ERREUR FATALE … !!! – 7/31

Du rififi aux « pissenlits par la racine » !

Meg a repris des couleurs, la colère lui sied à ravir, tout lui va, elle est belle !

Il faut admettre qu’elle a du mal à garder son sérieux, la malice pointe au fond de sa pupille. Elle agrippe son bras, le secoue, la table tremble, un verre vacille, tombe et se casse en neuf cent quatre-vingt-dix-neuf morceaux.

Simultanément, ils se penchent sur le côté, pour ramasser les fragments de verre. Un sifflement suivi d’un bruit mat fait se redresser Jacky.

Juste derrière la chaise de Meg, une jeune femme attablée seule, le regarde fixement.

L’étonnant, ce sont ses yeux, ils sont trois ! Deux normaux et un tout neuf en plein front. Ce troisième œil est petit, rond, rouge comme ceux des lapins albinos. Une larme brunâtre s’évade de son œil rouge, coule jusqu’à son nez. Elle est lourde cette larme. Si lourde qu’elle déséquilibre son support. La tête de l’inconnue s’incline, hésite, se précipite sur un gâteau. La chantilly, apeurée, s’égaille alentour. Le corps prolongeant la tête, devient mou, glisse de sa chaise, entraîne la nappe, la vaisselle tombe, casse. Un silence brutal envahit le restaurant, tout est figé, les gestes sont en suspens.

– «Tu peux te relever, Meg, ça ne se verra pas que tu as cassé un verre.»

Malgré leur nom évocateur, les soldats du «feu» ne purent rien, pour la défunte cliente. Ils repartirent donc comme ils étaient venus, sirène hurlante, dans leur étincelante voiture rouge.

Un peu hébété, Jacky n’osait parler à Meg. La vitre, isolant le restaurant du monde extérieur, s’était ornée d’un trou étoilé. Un tout petit orifice par lequel s’était glissée une balle. Inlassable, son regard cheminait de l’impact, dans vitrine, à la table de la jeune femme abattue. La trajectoire traversait l’espace qu’occupait sa coléreuse amie, juste avant le drame. Si son verre n’était pas tombé, Meg aurait bénéficié d’un troisième quinquet. Une voix mal assurée l’extirpa de ses pensées :

– «Eddy, tu crois que…»

– «Que quoi ? Que notre voisine est moins vernie que toi ?»

– «Oui, beaucoup moins !»

Ils étaient debout, non loin du cadavre, Meg se blottit contre lui. Des frissons faisaient vibrer son corps.

– «Tu as froid Miss Duchemain ?»

– «J’ai la pétoche Mister Eddy. La balle était pour l’encéphale de Miss Duchemain. J’en suis sûre, persuadée, convaincue ! C’est ma caboche qui déplaît.»

Les yeux de Meg étaient légèrement embués. Jacky l’emprisonnait dans ses bras et la serrait fort, très fort, contre lui. Parce que lui aussi, globalement, n’était pas très rassuré. Oui ! Il avait peur. La mort était là, à quelques pas, sous la forme d’une belle rousse inerte pour l’éternité.

Le museau humide de Meg, se cachait dans le creux de son cou. Son nez fouillait ses cheveux à la recherche de son odeur. Ses lèvres savouraient ses paupières salées. Il s’entendit énoncer une connerie, le genre de phrase idiote que l’on regrette, sitôt qu’elle a franchi les dents de devant :

– «Ne te tracasses pas, petite fée, on les aura !»

– «Les pieds gelés !»

– «Les pieds gelés ?»

– «Dès qu’un paroissien prononçait «On les aura», ma grand-mère Rozy répliquait invariablement «Les pieds gelés». Elle en connaissait à foison des dictons, mémère. Mémère, il y a un bail que ses rires et ses pleurs, divertissent le petit Henri.»

– «Le petit Henri ?»

– «Henri, pour elle, c’était Jésus. Celui de Nazareth, pas un truand Sicilien, encore que le Nazaréen soit l’origine de pas mal de saloperies…»

– «Et quel est le rapport entre Jésus et Henri, mécréante ?»

– «Dans la chambre de mémère Rozy, à côté d’un brin de buis, trônait un crucifix. Sur la croix, au-dessus de la tête épineuse du supplicié, était gravé «I.N.R.I.» Pour elle, c’était la traduction d’Henri en Hébreu !»

– «Elle était amusante !»

– «Ouais, si on veut. Elle adorait la belote, à quatre. Aujourd’hui, elle doit y jouer avec la sainte trinité. Je me demande si Dieu triche aux cartes ? Certainement ! On ne peut pas être à un poste aussi élevé, si on n’est pas un peu malhonnête. Mais nous nous égarons, revenons à nos brebis !»

– «Nos brebis ? Tu te rends vraiment compte, quand tu dis : –  On les aura -, Eddy ? Les citoyens qui nous canardent, ne sont pas des agneaux. Ils dessoudent sur commande, sans état d’âme. Ils ont une araignée dans le plafond. Araignée dans le plafond, gare tes arpions ! Elle disait ça aussi ta grand-mère ? Tu tergiverses comme l’aurait dit, le lutin bleu de mon amie Quichottine !»

– «Non, elle prophétisait, araignée du matin chagrin, et vu la tournure des événements, on galope vers des réveils maussades.»

Ils échangeaient des propos, sans queue ni tête, pour se remettre en selle, se donner un peu de baume au cœur. Lorsqu’un fourgon de poulets, sirène hurlante, s’arrêta dans un crissement de pneus, la porte latérale droite de la bétaillère, déversa son lot de secouristes retardataires.

