La bourse, la serviette et le manteau – 2/5 … !!!

Dans la série des contes & légendes de basse-Bretagne

 Selaouit holl, mar hoc’h eus c’hoant,
Hag e cleofot eur gaozic koant.
Ha na eûs en-hi netra gaou
Mes, marteze, eur gir pe daou :
******
Écoutez tous, si vous voulez,
Et vous entendrez un joli petit conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonge,
Si ce n’est peut-être un mot ou deux.

Il se rendit tout droit chez son frère le laboureur.

— « Te voilà donc de retour, mon frère ? » lui dit celui-ci.
— « Oui, mon frère, je viens te voir. »
— « Je suis heureux de te revoir. Tu me raconteras tes voyages et tes aventures. Et ta bourse, tu l’as toujours ? »
— « Hélas ! Non, je ne l’ai plus. »
— « Qu’en as-tu donc fait, malheureux ? »
— « Je me la suis laissé prendre sottement, mon frère. »
Et il lui raconta comment le tour avait été joué !
— « C’est bien fâcheux », reprit le laboureur. « Mais, puisque la chose est faite et que nous n’y pouvons rien, reste avec moi, ici, où tu seras comme chez toi. »
— « Il faut que je recouvre ma bourse. Je n’aurai de repos que lorsque je la tiendrai de nouveau, et tu peux m’y aider beaucoup. »
— « Comment cela, mon frère ? »
— « En me prêtant ta serviette. »

 — « Te prêter ma serviette ! Mais, songe donc qu’elle m’est indispensable, pour nourrir mes gens. »
— « Rends-moi ce service, je t’en prie ! Prête-la-moi, pour quelques jours seulement, et sois sans inquiétude, je te la rendrai, sûrement. »
Le laboureur donna sa serviette au clerc, et celui-ci partit aussitôt pour Paris.
Il descendit au même hôtel que la première fois.
Il fit merveille avec sa serviette, et, grâce à lui, son hôte n’eut plus besoin de s’occuper de sa cuisine, ni de sa cave, la serviette merveilleuse pourvoyait à tout.
Au bout de quelques jours, le clerc manifesta l’intention de retourner au palais du roi.
— « N’allez pas commettre cette imprudence », lui dit son hôte, « ou du moins laissez-moi votre serviette. »
— « Non », répondit-il, « j’irai et j’emporterai ma serviette. »
Et il alla, en effet, non pas vêtu comme un prince, cette fois, mais, comme un cuisinier qui cherche condition.
Il demanda au portier :

— « N’a-t-on pas besoin d’un bon cuisinier, au palais ? »
— « Ma foi si ! » répondit le portier, qui ne le reconnut pas. « Il en est parti un, ce matin même, et je pense qu’on ne demande pas mieux que de le remplacer promptement. Allez parler au maître cuisinier. »

Il se rendit à la cuisine, parla au chef et fut reçu à l’essai.
On le mit à l’épreuve immédiatement, et on n’était guère content de lui.
On allait même le congédier, quand un jour qu’il devait y avoir un grand repas au palais, et que tout le monde était sur les dents et perdait la tête, dans les cuisines royales, il dit au chef et à tous ses employés, jusqu’aux simples marmitons :
— « Allez tous vous promener, et laissez-moi seul; je me charge de tout, et le repas que je servirai n’en sera pas plus mauvais, croyez-m ’en. »
— « Pauvre imbécile ! » répondit le chef, en haussant les épaules.
Mais, comme il insistait :
— « Réponds-tu de tout, sur ta tête ? » lui demanda-t-il.
— « Je réponds de tout, sur ma tête. »
— « Eh bien ! Soit, et tire-toi d’affaire comme tu pourras. »
Et chefs et marmitons allèrent se promener en ville, et le laissèrent seul à la cuisine.
Un peu avant l’heure du dîner, le clerc se rendit à la salle à manger, étendit sa serviette sur la table et dit :
 — « Serviette, fais ton devoir ! Je désire voir, à l’instant, sur cette table, un repas magnifique et dont le roi et ses convives seront émerveillés. »
Ce qui fut fait aussitôt que dit.
La table se couvrit par enchantement d’une profusion de mets exquis, qui répandaient dans la salle et tout le palais un parfum délicieux, et des meilleurs vins et liqueurs de tous les pays.
Jamais le roi ne dîna aussi bien que ce jour-là.
Aussi, fit-il venir son maître d’hôtel, pour le féliciter, devant tout le monde.

Celui-ci reçut les compliments, comme s’ils lui étaient dus, et désormais, il abandonna au nouveau venu le soin de la table royale, puisqu’il s’en tirait si bien, et lui en laissait tout le mérite.
Ce fut alors, tous les jours, des festins copieux et exquis, si bien que le roi et toute la cour mangeaient énormément, sans avoir jamais d’indigestion, pourtant.
Cependant, la femme de chambre de la princesse avait cru reconnaître l’homme à la bourse enchantée dans le nouveau cuisinier.
Elle l’observa de près et, s’étant cachée, un jour, dans la salle à manger, elle le vit servir la table et surprit son secret.
Elle courut faire part de sa découverte à sa maîtresse.

