Chez la gardienne !
Dans la cour, la loge était fermée. Un écriteau indiquait:
« Je reviens de suite ! Signé : la gardienne »
Une petite fille sur son vélo rouge, pédalait toujours, en rond, d’arrache-pied.
De temps à autre, sa sandalette glissait du pédalier. Ce brusque appui sur le vide inconsistant, induisait une embardée clownesque, que la gamine contrôlait tant bien que mal.
Ses tibias, bleuis par endroits, indiquaient que l’apprentissage de ce mode de locomotion, ne s’était pas passé sans heurt.
Jacky décida de lier connaissance.
– «Bonjour, comment t’appelles-tu ? Tu ne veux pas me dire quel est ton prénom ?»
– «Nan !»
– «Pourquoi ?»
– «Maman veut pas que j’pale à des trangers.»
– «Des trangers ?»
– «Voui, des pas d’ici, comme toi.»
– «Des étrangers ?»
– «Voui, des trangers !»
– «Ta maman, c’est la concierge ?»
– «Nan, maman, l’est pas concège. L’est gadienne !»
– «Et elle va revenir bientôt ?»
– «Chais pas… Elle est patie chez le fa … fa …»
– «Facteur ?»
– «T’es bête, toi ! On va pas chez le fateur … C’est lui qui vient ici… Tous les jous.»
– «Ben alors ? Elle est où ta maman ?»
– «Chez le fama … fama …»
– «Pharmacien ?»
– «Voui ! Le phamachien, avec mon fère.»
– «Il s’est fait bobo ton frère ?»
– «Nan, il s’est fait mal à la main.»
– «Ah! Tu m’en diras tant ! Tu en as un beau vélo, il est à toi ?»
– «Voui, à moi. C’est maman qui m’a acheté.»
– «Pour Noël ?»
– «Tu connais rien, toi ! A Noël, c’est pas maman qui achète. C’est père Noël qui fait cadeaux.»
– «Un beau vélo comme ça ! On te l’a offert lors d’une grande occasion.»
– «Voui.»
– «Pour ton anniversaire ?»
– «Nan, pas pou mon niversaire.»
– «Pour ta fête ?»
– «Nan, pas pou ma fête.»
– «Ben pour quoi, alors ?»
– «Pou ma leucémie.»
Sur le cul, le Jacky ! Au sens propre !
Il tombe assis sur une margelle en pierre, vestige d’un ancien puits. Meg en fait autant. La gosse continue sa ronde hésitante, en appuyant sur les manivelles de sa bicyclette.
Les mots sont bloqués dans sa gorge.
Par contre, il est sur le point de lubrifier ses quinquets. Il se mord la lèvre inférieure pour ne pas chialer.
Tout à coup, la gamine fait un écart, volontaire, vers le porche. Le brusque changement de direction fait voler son chapeau de paille, découvrant un petit crâne chauve.
Jacky révolté par la maladie de cette petite était furieux et jurait dans sa barbe.
– «Notre père qui êtes aux cieux ! T’es vraiment un sans cœur.
- Qu’est-ce qu’elle t’a fait la petiote ?
- Elle n’a pas été sage à l’école ?
- Elle a dit des gros mots ?
- Tu prends ton pied quand on lui fait de la chimio ?
- T’es le plus grand menteur que je connaisse ! C’est bien la peine de nous commander de ne pas avoir d’autre Dieu que toi puisque tu es incapable se soulager cette enfant !»
– «Maman, maman, y a des gens qui veu te voi !»
Une femme, d’environ trente ans, entre dans la cour. Elle est mince, belle, mais les soucis ont déjà attaqué son visage. Elle est pâle, ses yeux fiévreux, agrandis par des cernes bleu nuit, cherchent refuge dans de profondes orbites.
Ses vêtements sont quelconques mais d’une propreté irréprochable. Elle traîne à son coté un gamin d’une dizaine d’années, qui a deux particularités.
- La première : un gros pansement emmaillote sa main droite.
- La deuxième : il est trisomique.
Jacky continua sur sa lancée d’invectiver Dieu.
– «Franchement, «notre père» tu l’as gâté cette famille ! Remarque, moi non plus je n’aime pas les pauvres, mais je n’ai pas tes pouvoirs. Alors, un petit geste de temps à autre, soulagerait tellement l’injustice de ces enfants gravement malades !»
– «Papa ! Papa !» Hurle le gamin, en se ruant sur Jacky.
Il lui saute au cou et lui embrasse, avec fougue, les joues, les yeux, les oreilles, la bouche !
