A la recherche fameux Looser !
Le ciel est maussade et gris. Un vent froid perforant balaye la rue de la convention.
Dans ses hardes crasseuses, l’œil terne, les joues mal rasées, Jacky tend timidement la main aux passants.
– «Une p’tite pièce pour manger s’ious plaît. Bonjour m’dame, v’s’auriez-pas deux francs ?»
La ménagère change son cabas de côté pour le protéger du mendiant que lui jette un regard réprobateur et passe la tête haute.
– «B’jour m’sieur… Un peu d’monnaie ? J’ai faim.»
– «T’as qu’à bosser feignasse! Si ce n’est pas malheureux, tous ces jeunes branleurs qui ne veulent plus rien foutre, à part faire la manche. Je te parquerais cette vermine dans des camps, et je te les ferais trimer à la schlague. Non mais sans blague. Pas bosser ! Pas bouffer ! Allez ! Casse-toi merdeux libère le chemin.»
– «Madame …»
– «Si c’est pas honteux !»
– «M’sieur … De quoi acheter un bout de pain ?»
– «Tiens mon pote, v’là trois balles.»
– «Merci, monseigneur, bonne journée.»
Déjà trois jours, qu’en haillons, Jacky faisait la manche devant la poste, au 102 de la rue de la convention. C’est une idée de Meg, en quittant la loge de la gardienne.
Elle avait tout de suite adressé poste restante, au sieur Looser, une grande enveloppe jaune, fermée avec du ruban adhésif rouge, pour que l’ensemble soit très voyant. A l’intérieur du pli, une fausse lettre du percepteur avait été glissée, réclamant au Jacquot un arriéré d’impôts augmenté d’une amende et agrémenté d’agios. A l’heure actuelle, avec un scanner, un ordinateur et une imprimante couleur, on fait des petits miracles !
Il est dix-sept heures trente et Jacky en ai plein les bottes. Depuis trois jours, déguisé en S.D.F, il guette, espère un inconnu portant une grande enveloppe jaune, celée au scotch rouge.
De temps en temps, Meg passe le voir et dédaigneusement, lui faisait l’aumône d’une piécette ou d’un casse-croûte, en fonction de la position du soleil. Au début, il avait trouvé son plan génial, mais plus les journées passaient, et plus il trouvait cette idée saugrenue.
– «Merde l’enveloppe ! C’est mon gus !»
Le type s’éloigne rapidement en examinant d’un air circonspect le pli dénonciateur. Fissa, mais à distance, il lui emboîte le pas. Sa proie tourne immédiatement avenue Félix Faure, puis tout de suite à gauche rue François Coppée.
Il presse le pas, et arrive juste pour voir l’individu s’engouffrer dans une porte cochère. Il attend un instant, puis entre à son tour dans le bâtiment.
Au bout du hall, un ascenseur coincé dans une cage d’escalier, disparaît vers les étages supérieurs. Sur la droite, derrière une porte vitrée, le regard d’un «cerbère» l’intercepte. La porte de la loge s’ouvre à toute volée.
– «Dehors ! Pas de parasite ici ! Les quémandeurs ne sont pas admis dans l’immeuble !»
C’est qu’elle mordrait la grosse vacharde ! Son visage joufflu, congestionné par la colère, est posé directement sur une blouse sans manche. Son absence de cou est compensée par un triple menton-goitre, qui se déverse sur une paire de nichons flasques et titanesques. Ses bras adipeux, que les bourrelets maintiennent éloignés du corps, dégueulent d’une poignée de poils de ses emmanchures. Au bas de son caraco, pendent deux énormes pilons variqueux terminés par des charentaises avachies.
Par ailleurs, ce phénomène de foire brandit, grâce aux boudins qui lui servent de doigts, un bâton menaçant.
Courageux, mais pas téméraire, Jacky fuit ce quintal et demi de chair à verrues, se promettant de revenir rasé, lavé, costumé et cravaté.
En approchant de la poste, il aperçoit Meg, inquiète, qui le cherche. Elle ne m’a pas vu venir. Doucement, il s’approche d’elle et lui mets la main sur l’épaule. Elle sursaute, se retourne brusquement et découvre sa cloche préférée.
– Tu es fou de me faire peur comme ça ! Où étais-tu ?»
– «On ne fait pas un bisou au lépreux ma bonne dame ?»
– «Si, mais quand tu seras récuré. D’où viens-tu ?»
– «Juste un petit baiser, princesse !»
– «Quand tu seras rasé. Pourquoi as-tu quitté la planque ?»
– «Une caresse sur ma bosse ma reine. Ça porte bonheur.»
