Atelier d’écriture N° 197 … !!!

Les consignes de Ghislaine, ICI

J’ai choisi de placer dans mon texte les mots :
« Pourquoi, haine, mot, visage, mémoire, sereine, intense, trop. »
D’utiliser des mots commençant par : « I »
En m’inspirant de la photo ci-dessous…


Rencontre inopinée !

7 h 25
Depuis septembre, tous les 7 h 25 se ressemblent. D’abord un bruit sourd de moteur puis les phares qui percent l’obscurité. Le bus ralentit, s’arrête. Les portes s’ouvrent devant moi.
— « Bonjour ! »
Je monte. M’assois. Trajet. Arrivée.
— « Au revoir ! »
Je descends. La journée se passe.
17 h 52 : retour.
— « Bonsoir ! »
S’asseoir. Trajet. Arrivée.
— « Au revoir. »
Cinq mois plus tard !
Nouvel An. Reprise après les fêtes. Je hais les vacances…
Janvier. Il fait froid. 7 h 25. Ici encore, moteur au loin, phares, je monte.
— « Bonne année ! »
Elle lève les yeux. Enfin…
Cinq mois que je la regarde conduire ce bus. Que je la guette tous les matins et tous les soirs et la dévore des yeux comme une icône
— « Merci, vous aussi. »
Elle m’a répondu en prononçant trois mots, incroyable !
Sourire, regard, je me pose pas trop loin d’elle pour la regarder. J’ai passé déjà beaucoup de temps à la regarder mener ce bus. Assez curieux de voir ses mains si menues sur un volant si large. Concentrée, attentive, habile. Belle et sereine. Des semaines durant lesquelles j’ai appris son visage, sa nuque, ses humeurs, ses tenues, ses coiffures, ses manies de conductrice. Le dessin de sa nuque que j’ai gardé en mémoire un matin, de façon intense. Puis il ne m’a plus quitté.
C’est mon vœu de Nouvel An. Lui parler, entrer en contact, sortir avec elle.
Au moins elle m’a regardé. M’a répondu…
Que vais-je trouver à dire, demain ? Que j’ai un faible pour les conductrices ? Que j’aimerais la regarder debout et pas toujours assise derrière ce volant ? Que peut-être… si elle voulait bien ? Non, trop tôt. Je dois lier conversation… Plus près. Rester debout ? À côté d’elle.
Février. Ce matin, quelle idée, le réveil m’a fait défaut.
Quel idiot aussi en oubliant ma carte de bus. Trop tard.
— « Installez-vous, dit-elle, je vous connais, depuis le temps ! »
Elle me connaît !
Je bafouille un merci.
Elle me connaît ? Une bonne entrée en matière. Je vais m’asseoir. Panne de réveil ? Acte manqué ? Réussi ? Quoi d’autre ?
17 h 52 : retour.
— « Toujours pas de carte, monsieur ? »
— « Je ferai mieux demain ! »
Large sourire, connivence !
— « Bonsoir. À demain ? »
Elle a dit « À demain » ! Et pas « Au revoir » ni « Bonsoir », ou un truc du genre… Carrément « À demain » !
Demain, je lui apporte un petit quelque chose. Pour la remercier de m’avoir transporté à l’œil sans ma carte ? Oui… Je verrai demain.
7 h 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29,
7 h 30… Elle est en retard et m’impatiente ! D’ordinaire, elle n’est jamais en retard.
7 h 30
Moteur, les phares, coup de frein. Ouverture des portes. Je claironne :
— « J’ai ma carte !!! »
Une sorte de gros type patibulaire me dévisage, hagard et stupéfait.
— « Ça a l’air de vous faire plaisir ! » Me répond-il.
Il est tôt, et il transpire déjà fort, sans parvenir à masquer son odeur d’after-shave de supermarché.
Quel ignoble bonhomme !
De là où je me suis assis rapidement, je vois ses bras qui écrasent le volant et son cou plissé de bourrelets adipeux.
J’ai failli attraper un ictère !
Ah, c’est trop ! Mon sac pèse une tonne, mes pieds aussi, sale journée, temps moche, les gens m’exaspèrent. J’enrageais et mon esprit faisait des bulles d’un gris sinistre. J’ai la haine !
17 h 52. Retour. Le même type me reconnaît et me décoche un sourire moqueur d’un geste de menton désagréable et irritant.
Pourquoi ce n’est pas elle aujourd’hui ?
Arrivé. Je descends. Une silhouette de dos. Mais je reconnais ce dos. Elle se retourne et porte un petit tailleur impeccable.
— « Je suis en congés pour une petite semaine, », dit-elle. « Alors, on le boit ce café ensemble ? »
Le lendemain, je me suis retenu pour ne pas embrasser le gros type immonde
Vois-tu mon garçon, c’est comme ça, que j’ai connu ta mère, la femme idéale ! Une idylle qui dure déjà depuis plus de 20 ans…

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

19 réflexions sur « Atelier d’écriture N° 197 … !!! »

  1. Bonjour Zaza, le hasard ou la destinée, je me pose souvent la question, un bien joli texte bisous bonne journée MTH

  2. coucou Zaza souvent le Hazard fait de belles rencontres, il fait un beau soleil et c’est la douceur sur notre Gironde je vais prendre l’air cette après midi je te souhaite un très bon Vendredi ,bises

  3. et oui de prendre un transport en commun mène à la découverte des autres, tandis que la voiture individuelle ne nous mène qu’à l’endroit que l’on désire mais seule…..très beau sujet….passe une douce journée

  4. Comme j’aime cette histoire et tu la raconte si bien !
    On sent la détresse du mec qui pense ne plus revoir sa dulcinée chaufeuse de bus et de ses émois !lol
    Merci ma Zaza, j’aime beaucoup , ca sent le vécu tant c’est bien narrée :

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