Les sentiments& les 8 mots imposés
« Mot, idée, absente, vide, fin, texte, infini, émotion », pour Ghislaine, atelier N° 121
L’émotion pour Evy dans son atelier N° 265, sans les mots imposés
Anna regardait pensivement par la fenêtre en buvant son café.
Soïz était tous les jours, assise sur le banc de pierre au bout de la jetée, près de l’abri de sauvetage, non loin du phare. Âgée de soixante-douze ans et, depuis près de 10 années, elle venait chaque matin s’asseoir face à la mer, qu’il pleuve ou qu’il vente.
Tout a commencé en ce jour de février 1949, lorsque le caseyeur, Ke-vero, n’était pas rentré au port. Il était parti de bonne heure pour une journée en mer pour relever ses casiers. Jobic, le mari de Soïz, était le patron du bateau, mais aussi le seul homme à bord, au départ de Roscoff.
Le Ke-vero était attendu avec la marée montante. L’inquiétude commença à se faire ressentir lorsque dix-huit heures sonnèrent au clocher de Notre-Dame de Croaz Batz.
La nuit était tombée depuis un moment et aucune lumière ne pointait à l’horizon qui aurait annoncé le retour du bateau. Quelle angoisse !
Lorsque le caseyeur était parti tôt le matin, il y avait une petite houle avec un bon vent de noroît. Rien d’inquiétant pour Jobic qui connaissait bien la mer, il s’agissait d’un marin aguerri. Il avait décidé d’aller dans le nord, au large de l’île de Batz. Le vent avait forci et les embruns fouettaient le pont du navire lorsqu’il sortit du port. Seuls les cris des goélands l’escortèrent quelque temps. Puis personne ne le revit. Aucun un message radio, pas eu balise de détresse, pas un débris malgré les recherches immédiatement entreprises par les Sauveteurs en Mer de la SNSM de Roscoff et de Batz. Rien ! Comme s’il n’avait jamais existé. Comme s’il était parti pour l’infini !
Les années passèrent, les amis, malgré l’émotion, avaient fini par se résoudre à l’inacceptable, mais pas Soïz. Ses –SENTIMENTS- la liant à JOBIC étaient intacts et elle espérait toujours…
Vêtue tout de même comme une veuve, depuis tout ce temps, elle s’installait tous les matins sur son banc, droite comme un I, et figée.
Anna décida d’aller la rejoindre. Elle avait enroulé un « skerb » autour de son cou, car, bien que l’on fût déjà au mois d’avril, les matinées étaient encore fraîches. Elle s’approcha doucement de la vieille dame qui semblait perdue dans le vide de ses pensées. Elle ne voulait surtout pas l’effrayer. Soïz avait la peau du visage étonnamment douce et lisse malgré l’âge, le soleil et les intempéries qu’elle affrontait stoïquement chaque jour.
En général, elle se levait lorsque retentissait le dernier coup de onze heures. Elle regagnait alors d’un pas lent et fatigué sa petite maison située en haut de la cale.
Anna posa doucement sa main sur le bras de Soïz qui ne tressaillit même pas, comme si elle attendait sa visite. Elle lui avait apporté un peu de café dans une bouteille Thermos. Elle lui tendit une tasse fumante qu’elle accepta avec gratitude. Ses yeux étaient d’un bleu très pâle, comme délavé par les embruns.
Anna ne chercha pas à lui parler. Elle savait, pour l’avoir pratiqué de nombreuses fois, que la vieille dame resterait absente, murée avec les idées qui devaient lui trotter dans la tête. Anna s’assit quelques minutes sur le banc, silencieuse, puis elle lui tapota gentiment l’épaule et repartit vers le bar/restaurant « Chez Janie » qu’elle tenait avec son mari près de la jetée. L’établissement vivotait en hiver et commençait à s’animer au moment de la saison.
Quelques jours plus tard, Anna jeta machinalement un regard sur l’exemplaire du Télégramme laissé sur le zinc par son mari, à la disposition des habitués qui buvaient leur café arrosé d’une petite eau. Elle lut à la une du journal le texte et les mots suivants :
« Des débris d’un bateau venaient de s’échouer sur une petite plage en bordure de la jetée de Kerlena. » Quelle -ÉMOTION- !
La gendarmerie avait immédiatement isolé les lieux, mais le Télégramme écrivait que l’enseigne du bateau retrouvée portait le nom du Ke-Vero, ce casayeur disparu en 1949.
Le sang d’Anna se figea et elle courut à la fenêtre. Le vieux banc de pierre était désespérément vide.
Pour la première fois depuis des lustres, Soïz n’était pas venue. Anna demanda à son mari de la remplacer au bar et elle courut vers la maison de la vieille dame.
Mais elle savait pertinemment qu’elle arriverait certainement trop tard, si Soiz avait voulu rejoindre Jobic en mettant fin à ses jours.
Lorsqu’Anna parvint, à bout de souffle, aux abords de la maison elle n’en crut pas ses yeux.
La vieille dame était dans son petit jardin en train d’enlever les mauvaises herbes du potager. Le télégramme n’était pas loin et elle chantonnait, le regard comme illuminé…
… en te suivant on a cru un instant au pire, mais non… elle savait enfin après tant d’années… femme de marin au destin incertain… merci, bises
Bonsoir Zaza,
Qu’il est beau ton récit !
