La bourse, la serviette et le manteau – 5/5 … !!!

Dans la série des contes & légendes de basse-Bretagne

 Selaouit holl, mar hoc’h eus c’hoant,
Hag e cleofot eur gaozic koant.
Ha na eûs en-hi netra gaou
Mes, marteze, eur gir pe daou :
******
Écoutez tous, si vous voulez,
Et vous entendrez un joli petit conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonge,
Si ce n’est peut-être un mot ou deux.

Le lendemain donc il se fit conduire à la chambre de la princesse, et demanda qu’on le laissât seul avec elle.

Le lendemain donc il se fit conduire à la chambre de la princesse, et demanda qu’on le laissât seul avec elle. Il la fouetta, pendant une demi-heure, avec de l’ortie, puis il s’en alla, en disant qu’il reviendrait, le lendemain.
Il revint, en effet, et continua le traitement avec un nerf de bœuf, dont il cingla le corps nu de la princesse, pendant une autre demi-heure.

Le sang coulait, à chaque coup, et la princesse poussait des cris à fendre l’âme.

Le roi et la reine, qui l’entendaient, ne pouvaient retenir leurs larmes et disaient :
— « Il la tuera ! Il faut lui dire de cesser… ».
Quand le médecin sortit de la chambre, il les trouva tous les deux dans l’escalier, qu’ils  montaient.
— « Est-ce terminé, docteur ? » lui demandèrent-ils.
— « La princesse est très difficile à traiter », répondit-il. « Cependant, je ne désespère pas d’elle. Je reviendrai, dans trois jours, pour terminer le traitement. »
Et il s’en alla.
II laissait la princesse dans un état pitoyable.
La veille du jour où il devait retourner au palais, notre médecin alla trouver le prêtre, qu’il connaissait, et lui dit :
— « Demain, vous irez au palais, pour confesser la princesse, qui est bien malade. »
— « Je n’ai pas l’honneur d’être le confesseur de la princesse », répondit le prêtre.
— « Cela n’y fait rien, c’est vous que l’on demande; présentez-vous au palais, à midi juste. »

Le prêtre promit.

Le médecin retourna au palais, au bout de trois jours, comme il l’avait dit. Il alla d’abord trouver le roi et la reine et leur dit :
— « C’est aujourd’hui que je dois terminer le traitement de la princesse et, comme elle pourrait succomber… »
— « Jésus, mon Dieu ! » Interrompit la reine.
— « Je ne crois pas, » reprit le médecin, « que nous ayons à déplorer un pareil malheur. Mais, enfin, je ne puis répondre de rien, et, par mesure de prudence, j’ai dit à un prêtre de venir la confesser. Il arrivera, à midi. En attendant, je vais encore administrer un remède à la malade. »
Et il monta à la chambre de la princesse. Elle faisait pitié à voir.
Il lui dit :
— « Je vais vous administrer aujourd’hui le dernier remède. Mais, comme j’en crains les suites, j’ai dit à un prêtre de venir vous confesser. »
La pauvre princesse frémit de frayeur et dit qu’elle aimait mieux porter sa corne, toute sa vie, que de voir continuer le traitement de cette façon.
Le prêtre arriva, en ce moment.
Le médecin se retira dans un cabinet, à côté, et lui dit d’y venir le trouver, quand il aurait rempli son devoir.
La princesse se confessa, et le confesseur se rendit ensuite près du médecin, qui lui dit :
— « Il faut me céder, pour un moment seulement, votre soutane et votre surplis. »
— « Je ne ferai pas cela », répondit le prêtre.
— « Bah! Laissez-moi donc là vos scrupules. Il le faut, pour compléter la cure de la princesse. Tenez, prenez ceci. »
Et il lui glissa cent écus dans la main.

Le prêtre prit l’argent et donna sa soutane et son surplis.
Le faux médecin les revêtit, se rendit auprès de la princesse et lui parla de la sorte :
— « Je crains que vous n’ayez oublié quelque chose, princesse, et, avant de me retirer, je viens vous prier de compléter votre confession, si vous avez encore quelque chose sur la conscience.
Songez que vous êtes peut-être sur le point de paraître devant votre Juge suprême. »
La princesse sanglotait.
— « Voyons », reprit le faux prêtre, « je vais vous aider : N’avez-vous rien dérobé, rien volé, quelque petite chose ?… »
— « Oui, mon père », répondit-elle, tout bas, « j’ai dérobé sa bourse à un prince étranger, qui vint à la cour, il y a quelque temps. »

— « Il faut la restituer. Confiez-moi-la, et je la rendrai à son propriétaire. »
Elle prit la bourse dans une cassette, et la remit au confesseur.
— « C’est bien, dit celui-ci, mais, est-ce tout ? N’avez-vous pas encore dérobé quelque autre chose ?… »
— « Oui, une serviette. »
— « Donnez-moi aussi la serviette, pour que je la restitue à son propriétaire. »

Et la princesse prit la serviette, dans la même cassette, et la donna aussi au faux prêtre.
— « Continuez… et après ? »… demanda encore le confesseur.
— « C’est tout, mon père », répondit la princesse.
— « Cherchez bien… N’auriez-vous pas encore dérobé quelque objet pareil… un manteau, par exemple ?… »
— « Oui », répondit-elle, « après un assez long silence. »
— « Il faut me rendre encore ce manteau, pour le restituer. »
Et elle lui donna aussi le manteau.

