« Croyance- Religion- Idées » – Poésie du Mardi… !!!

Gazou nous propose ce à quoi l’on croit
« Croyance- Religion-Idées »

(élargir si on veut…)

Les suppliciés d’Amboise – 17 mars 1560 début de la répression suppliciés d'AmboiseTu vois, juste vengeur, les fléaux de ton Église,
Qui, par eux mise en cendre et en masure mise,
A, contre tout espoir, son espérance en toy,
Pour son retranchement, le rempart de la foy.

Tes ennemis et nous sommes esgaux en vice,
Si, juge, tu te sieds en ton lict de justice ;
Tu fais pourtant un choix d’enfans ou d’ennemis
Et ce choix est celuy que ta grace y a mis.

Si tu leur fais des biens, ils s’enflent en blasphemes,
Si tu nous fais du mal, il nous vient de nous mesmes ;
Ils maudissent ton nom quand tu leur es plus doux ;
Quand tu nous meurtrirois, si te benirons-nous.

… Veux-tu long-temps laisser en cette terre ronde
Regner ton ennemy ? N’es-tu seigneur du monde,
Toy, Seigneur, qui abbats, qui blesses, qui gueris,
Qui donnes vie et mort, qui tüe et qui nourris ?

Les princes n’ont point d’yeux pour voir ces grand’ merveilles ;
Quant tu voudras tonner, n’auront-ils point d’oreilles ?
Leurs mains ne servent plus qu’à nous persecuter ;
Ils ont tout pour Satan, et rien pour te porter.

Sion ne reçoit d’eux que refus et rudesses,
Mais Babel les rançonne et pille leurs richesses ;
Tels sont les monts cornus, qui (avaricieux)
Monstrent l’or aux enfers et les neiges aux cieux.

Les temples du payen, du Turc, de l’idolatre,
Haussent au ciel l’orgueil du marbre et de l’albastre,
Et Dieu seul, au désert pauvrement hebergé,
A basti tout le monde et n’i est pas logé !

Les moineaux ont leurs nids, leurs nids les hyrondelles ;
On dresse quelque fuye aux simples colombelles ;
Tout est mis à l’abry par le soing des mortels,
Et Dieu, seul immortel, n’a logis ni autels ;

Tu as tout l’univers, où ta gloire on contemple,
Pour marchepied la terre et le ciel pour un temple,
Où te chassera l’homme, ô Dieu victorieux ?
Tu possedes le ciel et les cieux des hauts cieux ?

Nous faisons des rochers les lieux où l’on te presche,
Un temple de l’estable, un autel de la creiche ;
Eux, du temple une estable aux asnes arrogants,
De la saincte maison la caverne aux brigands.

Les premiers des chrestiens prioient aux cimetieres :
Nous avons faict ouir aux tombeaux nos prieres,
Faiet sonner aux tombeaux le nom de Dieu le fort,
Et annoncé la vie aux logis de la mort.

Tu peux faire conter ta loüange à la pierre ;
Mais n’as-tu pas tousjours ton marchepied en terre ?
Ne veux-tu plus avoir d’autres temples sacrez
Qu’un blanchissant amas d’os de morts asserrez ?

Les morts te loüeront-ils ? Tes faicts grands et terribles
Sortiront-ils du creux de ces bouches horribles ?
N’aurons-nous entre nous que visages terreux,
Murmurant ta loüange aux secrets de nos creux ?

En ces lieux caverneux tes cheres assemblées,
Des ombres de la mort incessamment troublées,
Ne feront-elles plus resonner tes saincts lieux,
Et ton renom voler des terres dans les cieux ?

Quoy ! serons-nous muets, serons-nous sans oreilles,
Sans mouvoir, sans chanter, salis ouïr tes merveilles ?
As-tu esteint en nous ton sanctuaire ? Non,
De nos temples vivans sortira ton renom.

Tel est en cet estat le tableau de l’Église
Elle a les fers aux pieds, sur les gesnes assise,
A sa gorge là corde et le fer inhumain,
Un pseaume dans la bouche et un luth en la main.

Tu aimes de ses mains la parfaicte harmonie :
Nostre luth chantera le principe de vie ;
Nos doigts ne sont plus doigts que pour trouver tes sons,
Nos voix ne sont plus voix qu’à tes sainctes chansons.

Mets à couvert ces voix que les pluies enroüent ;
Deschaine donc ces doigts, que sur ton luth ils joüent ;
Tire nos yeux ternis des cachots ennuyeux,
Et nous monstre le ciel pour y tourner les yeux.

Soient tes yeux addoucis à guerir nos miseres,
Ton oreille propice ouverte à nos prieres,
Ton sein desboutonné à loger nos souspirs
Et ta main liberalle à nos justes desirs.

Que ceux qui ont fermé les yeux à nos miseres,
Que ceux qui n’ont point eu d’oreille à nos prieres,
De coeur pour secourir, mais bien pour tourmenter,
Point de mains pour donner, mais bien pour nous oster,

Trouvent tes yeux fermez à juger leurs miseres ;
Ton oreille soit sourde en oiant leurs prieres ;
Ton sein ferré soit clos aux pitiez, aux pardons ;
Ta main seiche sterile aux bien-faicts et aux dons.