Un roussin en civil poussa la porte du restaurant. D’un regard toisant et circulaire, il estima la situation. Âgé d’une petite cinquantaine, de hauteur moyenne, mais de taille proéminente, il portait avec grâce, un feutre à larges bords. Un pantalon en velours brun, à grosses côtes, tombait négligemment sur sa paire de souliers tout-terrain. Assortie à l’ensemble, un par-dessus valorisait une chemise/cravate, qu’agrémentait une grosse écharpe tricotée main. D’une pipe crispant sa mâchoire, un filet de fumée s’évadait.

– «C’est le commissaire Fabien Tarlouse.» S’étonna Meg. «C’est lui qui a mené l’enquête sur l’affaire «de Maragne».

– «Drôle de coïncidence !»

Tarlouse, apparemment, c’était la force tranquille. La catégorie d’homo sapiens à qui l’on cède gentiment ses dents, s’il te file une beigne amicale. Une pacifique puissance émanait de cet homme. Ses mains, larges et poilues, incitaient au respect.

– «Comment est-il, ce « poulaga » ?»

– «C’est le genre boxer, pas méchant, mais d’une efficacité redoutable. Il est malin, fureteur, tenace et ne lâche jamais son os.»

– «Sauf si on lui pique !»

– «Alors là, mec ! Il faut avoir des couilles, des grosses, le genre melon.»

– «Un peu mon style…»

– «Non Eddy, plusieurs tailles au-dessus ! Pas des olivettes mais des montgolfières !»

– «Sale garce !» lui sifflait Jacky en lui mordant l’oreille.

– «Aie ! Humour Eddy ! Humour.»

– «Ah ! Tu me rassures, ma chère espiègle.»

– «Il n’y a pas de quoi.» déclara-t-elle en affichant une moue malicieuse.

Le regard du commissaire s’arrêta sur Meg.

D’un pas souple, contrastant avec sa corpulence, il se propulsa jusqu’au couple. Sa main droite toucha son chapeau, comme pour saluer. La gauche dévissa sa pipe de son râtelier. Ses yeux de fouine, scrutaient Meg. Un sourire en coin tirait sur ses lèvres. Il dévisageât Jacky rapidement, puis regardant Meg de nouveau.

– «Mademoiselle Duchemain, Meg Duchemain !»

– «Bonsoir commissaire.»

– «Bonjour» Rectifia-t-il en regardant sa montre. Il était une heure passée.

-«Ça fait un bout de temps, un an ?»

– «Oui, c’est à peu près ça. Vous étiez sur l’affaire «de Maragne».

– «J’y suis toujours ! Comme vous n’avez toujours pas serré les coupables !»

– «Non ! Mais j’ai appris, de la bouche de madame de Maragne, qu’une dénommée Meg, ou plutôt qu’une certaine Meg Duchemain promue détective, enquêtait pour son propre compte.»

– «Il faut bien faire le travail de …»

– «La police ? Tout doux, ma belle ! Vous savez, comme moi, qu’on a fait tout ce qui était humainement possible. Deux morts !»

– «Deux morts ? Trois, vous voulez dire !»

– «Jean Klockh ?»

– «Oui, Jean Klockh !»

– «Je vous comprends, mais il n’a pas été démontré que ces trois crimes fussent liés. Enfin, quoi qu’il en soit, trois meurtres ne laissent pas les gens indifférents. Surtout que parmi les macchabées, il y avait du beau linge !»

– «Vous parlez des «de Maragne», murmura tristement Meg.

– «Affirmatif, ma chère, les «de Maragne». On peut dire, ou penser ce que l’on veut, mais, une particule qui fraie avec des ministres, ça stimule les flics. Louis-Charles-Edmond de Maragne a des relations haut-perchées. Le préfet de police a donné ses recommandations à votre serviteur. Croyez-moi, on s’est remué les miches, mais rien, peau de balle, bernique ! Pas d’indices, ou si peu !»

– «Pas d’indices ? Pour trouver des pistes, il fallait peut-être chercher davantage ! »

Le commissaire Tarlouse toussota ! Son regard insistant et réprobateur inspectait Meg. Celle-ci se mordillait les lèvres, consciente d’avoir fait une bourde.

– «Chercher davantage ?» Grinça-t-il «Si on avait fait correctement notre boulot, on aurait trouvé des indices ? Des indices que vous avez trouvés, mademoiselle Duchemain ! Des indices que vous soustrayez à la justice ! Vous jouez à un jeu dangereux, Miss Marple. Nous ne sommes pas sur une scène de théâtre. Les morts ne se relèveront pas pour venir saluer.»

A suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

13 réflexions sur « ERREUR FATALE … !!! – 7/31 »

  1. On est en plein délire ce matin, et j’adore ça. C’est croquant, juste à point. Bravo, Zaza, je me délecte de ces aventures. Je te souhaite une très belle et douce journée de Noël. Je t’embrasse et te dis à bientôt

  2. c’était soft hier soir…….et aujourd’hui ce sera idem, mais le moment le plus attendu c’est celui des enfants quand ils vont se lever…..passe une bien belle journée

  3. Cette fois ci je prends mes précautions je viens plus tôt lire ta nouvelle, je n’ai pas trop bien dormi cette nuit ,pourtant aucun abus ni en solide ni en liquide , je dois donc en déduire que cette histoire m’a poursuivie . Tu devrais le faire éditer c’est génial Zaza , je me régale à te lire .
    Joyeux Noël
    Bisous

  4. Tu sais quoi, ça m’éclaterait d’aller faire un tour dans ce grand barnum, vive les pissenlits par la racine, ça se lit comme on déguste un chocolat rempli de liqueur addictive, bravo et encore un joyeux Noël! grosses bises
    Cendrine

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