils sont rue de Rennes ! Ils enfilent sur la droite le boulevard Saint Germain.

Encore un mystère ce comte de Saint Germain, pensez ! Un drôle de pèlerin, soi-disant, né bien avant le Christ (L’homme qui marchait sur l’eau avant d’avoir les pieds percés) et qui termina sa carrière en plein dix-huitième siècle. Les croyances populaires lui prêtaient le souvenir de ses vies antérieures et une sagesse correspondante ! Il aurait disposé d’un élixir lui ayant donné une vie très longue, de deux à quatre mille ans, ce qui lui permettait de raconter les noces de Cana ou les intrigues de Babylone.

– «Où allons-nous ? Vous vouliez un «rade» tranquille. Depuis le temps qu’on roule, on a dû en rencontrer un certain nombre.» Bâillait Jacky.

– «Je me rapproche de chez moi» Répondit Tarlouse.

– «Ouais ! Mais vous nous éloignez de chez nous. Vous habitez où ?»

– «Je loge rue Neuve Popincourt, dans le onzième. On s’arrêtera à la République. Là, ce ne sont pas les bars qui manquent !»

– «Place de la République ?» Pensa tout haut Meg «C’est marrant !»

– «Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle la dedans.» Rétorqua notre perdreau.

– «Moi si !» Sourit ma rongeuse.

– «On peut en profiter ?»

– «A la République, vous connaissez le Thermomètre, Commissaire ?»

– «Le café ?»

– «Oui, Le café. Il semblerait qu’un des personnages clefs de notre affaire, donna des rendez-vous en ce lieu.»

Dix minutes plus tard, ils étaient attablés autour d’un guéridon à la terrasse, vitrée, fermée et chauffée du Thermomètre. Meg entreprit de raconter toute son histoire. Jacky qui connaissait la fin et tous les détails intermédiaires, laissait sa conteuse narrer et le poulet écouter.

Son souci premier était davantage de se faire remarquer par le garçon débordé, qui servait en salle. Malgré l’heure tardive, la brasserie était très animée. Certains consommateurs éclusaient des bières aux noms diaboliques, d’autres des cocktails enchanteurs aux patronymes exotiques, enfin, une quantité non négligeable de bâfreurs, s’envoyaient derrière la cravate, divers sandwichs, ou autres croques «monsieur-madame».

Les œufs au bacon, de leur dîner, étaient largement digérés, et l’intention de Jacky était bel et bien de commander un quelconque agace palais. Mais, pour ça, eut-il fallu que le loufiat daignât apercevoir ses abattis qui jouaient les sémaphores.

C’est tout un art d’être serveur, crapahuter entre les tables, un plateau surchargé en équilibre au bout du bras, en slalomant pour éviter les clients inattentifs. Ça frôle le sublime … arrivé à destination, l’artiste s’arrête, cueille sur sa galette « porte-canettes », parmi des verres remplis à ras bord, une bouteille qu’il coince entre ses cuisses et décapsule de sa main libre !

A suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

23 réflexions sur « ERREUR FATALE …!!! – 22/31 »

  1. Bon, Meg va passer à table dans tous les sens du terme !
    Dis, pour la bombe atomique, ce sont plutôt les américains qui ont trouvé les premiers et s’en sont servis et heureusement quand même car je crois bien que les allemands nazis étaient sur le point de trouver aussi et imagine ce que cela aurait donné. C’est la bombe atomique au Japon (qui a déclaré la guerre aux américains sans crier gare à Pearl Harbor) qui a arrêté ce conflit, malheureusement pour les populations touchées et heureusement pour les autres.
    A demain, bonne journée à toi.

  2. Beaucoup d’émotion et d’humour dans ces retrouvailles et l’Histoire en marche dans ta captivante histoire, on attend la suite, merci Zaza et gros bisous
    Cendrine

  3. Deux histoires pour le prix d’une; c’est un peu comme « chez moi » aujourd’hui. On attend avec impatience la suite. Bisous du jour, Zaza

  4. Ah voilà les retrouvailles , il n’a pas perdu de temps Tarlouze , il faut dire que Meg a du répondant .
    Je continue ma lecture , il y a l’épisode d’aujourd’hui mais avant il faut que le fasse la piqure à Babouche
    à bientot
    Bisous

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