Pour la quinzaine du 24 au 27 avril 2023, c’est notre amie Renée, CLIC, qui reprend l’animation de la galère.
Pour le jeudi 27 avril : Un poème avec des œufs….sous toute forme, même celle d’un crâne d’œuf….
La grasse matinée !
Il est terrible
le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l’homme
la tête de l’homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n’est pas sa tête pourtant qu’il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s’en fout de sa tête l’homme
il n’y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n’importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu’il n’a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ces vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégées par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines…
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l’homme titube
et dans l’intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
œuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !…
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l’assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
Il est terrible
le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim.
Jacques Prévert – Publié dans Paroles en 1946
Désolée Renée de plomber l’atmosphère en éditant ce poème qui relate la tragédie de la pauvreté dans la société inégalitaire d’après-guerre.
C’est tout de même effrayant, en relisant ce texte, de s’apercevoir qu’il s’applique encore de nos jours avec cette précarité qui se développe de plus en plus dans notre société…
Je le connaissais, et comme tu le dis à la fin Zaza, un peu comme les restaus du coeur qui ne devaient durer qu’un hiver !!!! Merci, bises
Merci
ça en dit long !
Ah ! Zaza, je n’oublie pas Prévert que j’imagine souvent quelque part près de moi inspirant ma folie mais je ne pensais plus à cet œuf merveilleux, si triste et si touchant qu’il nous avait décrit l’année de ma naissance.
Merci pour ce souvenir retrouvé.
Magnifique poésie, je ne la connaissais pas Bisous MTH
Oui c’est effrayant de constater que l’histoire se répète inlassablement et que ce sont toujours les petit qui trinque et paie les conneries des plus *grands*, qui ne sont pas si grands que ça dans leur attitudes. Bisous bisous Zaza
Là tu n’y est pas allée avec le dos de la cuiller (pour casser l’oeuf)
Cassé, cassé …
Les oeufs cassés au petit déjeuner, pas pour tous le monde, car en général nous n’avons guère que la coquille…
Bises
Je connaissais ce poème, mais merci, je l’ai relu avec plaisir. Bisous
Ah ce poème me donne toujours autant de frissons quand je le lis, il est tellement d’actualité….
Bises de Mireille du sablon
Et en effet Zaza tellement d’actualité !
https://www.voltage.fr/deux-sdf-meurent-percutes-par-une-rame-de-metro-dans-paris
Il est terrible
le crissement des freins à la station de métro Gaîté
il est terrible ce bruit
quand il s’imprime dans la mémoire des témoins
elle est terrible aussi la tête de l’homme
la tête de la femme qui avaient faim
quand ils se regardaient à onze heures du soir
dans la glace du distributeur à friandises
deux têtes « couleur de poussière »
…
Ça ne peut pas durer
ça dure
ça ne durera plus
pour eux.
Merci Zaza de ne pas oublier ces autres …
cet oeuf (texte) n’a pas pris une ride…
terrible ce poeme, sur ceux qui crevent de faim, souvent sans resssources, alors que 14% de la production mondiale de nourriture, est perdue pour diverses raisons ! merci Zaza bises
Superbe poésie Zaza bonne journée de jeudi bises
J’aime bien les Paroles de Jacques Prévert
Biz
Un poème qui est encore malheureusement d’une terrible actualité . Prévert sait être percutant et d’une tres belle façon
Bon jeudi
Bises
Un poème qui raconte une triste réalité !
Très triste, mais c’est un très beau texte ! Chris
Bonsoir Zaza,
Un poème qui est tellement encore d’actualité !!! Un bon choix, malgré sa tristesse !!!
Douce soirée,
Bises 😘
Un beau poème qui résume bien la pauvreté et hélas cela est encore d’actualité et le devient encore plus avec l’inflation.
Ce poème est terrible.
Lutter pour que chacun vive dignement. Bises