« La Campagne » – Poésie du mardi … !!!

Choix du thème par Tortue : « La Campagne »

Les mangeux d’terre

Je r’pass’ tous les ans quasiment
Dans les mêm’s parages,
Et tous les ans j’trouv’ du chang’ment
De d’ssus mon passage ;
A tous les coups c’est pas l’mêm’ chien
Qui gueule à mes chausses ;
Et pis voyons, si je m’souviens,
Voyons dans c’coin d’Beauce.

Y avait dans l’temps un bieau grand ch’min
– Cheminot, cheminot, chemine ! –
A c’t’heur’ n’est pas plus grand qu’ma main…
Par où donc que j’chemin’rai d’main?
 
En Beauc’ vous les connaissez pas ?
Pour que ren n’se parde,
Mang’rint on n’sait quoué ces gas-là,
l’s mang’rint d’la merde !
Le ch’min c’était, à leu’ jugé
D’la bonn’ terr’ perdue :
A chaqu’ labour i’s l’ont mangé
D’un sillon d’charrue…

Y avait dans l’temps un bieau grand ch’min
– Cheminot, cheminot, chemine ! –
A c’t’heur’ n’est pas plus grand qu’ma main…
Par où donc que j’chemin’rai d’main?

Z’ont groussi leu’s arpents goulus
D’un peu d’gléb’ tout’ neuve ;
Mais l’pauv’ chemin en est d’venu
Minc’ comme eun’ couleuve.
Et moué qu’avais qu’li sous les cieux
Pour poser guibolle !…
L’chemin à tout l’mond’, nom de Guieu !
C’est mon bien qu’on m’vole !…

Y avait dans l’temps un bieau grand ch’min
– Cheminot, cheminot, chemine ! –
A c’t’heur’ n’est pas plus grand qu’ma main…
Par où donc que j’chemin’rai d’main?

Z’ont semé du blé su l’terrain
Qu’i’s r’tir’nt à ma route ;
Mais si j’leu’s en d’mande un bout d’pain,
l’s m’envoy’nt fair’ foute !
Et c’est p’t-êt’ ben pour ça que j’voués,
A m’sur’ que c’blé monte,
Les épis baisser l’nez d’vant moué
Comm’ s’i’s avaient honte !…

Y avait dans l’temps un bieau grand ch’min
– Cheminot, cheminot, chemine ! –
A c’t’heur’ n’est pas plus grand qu’ma main…
Par où donc que j’chemin’rai d’main?

O mon bieau p’tit ch’min gris et blanc
Su’ l’dos d’qui que j’passe !
J’veux pus qu’on t’serr’ comm’ ça les flancs,
Car moué, j’veux d’l’espace !
Ousqu’est mes allumett’s?… A sont
Dans l’fond d’ma pann’tière…
Et j’f’rai ben r’culer vos mouéssons,
Ah ! Les mangeux d’terre !…

Y avait dans l’temps un bieau grand ch’min,
– Cheminot, cheminot, chemine ! –
A c’t’heur’ n’est pas plus grand qu’ma main…
J’pourrais bien l’élargir, demain !

Gaston Coupé, (1880-1911)

Ce fils de meunier quitte l’école très tôt. Il trouve du travail comme commis auxiliaire à la Recette générale des impôts d’Orléans, puis poursuit sa carrière pour un journal local, Le Progrès du Loiret. Il commence à publier ses poèmes, dont certains sont composés en patois beauceron, dans des feuilles locales. Il contribue à des journaux libertaires, « La Barricade » et surtout « La Guerre Sociale » où il écrit La Chanson de la semaine.

Il a l’occasion de les faire entendre à une troupe d’artistes parisiens en tournée. Ayant reçu quelques encouragements, il se décide, en 1898, de à monter à Paris. Il a alors dix-huit ans.

Après quelques années de vaches très maigres, il obtient un certain succès dans les cabarets. Il collabore à la revue La Bonne Chanson de Théodore Botrel.

Ses poèmes ont été régulièrement interprétés chansons notamment dans les disques et spectacles de Gérard Pierron, Marc Robine, Yves Deniaud, et de biens d’autres artistes.

Gérard Pierron et Marc Robine – Les mangeux d’terre

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

25 réflexions sur « « La Campagne » – Poésie du mardi … !!! »

  1. Nous parlions d’émotions!
    Une très belle lecture avec la rage au ventre et cette langue vive, qui vient du coeur et des entrailles!
    Vraiment une belle découverte pour moi, merci ma Zaza
    Gros bisous et pensées d’amitié
    Cendrine

  2. oups faut comprendre- j’espère qu’il parlait mieux à son bureau-
    il regrette la campagne et se désespère de voir les chemins disparaitre-
    merci pour le partage –
    bisou- bon mardi-

  3. merci de rappeler : Gaston Couté (bref mais fulgurante fut son existence) on peut remercier Gérard Pierron de l’avoir fait connaitre : les textes restent toujours pertinents !

  4. Je découvre grâce à toi.
    Et pourtant, je suis certaine d’avoir déjà entendu des chansons…
    Bisous et douce journée.

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