ERREUR FATALE … !!! – 26/31

La reprise du boulot !

Pour Jacky, la route fut longue et laborieuse jusqu’au bahut.

Pas un instant, la pluie ne cessa de tomber. Le ronron des essuie-glaces l’assoupissait. Brusquement, de temps en temps, provoqué par il ne sait trop quoi, un sursaut lui redessinait le paysage. Enfin ! Voici les tours de Surville, une cité dortoir qui surplombe Montereau en Seine et Marne.

Sur cette colline jadis boisée, à l’heure actuelle, les Habitations à Loyer Modéré ont remplacé la forêt. Le lycée André Malraux, ouvert en 1958 était le lieu de travail de Jacky. La commune de Surville était redevenue un petit coin, à peu près tranquille.

Froides et sans surprise, les rues bordées d’immeubles monotones, se croisent à angle droit. Derrière les antennes paraboliques se cachent des fenêtres, au-delà desquelles s’ennuient des chômeurs. La parabole est une invention géniale. Ce disque paradoxal et hideux est une ouverture sur le monde extérieur, séquestrant à domicile les téléphages, les isolés de la société. Dans ce doux paradis, on vole, on tue, on se drogue, on s’occupe comme on peut. Le lycée aussi est laid et délabré. Des clôtures métalliques interdisent (sauf en regard des portes d’entrées) toute approche des bâtiments, car régulièrement, des vitres et des morceaux entiers de façade se détachent et s’écrasent dans les allées. L’accès à ce temple de la culture est sévèrement gardé. Les élèves, les racketteurs et les vendeurs de drogue circulent librement ! Seuls les professeurs à bord de leur véhicule sont contrôlés.

A une époque encore récente, l’idée maîtresse était de permettre à l’école de s’étendre à la rue, alors que la rue est entrée dans l’école !

  • L’école doit-elle être la rue ?
  • La rue doit-elle être l’école ?
  • Le point commun doit-il être le caniveau ?

Il introduit sa carte à puce dans le lecteur idoine et la barrière se lève lentement. Passage en première, clignotant à gauche et au pas, il se dirige vers le fin fond du parking constellé de bouts de verre « Sécurit », vestiges d’anciens casses de bagnoles et annonciateurs des prochains. Il faut être fou pour laisser un autoradio dans sa voiture, et il est superflu d’en fermer les portières à clef.

D’un pas hésitant, Jacky pénètre dans la salle des profs. Le regard inquisiteur et inquiet de ses collègues, lui remémore ses avatars de la nuit passée.

Il se sent obligé d’expliquer, ou plutôt d’inventer un bobard à dormir debout, (dans tous les sens du terme), justifiant son allure de déterré et les ecchymoses bleuissant son visage. Au fur et à mesure qu’il raconte son histoire abracadabrante, (de boîte de nuit avec des bidasses en goguette, qui ont fini par déclencher une bagarre générale dégénérant en descente de police…), il fait des efforts, pour ancrer dans sa caboche les imaginaires détails de son roman.

– « Ben… Ce n’est vraiment pas ton jour de chance !» S’esclaffe Michel un prof de productique.

– «Ça tu l’as dit ! J’espère que la journée va mieux se passer.»

– «Non, non …» Reprend le joyeux Michel en se tapant sur les cuisses.

– «Comment ça, non, non ?»

– «Ben ! Va voir ta salle …»

Il s’attend au pire. Quoi qu’après cette mortelle semaine de repos, le pire existe-t-il encore ? Ce n’est pas la joie qui le porte jusqu’à son labo. Ce n’est pas la tristesse non plus, c’est la curiosité. Déjà, en approchant, fait anormal, il se rend compte que la porte est ouverte. Il en franchit le seuil et tout de suite !

«Déblaiement, nettoyage et éventuellement réparation de ce qui reste» sera l’intitulé du cours !

Les Huns sont passés par sa classe et l’herbe n’est pas prête de repousser !

L’intéressant a disparu, le reste a été saccagé. Il n’a plus un seul ordinateur. Les automates, qui pour ces casseurs à la petite semaine, n’ont pas de valeur marchande, ont rendu l’âme sous les coups de masse. Les armoires éventrées déversent leurs tripes livresques dans la pièce. Le sol est jonché de papiers déchirés et souillés. Les classeurs piétinés vomissent ce qui naguère devait être ses cours ! Les murs repeints à la bombe, par des artistes résolument modernes, ajoutent à la désolation. Ces fresques chaotiques où les couleurs s’agressent les unes, les autres le laissent sans voix !

