Après le D-DAY ! 2/3 … !!!

La nuit avait envahi l’espace et la fatigue se faisait encore plus sourde.

Jack jugea qu’il était temps de se reposer un peu avant de reprendre la route. Il prit les lacets de ses chaussures, les raccorda tous les deux et attacha le pied d’Helmut à l’un des siens.
– « Si tu veux fuir, tu me réveilleras et je vais dormir d’un œil avec mon fusil dans les bras ! »
Helmut sourit, ça lui semblait si facile de détacher les nœuds d’un lacet.
– « Que feras-tu de moi demain ? »
– « J’aviserai … »
– « Je suis ta caution, si on te trouve pour prouver que tu n’es pas un déserteur et que tu es toujours dans cette guerre …n’est-ce pas ? »
Jack contracta son visage et sembla réfléchir ou plutôt s’interroger, avant d’ajouter.
– « Ne crois-tu pas que je suis la tienne aussi ? »
– « Je n’y avais pas pensé … » répondit Helmut.
Ils s’endormirent ainsi rapidement malgré la fraîcheur et l’humidité comme des hommes au fond de la mine écrasés par la fatigue.

*-*-*-*-*-*-*

Malgré les incitations à la prudence de Gertrude, toujours au « cul » de sa vache, l’Eugène Coquelin partit avec sa chienne Zézette avant le lever du jour, relever ses collets.
Huit jours qu’il n’était pas sorti à cause de tous ces canons, ces bombardements, ces chars, ces coups de feu !
Mais il avait trop envie de manger du gibier et de courir les bois pour échapper à sa femme. Et puis pour une fois, il ne risquait pas de tomber sur le garde-chasse.
De toute façon, l’Eugène avait toujours dit à la Gertrude qu’ils pouvaient bien se prendre une bombe pendant qu’ils dormaient paisiblement dans leur lit.
Néanmoins, il n’était tout de même pas trop rassuré car tout le monde dans le pays disait, qu’il restait des Allemands dans les collines et les bois surtout des S.S. Ils étaient féroces et n’avaient plus rien à perdre.
L’Eugène ne jouait plus au fanfaron malgré sa Zézette aussi silencieuse que son maître.

Il avançait en se cachant et en se retournant sans cesse avec inquiétude comme le gibier qu’il piégeait.
La chienne devait l’attendre sans cesse et ne comprenait pas bien la stratégie du jour !
Une heure, qu’il tournait en rond pour relever les pièges difficiles à repérer dans la nuit lorsque Zézette s’immobilisa comme devant un gibier qui se lève alors que l’Eugène vint trébucher sur un corps étendu au sol.
Il faillit crier d’effroi et se mit à trembler de tous ses membres, se disant qu’on allait lui bondir dessus et lui trancher le cou.
Il reconnut aussitôt le casque et l’uniforme d’un soldat américain.
Il le retourna avec délicatesse après s’être assuré qu’il était bien seul.
C’est là qu’il découvrit le visage incrédule de Jack, la chemise ensanglantée et le couteau planté au milieu de la poitrine.

*-*-*-*-*-*

Helmut avait pris la fuite.
Il ne savait plus depuis combien de temps, ni comment ses jambes pouvaient encore le porter malgré la fatigue et la faim qui tenaillait son ventre.
Mais il savait que c’était la peur, la colère, le dégoût qui lui donnaient encore des raisons de fuir vers ailleurs avec cette musique, le vol du bourdon de Rimsky-Korsakov qui passait en boucle dans sa tête.
Il s’était réveillé brusquement quelques heures plus tôt, croyant d’abord qu’il s’agissait des américains qui venaient le récupérer, mais il avait reconnu aussitôt la langue maternelle et compris, qu’il s’agissait de soldats de la Waffen S.S.

Il avait également deviné au même instant, une odeur qui traînait à ses côtés et qu’il avait appris à reconnaître celle du sang !
Sans qu’il ait eu le temps de réagir, il venait de comprendre qu’ils venaient de poignarder Jack, ce soldat américain avec qui il fuyait la guerre, et il dut se retenir de ne pas vomir.
Lui qui croyait pouvoir retrouver la civilisation, retournait encore plus profond dans le cauchemar. Cette terre de mort et de désolation qui régulièrement, reste l’objet de convoitise de la race humaine.
Les hommes du monde entier, se plaisent à dévaster et à semer la terreur pour conquérir et piller !
Il avait alors senti monter une forte culpabilité en lui, comme s’il était responsable de la mort de cet homme que sa nation considérait comme un ennemi.
Les trois S.S. s’étaient montrés aussitôt arrogants, comme ils le faisaient régulièrement devant les simples soldats de la Wehrmacht.
Ironisant même sur le fait, qu’il s’était laissé faire prisonnier par un vulgaire soldat américain et que c’était ainsi que l’Allemagne risquait de perdre la guerre, alors qu’eux, étaient des braves !
Ils se battraient jusqu’à la mort pour être digne du Führer !