– «Tu m’avais caché ça.» Jubile Meg.
Il essaie en vain d’échapper à cet enfant victime d’un chromosome 21 surnuméraire qui lui roule des pelles. Heureusement, sa mère se précipite et d’une voix douce, apaisante, calme le forcené.
– «Léon, laisse le monsieur.»
– «Papa, papa.»
– «Non Léon, pas papa ! Papa au ciel, avec le bon dieu. Excusez-le monsieur, il vous a pris pour son père.»
– «Ce n’est pas grave.» Dit-il en s’essuyant la figure avec un kleenex. «Je ressemble sans doute à votre défunt mari.»
– «Non pas du tout, mais Léon n’est pas très physionomiste.»
Le garçonnet s’est détourné de lui. Il regarde maintenant Meg avec insistance.
Il ne doit pas être de tout repos ce gamin, car, sans prévenir, il ramasse le chapeau de sa sœur et essaie de l’enfiler sur la tête de Meg. Ses gestes sont brusques et le galurin trop petit. Toujours en douceur, la mère récupère le couvre-chef et son gamin.
– «Vous vouliez peut-être un renseignement ?» Leur demande la gardienne.
– «Oui,» répond Meg, «mais c’est délicat et …»
– «Voulez-vous entrer dans ma loge ? Nous y serons mieux pour parler.»
Ils entrèrent. Bien qu’elle soit sombre, la pièce est accueillante. Après leur avoir offert des sièges, leur hôtesse leur propose un cordial.
– «Désirez-vous un verre de quintonine ? Je la fais moi-même.»
– «Volontiers.» Répondirent-ils en chœur ! »
L’aimable concierge dispose des verres sur la table, sort une bouteille d’un buffet Henri II, et verse dans les godets un breuvage rougeâtre.
– «Madame,» attaque Meg, «je serai franche avec vous. Mon ami et moi, nous enquêtons sur …»
– «La mort de la petite de Maragne ?»
– «Oui ! Pourquoi pensez-vous tout de suite à cette affaire ? » Demanda Jacky.
– «Ben … parce que c’est la seule qu’il n’y ait jamais eue ici !»
Meg lui jette un regard noir du style :
«Si c’est pour dire des conneries, il vaut mieux que tu te taises».
Il reçoit le message cinq sur cinq et laisse sa gracieuse poursuivre, seule, l’interview.
– «Vous étiez déjà gardienne de l’immeuble, lorsque le double crime a eu lieu ?»
– «Oh oui ! Cela fait dix ans que je suis ici. Au fait la police n’a jamais trouvé les assassins ?»
– «Non jamais ! C’est pour cette raison », mentit un peu Meg que les parents de Ghislaine, nous ont demandé de résoudre cette affaire.»
– «Ah ! Les pauvres … vous parlez d’un grand malheur. Ce sont des gens riches, mais, comme on dit : «l’argent ne fait pas le bonheur».
– «Non hélas !» Reprit Meg surprise, comme Jacky, que cette femme, malgré ses propres peines, puisse s’apitoyer sur le sort des autres.
– «Remarquez que le malheur, c’est la seule chose de juste sur la terre. Il frappe tout le monde. Vous voyez, moi, avec mes enfants je … ! Mais, vous n’êtes pas là pour écouter mes jérémiades. Que puis-je donc pour vous ?»
– «Eh bien voilà ! Nous pensons mon collaborateur et moi, que les forbans qui ont trucidé Ghislaine et son ami, se sont trompés de cible.»
– «Comment ça ?»
– «Nous croyons qu’ils en voulaient au locataire du cinquième, et qu’ils se sont trompés d’étage.»
– «Le locataire du cinquième ? Mais il n’y a personne au cinquième.»
– «Aujourd’hui, mais en mai quatre-vingt-quatorze ?»
– «En mai quatre-vingt-qua … Mais oui ! Suis-je bête ! C’était monsieur Jacques !»
– «Monsieur Jacques comment ?»
– «Jacques Looser. Mais ce que je peux être gourde, j’avais oublié qu’il habitait au cinquième.»
– «En tout cas, vous vous êtes bien rappelée de son nom.»
– «Oh ça ! Ce n’est pas bien difficile, depuis qu’il est parti, je lui fais suivre son courrier.»
– «Hein ! Vous savez où il demeure ?»
– « Heu ! Non pas exactement. Je lui envoie poste restante.»
Le visage de la bignole se ferme un peu.
– «Vous pouvez nous dire à quelle poste ?»
– «C’est gênant, il m’a fait promettre de n’en souffler mot à personne.»