— « L’homme à la bourse est encore dans le palais ! lui dit-elle. »
— « Est-ce vrai ? »
— « Oui, je l’ai vu, et c’est à lui que vous devez tous ces excellents repas que vous faites, depuis quelque temps. Il a, cette fois, une serviette merveilleuse, et il lui suffit de l’étendre sur la table et de dire : « Serviette, fais ton devoir ! » pour que aussitôt la table soit magnifiquement servie, sans qu’il s’en mêle autrement. »
— « En vérité ?… Il faut lui dérober aussi sa serviette. »
 — « Je m’en charge, car je sais où il la met. »
La nuit, quand tout le monde fut couché et dormait, au palais, la femme de chambre descendit tout doucement dans la salle à manger, prit la serviette magique, dans un tiroir où le clerc l’enfermait, en mit une autre à sa place, et la porta à sa maîtresse.
Alors, pour s’assurer de leur réussite, les deux femmes étendirent la serviette sur une petite table, et demandèrent qu’on leur servît un petit souper fin pour deux.
Ce qui fut fait, aussitôt que dit.
Le tour était encore bien joué, et leur joie était extrême.
Le lendemain matin, à l’heure du déjeuner le clerc, qui ne se doutait de rien, vint, comme à l’ordinaire, pour préparer la table.
Mais, il eut beau chercher sa serviette, il ne la trouva point !
— « Hélas ! » se dit-il, en constant, « je suis encore joué ! Ma foi, tant pis ! Le roi déjeunera ou ne déjeunera pas, aujourd’hui, peu m’importe, et je vais déguerpir, au plus vite. »
Et il partit, sans rien dire à personne, et se rendit, cette fois, chez son autre frère, le prêtre.

— « Bonjour, mon frère le prêtre », lui dit-il, en arrivant chez lui.
— « Bonjour, mon frère le clerc, je suis bien aise de te revoir; as-tu réussi, dans tes voyages et reviens-tu riche ? »
— « Hélas ! Non, mon frère; jusqu’à présent, je n’ai pas eu de chance, et je viens te prier de me venir en aide. »
— « Que puis-je pour toi, mon frère ? »
— « J’ai été à la cour du roi, et on m’y a volé ma bourse, d’abord, puis, la serviette de notre frère le laboureur, qui avait bien voulu me la prêter. Je viens te prier de me prêter aussi ton manteau, afin de reconquérir avec lui et ma bourse et la serviette de notre frère. »

— « Je ne te prêterai pas mon manteau. Tu te le ferais aussi prendre, comme la bourse et la serviette. Je l’ai reçu de notre père, à son lit de mort, comme tu le sais, et je ne m’en dessaisirai pas, pendant que je serai en vie. »
Mais, le clerc insista et pria si bien le prêtre, que celui-ci finit par lui confier son manteau, en lui faisant promettre de le lui rendre, sans tarder …

A Suivre …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

27 réflexions sur « La bourse, la serviette et le manteau – 2/5 … !!! »

  1. …mince alors, le voici qui récidive encore! il n’aura donc jamais fini?
    Bises du jour
    Mireille du Sablon

  2. Les deux autres frères sont de pauvres idiots, je n’aurai jamais prêté ni ma serviette, ni mon manteau à ce gros bêta!
    Bises et belle journée

  3. La prudence des frères mélée à de la gentillesse ne tient pas beaucoup devant le beau parleur.
    La mâtine serveuse est bien maline
    Mais attendons la suite avec ses rebondissements
    Bisous Zaza

  4. J’avais raté la 1ère partie que je me suis empressée de lire pour vite passer à la 2e. Un très beau conte, Zaza dont j’ai hâte de connaître le dénouement. Notre clerc a intérêt à se montrer prudent cette fois.

  5. Bonjour Anne, il fait vraiment n’importe quoi, ses frères sont trop gentils , comment cela va-t-il finir? à te suivre… Bisous MTH

  6. Ah non, il m’énerve ce jeune blanc bec, non content de se mettre dans l’embarras, il n’hésite pas à léser ses frères. J’attends la suite. Merci et bises

  7. Aie Aie Aie les imprudents ! avec un tel lascar si peu futé, il ne faut point prêter… Leurs beaux jours vont connaître une fin fatale ??? Un peu bcp intéressée, la Princesse ! et sa soubrette fort honnête… Elle aurait pu se les approprier pour elle-même !
    Merci Zaza… Je vais avoir du mal à lire la suite, car nous partons qqs jours en Normandie, puis en Bretagne… chercher le frais !
    Bcp de bisous et à plus

  8. Oh! ça c’est certain, le manteau n’reviendra point, dame!
    Est-ce que tu englobes Nantes dans ta Basse Bretagne? je suis nantaise d’adoption. Arrivée à 10 ans et maintenant 77 ans!
    A bientôt la suite, bisous!

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