La Groac’h de l’Île du Loc’h-2/3…!!!

le cygne

Houarn, qui n’avait jamais rien vu de pareil, s’approcha avec curiosité et entra dans la barque pour mieux la voir.

Mais, à peine y eut-il mis le pied, que le cygne eut l’air de s’éveiller. Sa tête sortit de dessous ses plumes, ses larges pattes s’étendirent sur l’eau, et il s’éloigna brusquement du rivage.

Le jeune homme poussa une exclamation d’effroi. Mais le cygne avança plus vite vers le milieu de l’étang.  Houarn voulut se jeter à la nage, alors l’oiseau enfonça son bec dans les eaux et plongea, en l’entraînant avec lui.

Le Léonard, qui ne pouvait crier sans boire la mauvaise eau de l’étang, fut forcé de se taire et parvint ainsi à la demeure de la Groac’h.

C’était un palais de coquillage qui surpassait tout ce que l’on pouvait imaginer. On y arrivait par un escalier de cristal fait de telle manière que, lorsqu’on y posait le pied, chaque marche chantait comme un oiseau des bois !

palais

Tout autour, on voyait d’immenses jardins où grandissaient des forêts de plantes marines et des pelouses d’algues vertes toutes parsemées de diamants au lieu de fleurs.

water-palace.jpg

La Groac’h était couchée dans la première salle, sur un lit d’or. Elle était habillée, d’une toile vert de mer, fine et souple comme une vague, ses cheveux noirs, entremêlés de corail, tombaient jusqu’à ses pieds, et son visage blanc et rose ressemblait, pour l’éclat, à l’intérieur d’un coquillage.

Houarn s’arrêta, tout ébloui de voir une créature assez attirante, mais la Groac’h se leva, en souriant, et s’avança vers lui.

groac'h

Sa démarche était si souple, qu’on eût dit un des flots blancs qui courent sur la mer. Elle salua le jeune Léonard.

– « Soyez le bienvenu », dit-elle, en lui faisant signe d’entrer. « Il y a toujours place ici pour les étrangers et pour les beaux garçons. »

Le jeune homme rassuré entra.

– « Qui êtes-vous, d’où venez-vous et que cherchez-vous ?  » ajouta la Groac’h.

– « On m’appelle Houarn », répondit le Léonard. Je viens de Lanillis, et je cherche de quoi acheter une petite vache et un pourceau maigre.

– « Hé bien ! Venez, Houarn », reprit la fée, « et ne vous inquiétez plus de rien, car vous aurez·tout ce qui pourra vous réjouir. »

Elle l’avait fait entrer dans une seconde salle tapissée de perles, où elle lui servit huit espèces de vins, dans huit gobelets d’argent sculptés. Houarn but d’abord des huit vins, et les trouva si bons, qu’il en rebut huit fois de chacun. Et à chaque tournée, il trouvait la Groac’h de plus en plus belle.

Celle-ci l’encourageait en lui disant qu’il ne devait point avoir peur de la ruiner, puisque l’étang de l’île du Loc’h communiquait avec la mer, et que toutes les richesses qu’engloutissaient les naufrages y étaient apportées par un courant magique.

– « Sur mon salut », dit Houarn, que le vin avait rendu gai, je ne m’étonne plus si les gens de la côte parlent mal de vous. Les personnes si riches ont toujours des jaloux ! Quant à moi, je ne demanderais que la moitié de votre fortune. »

– « Vous l’aurez si vous voulez, Houarn », répondit la fée.

– « Comment cela » ? demanda-t-il.

– « Je suis veuve de mon mari le korandon, » reprit-elle, « et, si vous me trouvez à votre gré, je deviendrai votre femme. »

Le Léonard fut tout saisi de ce qu’il entendait. Lui, se marier à la Groac’h qui lui semblait si belle après tous ces godets, dont le palais était si riche et qui avait de huit espèces de vins qu’elle laissait boire à discrétion !… Il avait, à la vérité, promis à Bellah de l’épouser, mais les hommes oublient facilement ce genres de  de promesses ! « Loin des yeux, loin du cœur », n’est-ce-pas!

Il répondit donc poliment à la fée qu’elle n’était pas faite pour qu’on la refusât, et qu’il y avait joie et honneur à devenir son mari.

La Groac’h s’écria alors qu’elle voulait préparer, sur-le-champ, le repas de la velladen (dernière entrevue chez la jeune fille). Elle dressa une table qu’elle couvrit de tout ce que le Léonard connaissait de meilleur (mais aussi des mets délicieux qu’il ne connaissait pas). Puis elle alla vers un petit vivier qui était au fond du jardin, et elle se mit à appeler:

– « Eh ! Le procureur ! Eh ! Le meunier ! Eh ! Le tailleur ! Eh ! Le chantre ! »

Et, à chaque cri, on voyait accourir un poisson qu’elle mettait dans un filet d’acier.

Lorsque le filet fut rempli, elle passa dans une pièce voisine et jeta tous les poissons dans une poêle d’or.

Mais il sembla à Houarn qu’au milieu des pétillements de la friture, de petites voix chuchotaient.

– « Qui est-ce donc qui chuchote sous la poêle d’or, Groac’h ?  » demanda-t-il.

– « C’est le bois qui pétille », dit-elle, en attisant le feu.

A table

Un instant après, les petites voix recommencèrent à murmurer.

– « Qui est-ce donc qui murmure, Groac’h ? » demanda le jeune homme.

– « C’est la friture qui fond », répondit-elle, « en faisant sauter les poissons. »

Bientôt les petites voix crièrent plus fort.

