La Déesse
J’adore la Mythologie,
Sa science en fleurs, sa magie,
Ses Dieux… souvent si singuliers,
Et ses Femmes surnaturelles
Qui mêlent leurs noms aux querelles
Des peuples et des écoliers.
Cachés parfois dans les nuages,
Leurs noms luisent… sur nos voyages.
J’ai vu leurs temples phéniciens ;
Et je songe, quand bat la diane,
Involontairement à Diane
Battant les bois avec ses chiens.
Tenez, Madame, je l’adore
Pour une autre raison encore :
C’est qu’elle offre à tous les amants,
Pour leur Belle entre les plus belles,
Des compliments par ribambelles
Dans d’éternels rapprochements.
Car toutes, ce sont des Déesses,
Leur inspirant mille prouesses
Dans le présent et l’avenir,
Comme dans le passé… farouche ;
Je me ferai casser la… bouche
Plutôt que n’en pas… convenir !
Mais Vous, Madame, l’Immortelle
Que vous êtes, qui donc est-elle ?
Est-ce Junon, Reine des Dieux,
À qui le plus… joyeux des Faunes,
Son homme en faisait voir de jaunes,
Étant coureur de… jolis lieux ?
Avec son beau masque de plâtre
Et sa lèvre blanche, idolâtre
D’Endymion, froid sigisbé,
Qui, dans sa clarté léthargique,
Dort au moment psychologique,
Est-ce la Déesse Phœbé ?
Foutre non !… Vous voyant si belle
Je dirais bien que c’est Cybèle,
S’il n’était de ces calembours
Qu’il faut laisser fleurir aux Halles…
Pourtant ces jeux pleins de cymbales
Égayaient Rome, et les faubourgs…
Je me hâte, est-ce Proserpine,
Reine des enfers ? quelle épine
Ce serait dans mon madrigal,
Sacré nom de Dieu !… ça vous blesse ?
Eh ! bien ! Sacré nom de Déesse !
Si vous voulez, ça m’est égal !
Je vous servirais Amphitrite
Comme on sert bien frite ou peu frite
Une friture de poissons,
Sans le : « Perfide comme l’onde »,
Car, vous avez pour tout le monde
Le cœur le plus loyal… passons.
Oui, passons ta plus belle éponge
Sur ces noms, Neptune ! eh ! j’y songe :
Pourquoi prendrais-je… trop de gants ?
À contempler votre visage
Plus doux qu’un profond paysage,
Ton galbe des plus élégants,
Vous êtes ?… Vous êtes ?… Vous êtes ?…
Je le donne en deux aux poètes,
Je le donne en trois aux sculpteurs,
Je le donne en quatre aux artistes,
En quatre ou cinq aux coloristes
De l’École des amateurs…
Puisqu’il faut que je vous le… serve,
Vous êtes Vénus, ou Minerve…
Mais laquelle, en réalité ?
Oui, la femme à qui je songe, est-ce
Minerve, ce Puits de Sagesse,
Ou Vénus, Astre de Beauté ?
Êtes-Vous puits ? Êtes-Vous Astre ?
Vous un puits ! quel affreux désastre !
Autant Te jeter dans un puits,
La plaisanterie est permise,
Sans Te retirer ta chemise,
Le temps de dire : Je Te suis.
Vous seriez la vérité fausse,
Qui tient trop à son haut-de-chausse,
Tandis que l’Astre de Beauté
C’est la Vérité qui ne voile
Pas plus la femme que l’étoile,
La véritable Vérité.
Vous êtes Vénus qui se lève
Au firmament ; mais… est-ce un rêve ?
Où ?… Je Vous vois… rougir… un peu,
Comme si je disais des choses…
Où si j’allais sans fins ni causes
Répéter : Sacré nom de Dieu !
Vous rougissez… oui, c’est le signe
Auquel on connaît si la vigne
Et si la femme sont à point :
C’est Cérès aussi qu’on vous nomme ?
Tant mieux ! Sacré nom… d’une pomme !
Pour moi je n’y contredis point.
Non ?… ce n’est pas Cérès ? bizarre !
Cependant, Madame, il est rare,
Rare… que je frappe à côté.
Quelle est donc, voyons ? par la cuisse
De Jupin ! la femme qui puisse
Ainsi rougir de sa beauté ?
Ce n’est pas Bellone ? la Guerre,
Nom de Dieu ! ça ne rougit guère…
Qu’un champ,… un fleuve… ou le terrain ;
Ce n’est pas Diane chasseresse,
Car cette bougre de Bougresse
Doit être un démon à tous crins !