Un peu hébété tout de même, au beau milieu de ce capharnaüm, il regarde ses élèves arriver. Le premier moment de surprise passé, pour la plupart d’entre eux, un radieux sourire éclaire leur visage. Pour les autres, c’est la franche rigolade. Il croit bien que de toute leur carrière de traîne cartable, c’est la rentrée la plus joyeuse qu’ils n’aient jamais vécue. Il n’arrive même pas à les attrister en les envoyant quêter des balais, des seaux et des serpillières.

Ils ont passé la journée à nettoyer. Ils commencèrent à douze, mais par une prompte défection, ils ne se virent que deux en finissant la journée de labeur, la femme de ménage et lui !

A dix-sept heures, il quitta ce chantier, fatigué !

Le parcours du retour se passa sans problème. A part un léger bouchon, en arrivant vers Villejuif, qui le fit piaffer d’impatience, rien de désagréable à signaler.

Toujours pas d’ascenseur dans la cage d’escalier de l’immeuble. Certain jour, il lui arrive de rêver qu’en son absence, un hisse-fainéant a été installé. Eh  … Ce n’était pas encore pour aujourd’hui !

Plus il monte, et plus il se dit que ce soir, il n’ira pas être tard au lit. Meg va le border, lui faire un gros « smack » sur le front, enfin il verra, peut-être un peu plus qu’un gros bisou, mais de toute façon, il ne pense pas battre des records amoureux avant de s’endormir.

Il arrive directement au sixième, sort la clef que sa brunette lui a donnée, et ouvre la porte en lançant :

– «Bonsoir tout le monde ! S’il n’y a personne ça fera toujours plaisir aux meubles.»

Effectivement, à part les meubles, il n’y a personne. Meg est sans doute chez lui. Il reprend l’escalier et descend au cinquième. Il entre, fait le tour de son home, puis remonte, sans avoir rien trouvé d’autre qu’une bouteille de whisky qui s’ennuyait sur une table basse. Sans doute que la sarcelle est allée faire des emplettes pour notre dîner. Il attrape un verre dans son buffet, de la glace dans son frigo, se sert un maxi scotch et s’affale dans le canapé.

Vingt-et-une heures ! Ça fait deux plombes et trois énormes doses de pur malte qu’il espère le retour de sa caillette.

Malgré l’alcool qui envase ses méninges, il commence à se faire du mouron. Vingt-trois heures ! Toujours pas de marmotte à l’horizon ! Son mouron s’est transformé en «presque» panique.

Ce n’est pas possible, il lui est arrivé quelque chose. Il se lève, et pour la dixième fois et fait le tour de l’appartement, espérant trouver un mot, un indice. Rien !

N’y tenant plus, il attrape le téléphone et compose le numéro du commissariat. Il tombe sur un flic à moitié endormi et lui demande si dans la soirée, une dénommée Meg Duchmain, n’aurait pas été accidentée et transportée à l’hôpital, ou ailleurs. Non, personne ne répondant à ce nom n’a été ramassé sur la voie publique.

C’est à la fois rassurant et angoissant. Il devient fou, il tourne comme un lion en cage. A quatre pattes, il refait le tour de la cahute, en regardant sous les meubles et soudain, au détour du bureau, par terre, il se trouve nez à nez avec un morceau de coton. Il le prend, l’examine, le renifle. Il sent une drôle d’odeur qui lui tourne la tête. Du chloroforme ! Oui, sans aucun doute, c’est du chloroforme.

Tout s’écroule autour de lui. Maintenant, il en est sûr, Meg a été enlevée. Il chope la bouteille de whisky et se l’enfile cul sec. Il n’en restait pas beaucoup, mais c’était encore trop pour lui !

Il a la folle impression, d’être sur le banc d’une chaloupe par une forte houle. Ses pensées s’entrechoquent. Des images, réelles, virtuelles, voltigent devant ses yeux. Il revoit, son titubant adjudant-chef pendant son service militaire, comme si c’était hier ! Cet homme d’une grande expérience les sermonnait, lorsqu’ils rentraient avec un coup dans la musette. Il l’entend encore leur dire :

– «Les ceusses qui n’peuvent tenir deux canettes, y z’en boivent qu’une !».