Il nous prend aux tripes et on accompagne cette vieille femme avec tout notre coeur en comprenant toute sa douleur.
La fin de ton histoire nous fait faire un ascenseur émotionnel tant on craint pour elle.
Mais non, c’est tout le contraire… Maintenant, elle sait…
Bravo pour ce magnifique texte.
C’est tellement émouvant! Tu décris si ardemment ce sentiment d’incertitude, l’attente insoutenable, le besoin de savoir et le fait de savoir enfin…
Si attachants tes personnages, merci pour la magie des mots, ils sont très ancrés dans la chair, dans le sang, dans les pulsations des coeurs…
Gros bisous ma Zaza, belles pensées sans oublier ton Poux Ronchon…
Cendrine
…tu arrives toujours à nous emmener dans l’émotion avec ta magie des mots…
Bises du jour
Mireille du sablon
comme toujours tu es la pro de l’écriture, je ne peux que dire bravo sur tes écrits…..continu de nous enchanter, en attendant passe un bien agréable vendredi même si la pluie est encore par chez nous….
Femme de marin tient bon la vie
Bonne journée à toi
Bises
Bonjour Zaza
Merci ..femme de marin au grand courage ……et avec ton talent d’écriture on se laisse vite porter
Bonne journée
Bises
Ton récit est prenant, Zaza, à tel point qu’on ressent les émotions de Soïz à travers tes mots. On craint un moment pour sa vie à la fin de ton billet mais on comprend les sentiments de la vieille dame. Maintenant, elle sait. Or, il n’y a rien de pire que de n’avoir aucune certitude quant à la disparition d’un être cher. Bravo Zaza. Bises et bonne journée
Ouf ! J’ai eu très peur aussi…
Magnifique récit…
Bonjour Anne marie,
Encore une belle page d’écriture sur ce récit émouvant
Bonne fin de journée et très bon weekend
Amitiés
Elle a fini d’attendre, fidèle à une promesse, puis comme si le deuil était fait à l’annonce, elle revit….
Je me suis laissée envahir par d’émotion à te lire Zaza……….
La chute si surprenante fait un peu froid dans le dos………..On peut
penser de différentes façons aussi, peut être la sentir libérée ???
Merci pour ce 121 trop prenant…………Bises ma Zaza
Superbe récit Zaza , on suit avec beaucoup d’émotion les faits et gestes de Soïz .
Bonne journée
Bises
tu arrives toujours à me faire voyager, on se demande ce qui va arriver…c’est passionnant. merci à toi. bises.celine
une histoire évocation des bords de mer, des habitants de ces lieux : qui eux seuls savent…nous ne pouvons qu’imaginer ?
Je n’ai absolument pas prêté attention aux « mots obligatoires », mais j’ai trouvé cette histoire très émouvante. Chris
Bonjour Zaza merci pour cette fin de cette jolie histoire d’amour, je dois dire que je m’attendais au pire. Bisous bonne journée MTH
Si Soïz était si sereine, c’est parce que enfin! elle savait!
Très joli et très émouvant récit.
Bises et belle journée
Bonjour ma Zaza
Femme de marin c’est émouvant est prenant merci pour ce beau texte c’est en ligne passe une douce fin de journée prend soin de toi bisous
Ouf je ‘attendais au pire..une histoire qui doit pour le monde marin arrivé parfois mais qui reste une histoire bien douloureuse, surtout pour la femme qui attendra inlassablement. Beau récit Zaza
quelle belle histoire, Soiz savait qu’elle pouvait faire son deuil ! merci zaza, bonne soiree bises
Je te le redis tu devrais publier !!! j’ai lu des tonnes de livres pendant ces jours confinés je n’ai jamais eu tant d’émotion !!!!!
Alors tu t’es faite belle, moi le 19 et pédicure le 20 , lundi visite du doc je vais lui demander un test pour savoir si je peux reprendre Jallen un weekend , je n’en peux plus Bon weekend ma ZAZA bises
Belle histoire, de l’émotion et une fin presque heureuse…
en lisant ton texte, je ne pense pas du tout aux conditions que tu as du respecté.
Certains ne font leur deuil dans le cas des disparus ne laissant pas de trace (pour les montagnards aussi) que lorsqu’un élément physique comme dans ton récit ou le corps est retrouvé.
J’aurais bien eu envie de la prendre dans les bras cette mamie (même si toute marque d’affection est interdite). Bises
Ce texte est magnifique.
Cette pauvre femme voulait seulement savoir ce qui était arrivé à son homme pour enfin pouvoir faire son deuil.
J’avais lu il y a très longtemps une histoire semblable sur une épouse de mineur enseveli sous les roches, charbons et terre dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Passe un bel après midi.
Je viens de voir un reportage télé sur l’Ile d’Oléron et j’ai pensé à toi.
Bisous.
Maryse
Très beau ton article, il faut reconnaître que quand on touche aux sentiments. Femme de marin, je n’aurais pas pu, mais…. quand on aime!
Bon dimanche Zaza et à bientôt
Jolie histoire que celle de femme de marin ;-) écrite comme dans un bon livre