Serait-ce ?… Serait-ce ?… Serait-ce ?
Minerve ? Après tout, la Sagesse
Est bien capable de rougir ;
Mais ce n’est qu’une mijaurée,
Les trois quarts du temps éplorée
Et qui tremble au moment d’agir…
Tiens ! Cependant, ce serait drôle !
Je percherais sur ton épaule,
Je me frotterais à ton cou,
Je serais votre oiseau, Madame,
J’ai les yeux ronds pleins de ta flamme
Et plus éblouis qu’un hibou…
Voilà deux heures que je cherche,
Personne ne me tend la perche :
C’est donc une énigme, cela ?
Oui… quant à moi, de guerre lasse,
Madame, je demande grâce ;
Tiens ! Grâce !… et pardieu ! la voilà !
C’est la Grâce, oui, c’est bien la Grâce,
La Grâce, ni maigre ni grasse,
Tenez, justement, comme Vous !
Vous êtes, souffrez que je beugle,
Vénus l’Astre qui nous aveugle,
Et la Grâce qui nous rend fous.
Et si quelqu’un venait me dire
Qu’elles sont trois, je veux en rire
Avec tout l’Olympe à la fois !
Celle du corps, celle de l’âme,
Et celle du cœur, oui, Madame,
Vous les avez toutes les trois.
Vous êtes Vénus naturelle,
Entraînant un peu derrière Elle
Les trois Grâces par les chemins,
Comme Vous-même toutes nues,
Dans notre Monde revenues,
Vous tenant toutes par les mains.
Vénus, née au bord de la Manche,
Pareille à l’Aphrodite blanche
Que l’onde aux mortels révéla ;
Au bord… où fleurit… la Cabine :
Sacré nom… d’une carabine !
Quel calibre Vous avez là !
Germain Nouveau – (1851-1920)
Recueil : Valentines (1885).
Germain Nouveau (1857-1920), ami et collaborateur de Charles Gros, Rimbaud et Verlaine a traversé plusieurs crises mystiques proches de l’aliénation et mourut d’un jeûne trop prolongé entre le Vendredi Saint et Pâques 1920.
Il n’est pas seulement l’auteur de La Doctrine de l’amour ou d’Ave Maris Stella, et son recueil de 50 poèmes érotiques Valentines (posthume comme tout ce qu’il a écrit), plein d’humour et de légèreté, est très original.
Germain Nouveau, je ne sais si j’avais déjà lu quelque chose de la plume… waouh bien inspirée !! Diable oui… j’aime, merci Zaza, bon mardi, bises
Une découverte pour moi, Zaza , merci pour cela !
Bon mardi tout entier,
Bises♥
Il est formidable ce poème, il célèbre si bien la femme Déesse, émanation des Antiques Divinités!
Une écriture brillante, beaucoup de charme en ces mots, merci pour ce choix de poésie, le plaisir de lecture est au rendez-vous et il est intense!
Gros bisous et pensées douces ma Zaza, que ta journée soit belle surtout
Cendrine
Merci pour ce choix
Je découvre
Une belle découverte que ce poème sur les Valentines !
Une très jolie découverte que ce poème mythologique, bon mardi, bisous !
Merci pour cette découverte.
Belle et douce journée
Je ne connaissais pas cet auteur et je suis séduite pas le charme et l’ironie de ce merveilleux poème. Un joli choix. Gros bisous, ma Zaza
Coucou Zaza, une belle découverte bisous MTH
Il était bien inspiré par la mythologie, il n’en a pas perdu une miette…
Un poème un peu long, mais c’était ainsi à l’époque… Chris
Une découverte pour moi merci Zaza
Bisous et douce journée sous la pluie et la fraicheur
un bel hommage à des dieux qu’on a écarté, ce XIX ème siècle nous propose beaucoup de talents …
Merci Zaza pour cette découverte en poésie , qui nous entraîne dans l’univers de la mythologie . Je lis pour ce jeune mortel , c’est incroyable cette crise mystique allant à cette extrémité .
Bon mardi
Bises
je vois bien ce poète déclamé sous le ciel Grec tiens je l’imagine même….Bisous Zaza joli trouvaille
…ouh la la, quelle envolée, Germain Nouveau je ne connaissais pas ! quelle plongée dans la mythologie ! merci Zaza bon choix, amities et bises
Un très beau choix qui en ce jour de la fête des mères met les femmes à l’honneur.
Oui comme dit Renée en dessus je te vois bien clamer ce poème en Grèce.
Des bisous
Maryse
Je ne connaissais pas ce poète ; de l’humour, ah oui et il sait manier la plume et partager son savoir.
Bises et merci.