Défi N° 223 chez Evy … !!!

Défi n°223 – Thème «  Grandiose »
Et, où aux choix « Grandiose, Remarquable, Intrigués, Aménagé, Belvédère, Diversité, Miroiter, Vagabonde, Pliant, Gorge… »

Il y a de cela une bonne cinquantaine d’années… !

La Manche somnolait dans le feu du couchant.
En compagnie d’un ancien du voisinage, tout plié de vieillesse, nous nous rendons, intrigués, sur la dune, dans l’Est de mon île, en ce soir de St-Anne pour retrouver la population îlienne, certainement des descendants de druides du pays de Tristan.

La charrette toute décorée nous avait véhiculés pour assister au Tantek, grandiose feu de joie allumé par le prêtre de cette commune léonarde.

Ce dernier nous abreuvait de ses prêches à la gloire d’Anne, Sainte Patronne des marins de l’île. 
La diversité des légendes celtiques, des pierres dressées de la côte léonarde, mais aussi du cairn de Barnenez, mêlés au petit peuple des fées, korrigans et farfadets nous intéressaient beaucoup plus que le prêche du recteur.
Sans compter le dragon qui terrorisait l’île et que Saint-Paul-Aurélien, en 525 après J.C. terrassa.

Il lui passa son étole autour de la gorge, l’entraînant dans le nord de l’île pour le précipiter dans les flots.

Nous ne prêtions qu’une attention polie aux paroles du prêtre, captivés par ce belvédère qui surplombait la mer.
Le jour s’étirait, prolongeant une victoire remarquable sur la nuit.
Pas un bateau en vue. Notre voisin nous le fit remarquer.
Les eaux, plus porphyre que turquoise, frissonnaient à peine, traversées de courants, alors que le soleil saignait lentement à l’horizon, ses rayons se miroitant dans l’onde. 

Une accalmie suspecte, un silence oublié !

Quelques goélands vagabonds zébraient les vagues tranquilles et leur fulgurance argentée s’imprimait un temps sur nos rétines. Ils savouraient, comme nous, ces instants magiques suspendus entre terre et mer, à la frange indistincte du jour et de la nuit.
La Manche somnolait mais son cœur palpitait.

Soudain, alors que le soleil se noyait aux mystères des abîmes, nous entendîmes, perplexes, puis ébahis, un tintement de cloches…
Aussitôt, les anciens exaltés s’agenouillèrent en psalmodiant :
– « Saint-Pol-Aurélien ressuscite ! Le glas…ce sont les cloches du monastère ensablé sous les ruines de la chapelle Sainte Anne ! »

Et la cité de légende nous apparut, aménagée comme à l’époque, effaçant les ruines de la chapelle Saint-Anne.

L’image ne dura qu’un instant.
Déjà, nous nous efforcions de donner une explication rationnelle à cet étrange phénomène. À nos yeux incrédules, il ne pouvait s’agir que d’une illusion. Mais pourtant, je le jure, le glas du monastère, nous l’avons entendu.
Étions-nous étourdis par le spectacle majestueux et fantastique des forces de la nature ?
Avions-nous franchi le seuil de cet « Autre Monde » ?
Entraînés, sans que nous en ayons eu conscience, dans cet univers de mythes et de merveilles, peuplé de Dames fantomatiques, d’animaux fabuleux, tel ce terrible dragon, mais aussi de colères célestes.

Repartis sur le quartier du phare, en compagnie de notre voisin, ce dernier se fit « nouveau » prophète, révélant ce qu’il nommait miracle et annonçant à tout vent que la ville ensablée ne tarderait pas à émerger, et que le dragon reviendrait terroriser l’île !
Et certains jours, je suis prête à le croire, quand ciel et mer se confondent et absorbent les dunes de mon île sous la brume flottante.

Alors, oui, je vibre d’émotion au souvenir de la magie de cette nuit si particulière.