– «Ah ! On n’en sortira pas !»
Elle le dévisage, cherche un petit coin, moins sale que le reste, le trouve au-dessus de son œil droit. Elle y dépose un «poutou» !
– «Alors ? Heureux ?»
– «Enchanté ma fée.»
– «Tu as du nouveau ? Réponds ou je te change en crapaud !»
– «Un jeune pèlerin est venu chercher l’enveloppe. Je l’ai suivi. Il est rentré dans un immeuble au deux de la rue François Coppée. C’est juste à côté.»
– «Il habite là ?»
– «Je ne sais pas, j’ai voulu le suivre à l’intérieur, alors qu’une opulente concierge m’a fait comprendre, à l’aide d’un gourdin, que je confondais son château avec la cour des miracles.»
– «Il est dix-huit heures ! On rentre à la maison. Tu te douches, te changes ! »
– «On mange un bout et on revient ?»
– «OUI ! On mange un bout et on revient !»
Meg n’ayant rien dans son frigo, ils descendirent chez-lui. Pendant qu’il barbotait dans l’eau savonneuse, la musaraigne faisait frire des œufs et du bacon.
Propre comme un sou neuf, il sortit de la baignoire et appelait :
– «Tu viens me frotter le dos ?»
– «On n’a pas le temps ! Sèche-toi tout seul et viens manger.»
Il sortit de sa salle d’eau, après avoir jeté négligemment un peignoir sur ses épaules. Volontairement, il avait omis d’en nouer la ceinture et les pans de sa sortie de bain bâillaient, dévoilant son torse et ses armes de combat. Sa gueule d’amour s’éclairait d’un sourire ravageur et Meg, sans doute prête à sombrer dans ses bras articula fiévreusement :
– «Bon ! Allez Eddy ! Arrête de faire le clown. Fringue-toi et assois-toi à table. On a du boulot.»
D’un geste ample, il fit voler son cache corps en éponge et pris des poses qu’il jugeait avantageuses.
Imitant Héraclès terrassant la «fourmi-lion» … le discobole lançant des soucoupes ! Meg, amusée, contemplait le spectacle en mangeant de bon cœur. Elle se leva, vint vers lui, tâta les biceps saillant et dit :
– «Hum … quelle puissance … c’est de la dynamite, mais …»
– «Mais ?»
– «Mais la mèche est un peu courte !»
– «La mèche ? Pauvre fille !»
Elle fit volteface, se ré-attabla et lui lança en emplissant de nouveau son assiette :
– «Bon appétit Jacky !»
– «Eh ! Ne bouffe pas tous les œufs.»
A vrai dire, il y en avait suffisamment, et c’est avec délice qu’il trempa ses mouillettes, dans les jaunes à peines cuits. Tout en dégustant un blanc grillé dessous, doux et gluant dessus, une idée envahissait son esprit. Tout en savourant ce mélange à la fois croustillant et moelleux, il songeait à Georges Tassart.
– «Dis-donc Meg ?»
– «Oui ?»
– «Georges Tassart …»
– « Quoi Georges Tassart ? »
– «Il ne se manifeste plus !»
– «Et tu t’en plains !»
– «Non ! Mais tu ne trouves pas ça bizarre ?»
– «Si, tu as raison. Jeudi et vendredi derniers, il fait tout son possible pour nous supprimer, et depuis plus rien, pas de nouvelles, si j’ose dire. Remarque, six morts en deux jours : deux flics, une croqueuse de salade et trois malfrats de ses amis, il veut peut-être souffler le Jojo, surtout avec deux poulets froids dans la mayonnaise. Il se méfie: le Tassart dine à l’huile ! (Merci Jazzy !) Il sait que la maison « poulaga » va remuer le ciel, la terre et la merde s’il le faut, pour flinguer les coupables et faire les sommations après. Alors pour le moment, le beau Georges, il fait le gros dos et il attend pour voir !»
– «Espérons que tu sois dans le vrai, ma grande !»
– «Ouais, espérons ! En attendant, dépêche-toi ! Pendant que tu termines ton repas, je monte chez-moi chercher des convaincants.»
Il a juste le temps de prendre un dernier bout de pain pour essuyer son assiette, un petit coup de rouquin pour la route, et Meg réapparaît chargée de deux flingues. Elle en met un dans la poche de sa veste et lui tend l’autre.
– «Tiens Eddy, prends un composteur. On ne sait jamais !»
– «Tu crois qu’il peut y avoir du grabuge ?»