L’armée est vraiment une fabrique d’abrutis. Un appelé, intégrant cette institution, a bien du mal à en sortir intact. Cependant, le jeune incorporé d’office est un ballon d’oxygène pour les «lobotomisés» de carrière. Une sorte d’anticorps contre le déraisonnable. Ce qui est désastreux, c’est que Chirac, le 23 février 1996, a décidé de supprimer cette conscription pour établir une armée de métier avec uniquement des volontaires ! Ne mettre que des demeurés dans un creuset à cons, ça fout les jetons, non ? Les bœufs susceptibles de passer au napalm des villages entiers, des humoristes inscrivant : «meilleure santé» sur des bombes, avant de les larguer sur des hôpitaux, des étrons capables d’avoir pour ennemis des rires de gosses, ça oui ! Il en existe des tombereaux, même des crevures avec deux uniformes, un de soldat kaki, comme celui des tueurs et un de cureton noir, comme celui des bénisseurs ! Des curaillons consacrant des bouchers et leurs boucheries ! On croit rêver ! Là, Dieu, tu fais fort … Un esprit sain pourrait penser que tu dérailles un brin. Main non ! Ils sont encore des milliards à croire en toi. (T’es un sacré déconneur, Dieu ! Tu parviens même à les diviser dans leurs croyances, pour qu’ils se foutent sur la gueule entre pratiquants ! T’es cocasse, burlesque, spirituel ! C’est ça, c’est bien le mot, tu es spirituel …).

A suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

21 réflexions sur « ERREUR FATALE … !!! – 26/31 »

  1. Vandalisme ou incendie d’école, pas dramatique pour tout l’monde, enfin les mauvais élèves vais-je dire, chose qu’on entend de nos jours… pfffffffffffff !!! Merci Zaza, bises

  2. et oui ces voitures croisées par hasard, devaient être mise en page sur mon blog…j’adore ces véhicules que l’on croise de temps à autre…..doux vendredi

  3. Il faut avoir une sacrée dose d’optimisme pour être prof dans une banlieue comme ça !
    Au sujet de l’armée, elle avait au moins le mérite de faire connaître entre eux, les gars des cités et les autres milieux et puis elle détectait les malades, les analphabètes etc et leur donnait un aperçu de la discipline. Plus rien de tout ça n’a pas arrangé les choses et je serais pour un service civique.
    Pour Dieu, je suis d’accord avec toi, s’il existe celui-là, on aura deux mots à lui dire !
    A demain.

  4. Bonjour Zaza .
    Il a un peu neigé chez nous cette nuit , pas de quoi en mettre une bonne couche , mais juste pour nous ennuyer .
    De toute façon , il faut bien se résigner , nous sommes en hiver et il ne faut se plaindre , comparé à d’autres régions qui ont soufferts du mauvais temps .
    J’espère que dans ta région , tout va bien .
    Bon Vendredi .
    Bisous de nous deux .

  5. Je vibre: mais où est passée Meg? J’en connais un qui va remuer ciel et terre pour la retrouver au risque de déclencher une tempête et il aura bien raison!!! Toujours des évènements inattendus qui nous confortent dans l’idée que lire ce que tu écris est un moment de joie intense. Gros bisous ma Zaza, des bisous décornés par la tempête mais qui restent valeureux tout de même…rires!
    Cendrine

  6. Des hlm à la place des forêts et un sacré rebondissement elle a disparu la Poulette mazette on tremble avec lui il n’a pas fini d’avoir des bleus sur la figure… Le vent s’est calme et à chasse les nuages ciel bleu et soleil j’attends l’homme qui revient de Paris en début d’après midi pour aller sur la cote pas très en forme la cath… bisous bon weekend ma belle

  7. Espérons qu’elle n’est pas tombée dans les mains des méchants, pauvre Jacky saoul d’inquiétude et de wisky, et Tarlouse qui n’est plus là pour l’aider!
    Bises et belle journée

  8. Bonjour Zaza,
    Ouah!!!! costaud le mec …..une bouteille de Whisky cul sec….
    Bonne fin de journée et bon weekend
    amitiés

  9. Ouf!!! Tu viens de me saper le moral, toi. Le pire, c’est que je suis 100% avec toi. J’attends la suite, qui commence à me stresser. Je t’embrasse, ma belle. Tu dois avec une tempête à faire décorner les bœufs!!!!Tiens bon à la rampe!!!

  10. Ouh la ça recommence dans quel guêpier est elle encore Meg, j’espère qu’elle n’est pas aux mains de Georges . J’aime beaucoup tes sujets de réflexion sur l’école, la banlieue , le service militaire et Dieu .
    Bon là il faut que je bouge un peu , si je ne veux pas être comme ma moitié avec des problèmes lombaires
    Bises Zaza

  11. Et bien voilà Mag chloroformée, oh la la tu ne les épargnes pas les deux loustics. Quelle tristesse que ces cités si bien décrites par ta prose…

    Je vais vite lire la suite, j’ai pris du retard mais ce n’est pas sans e déplaire, je lis en une seule fois.

    Beau lundi et bisous

    EvaJoe

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