 — « C’est bien, dit alors le confesseur. Prenez cette pomme, à présent, et mangez-la, cela vous fera du bien. »
Et il lui présenta une superbe pomme rouge.

A la vue de ce fruit, cause de tout son malheur, elle détourna d’abord la tête et fit une grimace.
Mais, sur l’insistance de son confesseur, elle la prit et y mordit, à belles dents.
Sa corne disparut aussitôt, par enchantement, et en même temps, les plaies de son corps se cicatrisèrent aussi vite.
Alors, le faux prêtre, se dépouillant de sa soutane et de la perruque dont il s’était affublé, lui dit :
— « Regardez-moi, ne me reconnaissez-vous pas ? »
La princesse se jeta à ses pieds, en criant :
— « Grâce ! Grâce ! Je suis assez punie. »
Le roi et la reine, qui étaient à la porte de la chambre, ayant entendu leur fille crier grâce, entrèrent subitement, et, voyant que sa corne avait disparu, comme les leurs :
— « Je vous donne la main de ma fille ! » S’écria le roi, en se jetant au cou du médecin, pour l’embrasser.
— « Merci ! Sire », répondit celui-ci. « Je la connais trop bien, pour en vouloir pour femme. Donnez-moi les 28 lingots d’or que vous m’avez promis, et gardez votre fille. »
Le vieux monarque eût préféré donner sa fille et garder son argent !
Il s’exécuta pourtant d’assez bonne grâce et vida ses caisses, parce qu’il craignait le retour des cornes.
Le clerc donna sept lingots à son hôte, qui s’était toujours montré bienveillant et complaisant pour lui.
Il donna également un lingot au prêtre pour les pauvres de la ville de Paris.
Puis, il revint dans son pays, et rendit sa serviette à son frère le laboureur et son manteau à son frère le prêtre.
Il leur donna encore sept lingots d’or chacun, en reconnaissance du service qu’ils lui avaient rendu.
Ensuite, il alla voyager très, très loin, pour d’autres aventures peut-être !
Il avait gardé six lingots, sa bourse, qui lui donnait toujours cent écus, chaque fois qu’il y mettait la main.
Nous n’avons donc pas d’inquiétude à avoir à son endroit… A moins qu’il ne se la laisse encore dérober.

Ah ! Si je pouvais, un jour, trouver une bourse semblable pour distribuer ses écus autour de moi !…

Conté par Hervé Colcanab, maçon à Plouaret. — 1869.

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

27 réflexions sur « La bourse, la serviette et le manteau – 5/5 … !!! »

  1. Quelle belle fin! serait-il devenu sage?…les faits en disent long..
    Bises du jour
    Mireille du Sablon

  2. Bonjour Zaza.
    Une histoire qui finie quand même bien.
    Désolé de n’être pas trop présent sur mon blog, mais je n’oublie pas mes ami(e)s.
    J’espère que tu vas bien.
    Je te souhaite un bon week-end avec une température conforme à la saison.
    Bisous de nous deux.

  3. Bonjour Zaza,
    Voilà un merveilleux conte qui malgré ses passages tristes et plein de douleur , se termine bien
    merci du partage
    bonne journée, on nous annonce de l’eau alors espoir
    Amitiés

  4. A mon avis, il ne réitérera pas les mêmes erreurs dans l’avenir. Bravo pour cette belle histoire. Tu devrais écrire des contes pour enfants. Merci pour ce partage. Bonne journée à toi Zaza.

  5. Coucou Zaza, oh je me suis régalée en lisant ce conte et comme je l’imaginais, ça finit bien. Mais les coups de fouet aux orties ouie ça doit faire mal ça lol ! Bon il ne faut point voler on l’aura compris. De toutes façons mal acquis ne profite jamais !
    J’espère que tu n’as pas trop d’estivants par chez toi, ici à saint Malo ça grouille on ne peut même pas visiter les beaux bateaux arrivés grrr ! Ce matin il a bruiné un peu mais du pipi de chat. Bonne fin de journée bisous

  6. Bonjour Zaza,
    Il m’a fallu rattraper un peu de lecture… Je n’aime pas trop les contes, en général, mais je me suis dit que je ne pouvais pas juste lire la dernière partie de celui-ci.
    Bon, c’est conte, on passe par des moments assez douloureux (et dire que beaucoup de petites filles rêvent de devenir princesses !), et puis tout s’arrange au final.
    Merci pour ce partage.
    Fabrice

  7. Ouh la la, l’ortie fait circuler le sang!
    La princesse a sacrément « dégusté » et tout finit bien après moultes péripéties et de passionnants rebondissements, plaisir de lecture assuré ma Zaza
    Gros bisous du samedi
    Cendrine

  8. J’adore cette fin… :)
    Merci pour le conte, Zaza.
    Je suis heureuse d’avoir enfin pu le lire en entier.
    Bisous et douce journée.

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