– «Je comprends, mais il ne faut pas oublier que c’est une affaire criminelle, et qu’il y a de fortes chances pour que ce Jacques Looser y soit mêlé. Pensez à la façon dont Ghislaine et Domino ont été torturés ! Pensez à leurs parents ! Il ne faut pas qu’un tel méfait reste impuni.» tenta de plaider Jacky.
– «Looser a quitté son appartement à quelle époque ?» Demanda Meg.
– «Hum ! Tout de suite après le crime.» Répondit la pipelette.
– «Vous voyez ! Je suis sûre que c’est lié. Madame, il faut absolument que nous retrouvions ce fameux Looser. Je suis persuadée qu’il connaît les assassins.»
– «Plus j’y pense et plus je crois que vous avez raison.» Lâcha la gardienne. «Je lui adresse son courrier au bureau de poste numéro soixante, 102, rue de la convention, dans le quinzième arrondissement. Mais surtout, ne dites pas que c’est moi qui vous ai donné ce renseignement. Je ne veux pas avoir d’histoires avec des gangsters.»
Ils la rassurèrent, la remercièrent et après avoir ingurgité la purge qu’elle nommait quintonine, ils prirent congé !
Le petit Léon, voulu une dernière fois embrasser son papa.
Jacky le laissa faire de bonne grâce. Il lui lécha la pomme goulument … Ils prirent ensuite congé de ce lieu et de ses occupants.
A suivre …
Séquence émotion avec ces deux enfants, merci Zaza, bon mardi, bises
Ah, la quintonine me rappelle bien des souvenirs d’enfance !
Bonne journée ZAZA, biz .
Une affaire qui repart sur les chapeaux de roue ! à suivre.
bonne journée, c’est la reprise ici !
On rit moins aujourd’hui avec cette famille dans la peine ! hélas, cela arrive trop souvent que certaines cumulent.
Mais l’enquête avance…
Bises amicales.
Moi aussi je t’envois des bisous poste restant hihihihi merci pour ta jolie carte ma douce bonne journée big bises
Youpi … si je puis m’exprimer ainsi j’ai réussi à tout lire … et alors ?… ben on reviendra pardi ! bisous en ce mardi il fait 0 mais pas de givre rien !
Allons bon! Voilà que çà se corse!
Jacques Looser un très joli nom pour un malfrat!
Bises et belle journée
Moi aussi ça me dit la quintonine
Tu en as de l’imagination et quel talent de narratrice
Bise et — à demain
Un passage qui prend un peu plus aux tripes …
Bonne journée Zaza
Bises
Tu nous as joué une séquence émotion pour le coup, mais je tiens bon… Gros bisous, ma Zaza et belle journée
on attend la suite …
Bonjour Zaza
Avant de connaitre la suite,une belle séquence émotion et la quintonine l’apéro du dimanche de mes grands parents ! Bonne journée bises
pov petite qui va à la chimio ! j’espère que tu vas la faire guérir !
quel talent, bravo !! bisous-
Une histoire qui suscite des émotions
Bonne journée Zaza
C’est triste aujourd’hui mais moins « sanglant » que les jours passés . Un peu de repos pour l’adrénaline !
beaucoup d’émotions
Beaucoup d’émotion avec cette famille confrontée à des choses si difficiles. La petite est très attachante, le petit aussi… Et la gardienne, une très jolie description de cette maman en plein combat. Excellente soirée Zaza et gros bisous
Cendrine
bonjour Zaza,
Eh oui …..cela rappel la jeunesse
http://img.over-blog-kiwi.com/1/49/04/14/20150402/ob_42e612_quintonine.jpg
Bonne soirée
amitiés
il faudra que je reprenne depuis le début … bonne année Zaza
ça y est, j’ai rattrapé mon retard de lecture! gros bisous ma Zaza, bonne année. cathy
Eh bien , là on rigole moins , toujours aussi prenante cette histoire c’est vraiment bien Zaza
Bonne soirée
Bisous
chere Zaza toujours aussi passionnante ton histoire, je suis parti au loin, mais j’ai continué de suivre !! je suis heureux de te retrouver apres mon retour ! et j’en profite pour te souhaiter, à toi et les tiens, une bonne et heureuse année, grosses bises
Bonsoir,
Que de malheur dans cette petite famille, mais ce n’est pas tout il y a un homme connu de la gardienne et un possible assassin…Ah je veux bien attendre demain pour en connaitre la suite qui sera certainement palpitante.
Je te souhaite une belle fin de journée
Bisous d’EvaJoe