– «Looser était en cheville avec Georges Tassart, ça ne doit pas être un enfant de chœur ! On n’a pas le droit de mollir, il faut lui foutre les jetons, et si besoin est, lui en mettre plein la gueule. Il n’y a qu’une d’alternative, ou il crache le morceau, ou il crache ses dents !»
– «Ou les deux …»
– «Ou les deux ! Allez prends cette pétoire.»
Il saisit l’objet, l’examine et le glisse sur son ventre, dans sa ceinture de pantalon. Il se sent un autre homme avec une arquebuse sur le bide.
Il a l’impression que ce soir, il ne va pas falloir trop le faire chier. Rapidement, comme dans les films policiers, il sort le calibre, vise un ennemi imaginaire et réintègre le crache bastos !
– «Tu sais Eddy, ça part tout seul ce machin-là ! Si tu continues, tu pourras passer une petite annonce du genre : «A vendre: carton de préservatifs neuf, pour cause de double emploi avec bande Velpeau».
Ayant la sensation d’avoir frisé la catastrophe, il retire délicatement le revolver de son « bénouze », et sagement, comme Meg, le coule dans la poche de son blazer.
A suivre …
Ah le pauvre en planque façon gens de la cloche mais en même temps on ne s’en méfie pas… bises, jill
Quel plaisir chaque jour ta page de lecture
Merci
Déjà mercredi !
Ils ne manquent vraiment pas d’imagination ces deux-là !
Quelle catastrophe vont-ils encore produire ?
A suivre…
J’ai cru que j’avais loupé un épisode, mais non, c’était une feinte ! Tu me fais bien rire !
Je n’aurai pas aimé faire le SDF, pouah!
Le suspens continue, quand allons-nous savoir ???
Bises et belle journée
Bonjour Zaza .
Il fait froid ce matin , c’est normal pour la saison , mais j’ai connu plus froid à cette époque de l’année .
J’espère que tout va comme tu veux ce matin et que tu as bien commencé cette nouvelle année .
Maintenant il reste a fêter les Rois . Moi , je vais faire des galettes pour faire plaisir à toute la famille .
Je te souhaite un bon Mercredi .
Bisous de nous deux .
Bonne journée ZAZA !
Biz
Je vais faire attention à ceux qui sont devant Netto à faire la manche , mais je ne suis pas MEG hihihihii tu es impayable bonne journée bises ma ZAZA
Bravo pour l’infiltration, très réussie et on se dit que ça doit être terrible…
J’ai bien ri avec « les armes « d’Eddy et Meg qui le chambre, c’est excellent, prenant, coquin, on adore! Merci Zaza et gros bisous, belle journée
Cendrine
Bonjour Zaza
Quelle histoire ! les description sont superbes, j’ai encore bien rit. Franchement en ce moment par chez nous, ils jouent l’inscrustes juste devant le magasin.En plus jeunes la quarantaine…Chez nous le maire est venu en aide, mais peine perdu, au bout de quatre ans, ils sont retournés mendier dans la rue. Il faut savoir que certains se complaisent dans cet état ce sont bien souvent des marginaux.
Merci pour ton beau texte.
bisous
Va falloir faire même attention à ceux qui font la manche, à présent avec toi. Je te souhaite une belle journée et attends la suite avec délice. Bises du mercredi
comme quoi il peut être dangereux de jouer avec des armes à feu, un homme averti en vaut deux !
Vont-ils y arriver ? Suspense… Ah, le coup du Tassart-dine ! Chris
Bonjour, elle est pas gentille avec le mendiant, la dame ! je te souhaite une bonne soirée, bisous
Meg a vraiment des idées sensas mais c’est son pauvre copain qui en fait les frais !
coucou
nous avons tout eu aujourd’hui : brouillard givrant verglas , neige et maintenant pluie tout un panel de ce que peut nous offrir l’hiver
quelle joie !!!!!
bonne soirée
bisoussssssssss
Je crois qu’elle lui fait faire tout ce qu’elle veut pour arriver à ses fins
Un bon choix, Patrick Bruel pour tes chansons Bisous
Nous avançons dans ton roman…
Je n’ajoute rien, mais j’aime.
Re-coucou Zaza
Ouch ! je ne verrai plus les SDF de la même manière ! surtout s’ils portent biceps ravageurs et armes de combat !!!
Curieux de lire un roman à l’envers…
Bises
Ton portrait de la concierge un régal , on se l’imagine vraiment bien .
Merci pour le clin d’œil dans l’épisode , je me suis dit mince qu’est que je viens faire dans l’histoire avant de lire .
Bon maintenant il n’y a plus qu’à attendre que Georges se réveille je file lire la suite