Ils tueront tout ce qu’ils croiseraient, militaires ou civils pour qu’ils soient encore plus craints et respectés lorsqu’ils reviendront. Car ils reviendront et ils vaincront les peuples ennemis, c’était écrit dans l’histoire !
Alors Helmut s’était juré, dès qu’il s’était remis en marche avec ces trois assoiffés de guerre, de fuir à nouveau dès que possible, de retrouver sa Greta.
De retrouver également la Marie de Jack pour lui confier l’amour et les derniers souhaits de ce dernier.
Avant que le jour ne gagne à nouveau son combat sur la nuit, il avait prétexté une envie pressante pour s’isoler du groupe.
Dès qu’il avait été un instant hors de leur vue, il avait jeté le fusil de Jack qu’un S.S lui avait lancé avant de se mettre en marche.
Il se mit à courir comme un sauvage. Il vivait son dernier espoir, sachant que s’ils le retrouvaient, ils ne s’encombreraient plus de lui.

*-*-*-*-*-*

L’Eugène pensait que Gertrude avait peut-être raison et qu’il ne faisait pas bon traîner dans les bois ces temps-ci.
Pourtant malgré sa peur, il avait eu le réflexe d’écouter la poitrine du soldat pour savoir s’il y avait encore des battements, comme il le faisait avec le gibier.
Lorsqu’il entendit un souffle, il se dit que les ennuis continuaient !
Il aurait cent fois mieux préféré qu’il soit mort et retourner rapidement à la maison.
Il pouvait également rentrer sans rien dire, mais il avait quand même un semblant de conscience, une chienne au nom idiot qui le regardait semblant comprendre la situation.
Le fait de sauver un américain pouvait atténuer le fait, qu’il avait ouvertement affiché ses sympathies pour Pétain et qu’à ce titre on pouvait lui chercher des histoires après la libération.

Le soldat était bien trop lourd pour ses épaules mais heureusement il était débrouillard. Avec la serpette qu’il cachait dans son sac pour couper les ronces, il coupa en moins deux quelques belles branches, qu’il noua avec les fils de fer et les cordes qui servaient aux collets pour en faire une civière qu’il pourrait traîner.

*-*-*-*-*-*-*

Helmut s’approcha d’une ferme isolée avec toujours ce vol du bourdon comme s’il était poursuivi par ces insectes.

La faim commençait à se rappeler à lui de façon plus aigüe, plus sournoise.
Son corps l’avait en mémoire et ses jambes, cette fois-ci ne pouvaient plus le porter. Il lui fallait du repos à l’abri des regards pendant quelques jours, une grange pouvait très bien faire son affaire à condition qu’il n’y ait pas de chiens aux alentours.
Puis il lui faudrait trouver rapidement des vêtements civils.
Il remarqua une poule et un coq qui commençaient à picorer et trouva rapidement deux œufs qu’il goba aussitôt.
Il tira la porte vermoulue pour entrer dans une grange couverte de larges toiles d’araignées et s’enfonça le plus loin possible dans le foin et la poussière pour sombrer de suite dans un profond sommeil réparateur.

*-*-*-*-*-*-*

– « T’avais bien besoin de nous ramener ça ! »
Soupirait Gertrude devant le corps de Jack qui se vidait et tachait les draps du lit.
– « Je ne pouvais pas le laisser crever ! »
– « Et si les allemands … »
– « Ben tu vois bien que c’est la débâcle, pour eux ! »
– « Ouais, toi qui disait que leur armée, l’était invincible ! »
Et Gertrude retourna en marmonnant à son fourneau pour préparer le repas du midi.

La ferme était crasseuse, les poules s’y trouvaient comme chez elle dans la grande salle commune et toutes les chaises étaient maculées de plumes et de fientes.
C’est là, sur leur lit aussi crasseux, qu’ils avaient posé l’américain.
Gertrude n’avait pas osé toucher au couteau planté dans la chair. Elle avait essayé de nettoyer la plaie de Jack qui avait ouvert un œil avant de le refermer, avec un linge propre mais il fallait rapidement un médecin pour lui donner une chance de vivre.
L’Eugène se décida alors, de partir à vélo, chercher le Docteur Campion qui habitait à quatre kilomètres de là.
Lui qui avait passé la guerre avec plus de sympathie pour la collaboration que la résistance, trouvait tout à coup un peu de courage pour un acte désintéressé.
Le docteur Campion avait enlevé le couteau et stoppé l’hémorragie.

Il pensait que le coup porté avec le couteau dans la région du au cœur avait raté de peu le but recherché et qu’en dehors de côtes cassées, aucun organe vital n’avait été gravement touché. Il avait une chance de s’en tirer mais pour ça, il aurait mieux fallu l’hospitaliser.
Par contre, deux mois après le débarquement, le toubib, l’Eugène et la Gertrude étaient dans le flou ne sachant qui des américains ou des allemands contrôlaient les grandes villes.
Les bruits courraient que Caen, Vire et Saint-Lô étaient en ruine et que partout, c’était bombardements et désolation.
De Vire, on disait même que la ville avait été anéantie en quelques heures et que pour avancer les alliés provoquaient plus de dégâts que les allemands, mais que ces derniers en partant adoptaient la politique de la terre brûlée.