Soient tes yeux clair-voyants à leurs pechez extremes,
Soit ton oreille ouverte à leurs cris de blasphemes,
Ton sein desboutonné pour s’enfler de courroux,
Et ta main diligente à redoubler tes coups.

Ils ont pour un spectacle et pour jeu le martyre ;
Le meschant rit plus haut que le bon n’y souspire ;
Nos cris mortels n’i font qu’incommoder leurs ris,
Les ris de qui l’esclat oste l’air à nos cris.

Ils crachent vers la lune, et les voutes celestes
N’ont-elles plus de foudre et de feux et de pestes ?
Ne partiront jamais du throsne où tu te sieds
Et la Mort et l’Enfer qui dorment à tes pieds ?

Leve ton bras de fer, haste tes pieds de laine ;
Venge ta patience en l’aigreur de ta peine :
Frappe du ciel Babel : les cornes de son front
Deffigurent la terre et luy ostent son rond.

Théodore Agrippa d’Aubigné – 8 février 1552 à Pons (Saintonge, France) – 9 mai 1630 à Genève

Théodore Agrippa d’Aubigné combattit au service de la cause huguenote et sa petite-fille, Françoise d’Aubigné, devenue marquise de Maintenon, épousa Louis XIV en secondes noces.

Témoin du martyre des suppliciés d’Amboise, il étudie d’abord à Paris, puis en 1565, deux ans après la mort de son père, pour éviter les persécutions, il est envoyé à Genève. Lorsqu’en 1567 la deuxième guerre de religion éclate, il rejoint l’armée protestante. Soldat et conseiller fidèle du jeune roi de Navarre, le futur Henri IV, il prend part à plusieurs batailles Après la conversion d’Henri IV au catholicisme, Agrippa d’Aubigné, resté fidèle à la cause protestante, se met à l’écart. En 1620 il est contraint de se réfugier à Genève où il passe les dix dernières années de sa vie. Il décède le 9 mai 1630.

La plume érudite et véhémente d’Agrippa d’Aubigné nous a laissé un parfait témoignage de luttes politiques et religieuses qui ont bouleversé l’Europe du XVIème siècle. Dans son œuvre la plus célèbre, “Les tragiques”, il exprime sa colère contre les persécutions subies par les protestants.

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

23 réflexions sur « « Croyance- Religion- Idées » – Poésie du Mardi… !!! »

  1. Excellent choix et mise en lumière de ce qui demeure une tragédie…
    Tant de tragédies surviennent au nom des religions!
    C’est tellement dommage que l’être humain ne puisse faire abstraction de ses croyances pour vivre en bonne intelligence avec les « autres »…
    Très belle plume, poignante et affûtée, merci du choix
    Gros bisous
    Cendrine

  2. ..Cendrine a trouvé les mots justes pour exprimer mon ressenti..que de morts au nom de la religion,
    Dieu est amour, ah bon?
    Bises de Mireille du sablon

  3. Bravo Zaza, un beau poème suivi d’une page d’histoire bienvenue pour faire connaître l’auteur. MTH

  4. un très ancien poème et la guerre de religion toujours d’actualité-
    tuer au nom d’un Dieu quelle misère –
    merci pour ce beau choix- le thème de Gazou est bien intéressant-
    bisous- bon mardi
    ici grosse pluie et orage-

  5. bonjour
    j aime bien zaza cette poésie

    dites en vieux François
    je trouve que c’est un bon théme

    bises bonne journée , temps merveilleux aprés la tempête de samedi

    @ kénavo

  6. Un très bon choix Zaza qui nous montre que le glaive vengeur brandi au nom de la religion a toujours existé et qu’il ne faisait pas bon au 16 ème siècle être d’une religion différente du pouvoir .
    Ce qui s’est passé entre protestant et catholique m’a toujours sidérée .
    Bises

  7. Oui mais c’était un Calviniste intransigeant comme l’était les protestants à cette époque, et descendre l’église catholique était pour lui un devoir.
    Je ne comprends pas d’ailleurs pourquoi on parle toujours des tueries contre les protestants alors qu’eux aussi on tuer à tour de bras les catholiques ? Qui me l’expliquera ? Personnes sans doute, une idée reçue est dure à effacer!
    Bises

  8. Il faut un peu s’habituer au langage. Merci de nousmettre sa vie en dessous.
    Le jour où l’amour rayonner a ce sera un royaume joyeux. Je suis catho par héritage et que cela me permet d’avancer. Tous les chemins sont bons si l’amour pour nous et pour tous est notre espoir. Que l’on soit avec ou sans religion. Bises et merci.

  9. Un sacré poème que celui-ci les mots du moins certains sont encore dans le parler d’autrefois et ça lui donne une autre dimension. Bisoussss

  10. Si la religion ne nous aide pas à aimer les autres et à vouloir leur bien, et à s’aimer soi-même…à quoi bon en avoir une….Elle n’est pas là pour accroître notre pouvoir mais tant s’y sont trompés .

  11. Toujours d’actualité, je crois.
    Même si les mots ne seraient pas les mêmes.
    J’avoue que je ne me souvenais pas de ce poème, que j’ai dû lire, pourtant, autrefois.
    Bisous et douce journée.

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