– « Qui est-ce donc qui crie, Groac’h ? » reprit Houarn.

– « C’est le grillon du foyer », répliqua la fée, en chantant si haut que le Léonard n’entendit plus rien.

Mais ce qui venait de se passer lui avait donné à réfléchir, et, comme il commençait à avoir peur, il commença à sentir des remords.

– « Jésus-Marie » ! Se dit-il, « est-ce bien possible que j’aie oublié si vite Bellah pour une Groac’h, qui doit être fille du démon ? Avec cette femme-là je n’oserai même pas faire mes prières du soir, et je suis sûr d’aller en enfer comme un langueyeur de porcs. »

Pendant qu’il se parlait ainsi, la fée avait apporté la friture, et elle le pressa de dîner, en lui disant qu’elle allait chercher pour lui douze nouvelles espèces de vins.

Houarn tira son couteau, tout en soupirant, et voulut commencer à manger. Mais, à peine la lame qui détruisait les enchantements eut-elle touché au plat d’or, que tous les poissons se redressèrent et redevinrent de petits hommes, portant chacun le costume de son état. Il y avait un procureur en rabats, un tailleur en bas violets, un meunier couleur de farine, un chantre en surplis, et tous criaient il la fois, en nageant dans la friture:

– « Houarn ! Sauve-nous, si tu veux toi-même être sauvé !

– « Sainte Vierge ! Quels sont ces petits hommes qui chantent dans le beurre fondu » ? s’écria le Léonard stupéfait.

– « Nous sommes des chrétiens comme toi », répondirent-ils. « Nous étions aussi venus à l’île du Loc’h pour chercher fortune, nous avons consenti à épouser la Groac’h, et le lendemain du mariage, elle a fait de nous ce qu’elle avait fait de nos prédécesseurs qui sont dans le grand vivier.

– « Quoi » ! s’écria Houarn, « une femme qui paraît si jeune est déjà la veuve de tous ces poissons ! »

– « Et tu seras bientôt dans le même état, exposé aussi à être frit et mangé par les nouveaux venus. »

Houarn fit un saut, comme s’il se fut déjà senti dans la poêle d’or, et courut vers la porte, ne songeant qu’à s’échapper avant le retour de la Groac’h. Mais celle-ci, qui venait d’entrer, avait tout entendu. Elle jeta son filet d’acier sur le Léonard qui se transforma aussitôt en grenouille, et alla le porter dans le vivier, ou se trouvaient déjà ses autres maris.

Alors qu’il était malmené par la Grouac’h, la  clochette qu’Houarn portait à son cou tinta d’elle-même, et Bellah l’entendit à Lanillis, où elle était occupée à écrémer le lait de la veille.

A SUIVRE

Il s’agit d’un conte adapté des contes et des légendes de Basse Bretagne d’Émile SOUVESTRE

 

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

25 réflexions sur « La Groac’h de l’Île du Loc’h-2/3…!!! »

  1. Merci à toi
    les légendes ce phénomène si mystérieux qui intéresse tant de monde
    Je crois que tu n’auras pas de galère , canablog est rétabli
    Bonne journée :)

  2. J’ai adoré… et c’est à l’heure de Morphée que chante la voix des contes sous la plume de Zaza!
    Cette rencontre est délicieuse et ambivalente à souhait…
    Charme de la fée, palais tissé de luxuriance, tentation qui se déploie et fait penser aux délices de Capoue… Une beauté dévoreuse versus le jeune homme en pleine quête… La suite promet!
    Tes descriptions sont magnifiques! On ressent tout…
    Merci ma Zaza
    Belle journée à venir, en espérant que nous ne grelottions pas trop et pensées qui ceux qui sont démunis dans le froid
    Gros bisous pour se réchauffer…
    Cendrine

  3. Bonjour ma petite Zaza…c’est une très belle histoire…
    Je suis venue te faire un ti coucou et t’offrir toute mon amitié en cette journée qui s’annonce glacial, ils annoncent un peu de soleil mais il fait très froid, il gèle à pierre fendre !
    Je te souhaite un magnifique mardi.. ♥

  4. Hihihi quel conte !!! j’espère ne pas voir de petit bonhomme lors de la cuisson de mon steack !! je vais faire attention tu es formidable
    houlala il a gelé entre nous hihihi -3 ce matin les pauvres cerisiers vont faire la tête et les producteurs plus encore , préparons nos porte -monnaies bon mardi couvres -toi bien bisous qui réchauffent 

  5. J’espère qu’ils arriveront à être sauvés… c’est un grand moment de suspens, ma Zaza.
    Tu es une merveilleuse conteuse.
    Bisous et douce journée.

  6. Voila ! J’ai bien lu cette belle histoire qui m’a fait oublier le froid de dehors ! Ce matin le – 5° ne m’a pas fait plaisir, je n’aime pas ce type de temps ! Passe une bonne journée au chaud … Cordiales amitiés & à +

  7. c’est flippant quand même le pauvre garçon, j’espère que ça fini bien…j’aime pas du tout quand ça fini mal…
    t’es sûre pour la neige?…je me langui…!
    bisous Zaza. doit pas faire chaud sur ton île…tu vas attendre le printemps pour y aller….kisss!

  8. …heureusement que sa fiancée réagit à sa place, j’attends la suite avec impatience…
    bises du soir,
    Mireille du sablon

  9. J’aime bien les contes et légendes sous ta plume …bon mercredi Zaza couvre toi bien j’aime ce beau temps sec et si froid mais c’est l’hiver on l’avait un peu oublié ces derniers temps… bisous

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