Vire 1944
Vire 1944

De toute façon, ils n’avaient plus de voiture dans la commune et le docteur devait se déplacer en carriole à cheval ou en vélo.
Alors il laissa les médicaments en sa possession pour nettoyer les plaies, stopper éventuellement une hémorragie et promis de revenir au plus vite avec des antibiotiques, des calmants et de passer deux fois par jour.
Lorsque le docteur fut parti, l’Eugène décida d’aller chercher un peu de foin dans la grange pour les deux derniers lapins qui restaient.
Il ne se sentait pas la force d’aller faucher un peu d’herbe. Comme toujours, Zézette se leva aussitôt pour accompagner son maître dehors…
Il poussa la porte vermoulue de la grange et aussitôt la chienne se mit à grogner.
– « Y aurait de la vermine là-dedans ? Un rat, un renard, une belette ? »
Zézette suivit la trace de l’odeur et découvrit Helmut qui dormait profondément en ronflant.

–   « C’n’est pas possible, ils ont tous pris rendez-vous ici ? »
La chienne continuait d’aboyer pendant que son maître cherchait ce qu’il devait faire. Il fallait choisir un camp et si possible celui des vainqueurs. Il décida de retourner à la maison chercher son fusil de chasse.
– « Reste là et garde le ! ordonna-t-il à sa chienne.
Lorsque Gertrude le vit rentrer à toute vitesse avec le visage défait et se diriger vers le fusil pendu au mur, elle s’inquiéta aussitôt.
– « Qué qui y a encore ? »
– « Y-a un schleu dans la grange ! C’est la guerre Gertrude ! »
– « Que vas-tu faire ? »
– « Sais pas ? »
– « On va avoir des ennuis ? »
– « C’est bien parti pour… »
Il sortit et rentra dans la grange en criant « les mains en l’air ! ». Mais Helmut s’était déjà réveillé à cause des aboiements de la chienne et abruti de fatigue. Il n’avait aucune envie de résister.
– «    Je n’ai pas d’arme et je fuis la guerre. »
L’Eugène ne tremblait plus de peur devant cet uniforme et avait repris de l’assurance, arborant son petit sourire narquois.

C’était un comble ce qui lui arrivait : Faire un prisonnier allemand ! Il avait toujours pensé beaucoup de bien sur la nation allemande.
– « Euh … Je ne vous veux pas de mal mais … »
– « Alors laissez-moi partir ! »
– « Je vais réfléchir …en attendant sortez d’ici ! »
– « J’ai faim … »
– « Nous aussi … »
Helmut remit ses bottes qu’il avait ôtées pour dormir car ses pieds étaient enflés. Sa veste lui servait de taie d’oreiller pour sa tête…

A suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

22 réflexions sur « Après le D-DAY ! 2/3 … !!! »

  1. ..des actes bien tristes mais à l’époque..point de jugement hâtif…attendons la suite!
    Bises du jour
    Mireille du sablon

  2. Malgré l’horreur de cette deuxième partie, je n’ai pu m’empêcher de sourire en apercevant le portrait de Louis de Funes que j’imagine bien dans le rôle d’Eugène. J’attends avec impatience la suite de l’histoire. Super Zaza !

  3. bonjour,
    Eh oui , Ils se battraient jusqu’à la mort pour être digne du Führer ! cette phrase en dit beaucoup sur cette guerre et ses horreurs. Donc à suivre pour nos deux hommes
    Bonne fin de journée
    Amitiés

  4. Ton récit est très attachant et humain. Ta description de la ferme est réaliste. Merci
    A bientôt la suite et bises
    Hier soir à la TV, rencontre de deux anciens amoureux à Metz. Lui 93 ans américain et sa douce meusienne en maison de retraite.
    Tous deux veufs. Un moment sensible

  5. Bonjour Zaza, c’est une histoire palpitante, j’attends la fin avec impatience, j’espère que cela va bien finir. Que c’est bien écrit. Bisous et bonne journée MTH

  6. Eugène et Zézette, un sacré « couple »!
    Il y a la force de l’inoubliable La Vache et le Prisonnier et de De Funès à Fernandel, on n’a que de la sympathie!
    Des aventures poignantes en un temps révoltant où l’humain était capable de tant de vilenies, a-t-il changé?
    Gros bisous ma Zaza et merci pour ce plaisir de lecture
    Cendrine

  7. Super ton roman de guerre Zaza, j’attends la suite avec impatience.
    Je ne comprends pas pourquoi ce n’est que ce soir que je reçois ta newsletter ? Mystère du numérique!
    Bises et belle soirée

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