Le coffre-fort musical … !!! 1/4

Chapitre I

La rue.
Les enseignes lumineuses, les premières décorations de Noël, les klaxons, les piétons.

La rue.
La grande rue où il pleut, où il fait froid, où tout bouge, vit, grince et court, malgré tout.
La rue et ses passants affairés, ses autos roulant en tous sens dans ce centre-ville en travaux, ses policiers occupés à diriger les courants divers du trafic.
La rue et ses appâts du soir.
Brillante et rutilante, gaie et sans être gaie, triste sans le laisser voir. La rue belle, la
rue tragique, la rue maudite où se jouent souvent les pires drames de la vie.
Nestor Boyaux, semi-retraité dans cette capitale bretonne était peu connu quant à sa personnalité réelle et ses compétences, exceptés par la pègre et les mauvais garçons.
Désœuvré en ce moment, notre Nestor déambule le long du trottoir.

Son éternel chapeau vissé sur la tête, le col de son manteau relevé pour lutter contre le vent glacial en ce début décembre 2019, il s’engouffre dans des quartiers populaires de Rennes, aménagés d’immeubles, style « cages à lapins ».
Nestor Boyaux a toujours été l’ennemi juré du crime, la Némésis de tout homme qui transgresse les lois humaines.
Dans cette ville, il avait deux vrais amis :
– Un reporter d’Ouest France, travaillant au siège social de ce grand journal et bénéficie d’une place stratégique pour obtenir en avant-première des informations concernant la criminalité dans cette ville et ce département gallo.

Comme il est loyal, et sincère, Nestor Boyaux a implicitement confiance cet ami. Benoît Tement n’a jamais trahi cette confiance.
– Et bien entendu, le commissaire principal de l’hôtel de police de Rennes, Gilles Héparbal, avec qui il travaille en collaboration, quand notre Nestor prenait en charge une affaire criminelle à résoudre.

Ce soir, Nestor s’ennuie un peu !
Aucune affaire à traiter, la pluie, et une espèce de lassitude morale qui tend à devenir physique.
Outre l’ennui, notre Nestor est surtout fatigué.
Fatigué de la violence de la ville, de la misère, des exactions et des criminels…
Fatigué d’être toujours celui qui traque le crime, le dépiste en intervenant au risque de perdre la vie.
Pour oublier et se changer les idées, il a décidé ce soir de délaisser son quartier habituel, derrière le magnifique parc Thabor, et d’aller marcher au hasard de la rue, dans des endroits sensibles, fréquentés par les malfrats, les dealers et cette jeunesse désœuvrée, laissée pour compte par notre société.
En passant par la place de la République et ses arcades, un endroit où les trafiquants agissent impunément à la vue de tous et prennent possession des lieux, dès la fin de matinée jusque tardivement, dans la nuit, Nestor remonta jusque dans la longue rue de Brest dans le quartier de la Villejean.
Une rue souvent empruntée par les policiers pour y rétablir l’ordre.
Il y trouve un bar de nuit, le Club 214.

C’est un club privé qui accueille des noctambules jeunes et moins jeunes, des fêtards qui consomment beaucoup d’alcool, et dont les voisins se plaignent beaucoup.
Nestor Boyaux entre dans cet établissement.
Il s’assoit sur un tabouret libre devant le bar, s’y appuie, et commande un demi.
II ne remarque pas ses voisins tout d’abord, et ensuite, en jetant un coup d’œil, il voit qu’il s’agit d’une voisine. Une jolie blonde, avec quelques heures de vol au compteur certes, mais jolie, avec des cheveux d’un blond platine à la Marilyne Monroe.

Son compagnon, que Nestor examine à la dérobée, est apparemment un type qui avait dû goûter à la garde à vue et à la prison.
Grand et très mince, il a les yeux cruels, et un pli mauvais et désabusé sous sa bouche tombante.  
Nestor Boyaux se rabroua lui-même.
« Je vois des criminels partout. Je devrais me corriger. L’individu est probablement un agent d’assurance… »
Nestor but son demi d’un air songeur, et dans son for intérieur, se dit :
« Si toutefois un crime était commis ce soir, je ne bougerai pas. Ce sera ma manière de décompresser. Changer d’idées, me détendre… Pas question en ce moment de prendre en charge une affaire criminelle. J’ai vraiment besoin de me reposer, physiquement et surtout moralement. C’est une affaire entendue !  »
Il se retourna un peu, pour voir l’apparence du club où il se trouvait.
C’était une grande salle assez basse, dont la décoration intérieure jurait par rapport à la décoration extérieure, sobre, noire et blanche.
Elle disposait de petits coins en alcôves laissant un peu d’intimité aux petits couples alors que le centre de la salle accueillait des danseurs déchaînés, gesticulant dans un flux de lumières
psychédéliques, au son de la musique techno.

Une ambiance bruyante et quelque peu alcoolisée y régnait déjà, en ce début de soirée.
Nestor Boyaux examina de nouveau son voisin, l’ami de la belle blonde, et s’aperçut qu’il portait un habit de soirée de très bonne coupe. Une coupe qui tranchait sur la moyenne des vêtements des autres clients réunis dans ce club.
À ce moment, une phrase de la blonde le surprit.
Elle avait parlé plus fort qu’elle ne l’aurait dû, car son compagnon lui fila un coup de coude dans les côtes. Elle avait dit:
– « …Et même s’il a un revolver, qu’est-ce que ça peut faire ? As-tu peur de lui ? »
C’était assez pour faire lever l’oreille de notre Nestor, et la bonne…
Il s’approcha imperceptiblement du couple.
Un homme entra, se faufila à travers les clients assis le long du bar et vint prendre place de l’autre côté de Nestor Boyaux.
Nestor ne le remarqua même pas.
Il cherchait seulement à comprendre ce que disaient la blonde et son ami qui parlaient à voix basse depuis quelques secondes.
Le nouveau-venu observa un instant Nestor, puis il lui secoua l’épaule.
Il est évident qu’il était saoul. Il bredouilla…

– « Hé, l’ami… veux-tu boire à ma santé ?… Meilleur de Roazhon, gagne ben d’l’argent… Bois, envoie, bois un petit peu… À ma santé hein ! Abdul Lepez, horloger, un expert dans le métier… »
Il se pencha vers Nestor.
– « Es-tu capable de faire ça, toi ? »
Il étendit la main, et battit la mesure comme pour un orchestre invisible. Immédiatement, une espèce de musique sur quatre notes, répétant toujours le même air, envahit les alentours du bar. Une petite musique aigrelette et douce, comme celle des cloches célestes.
Nestor se mit à rire.  
– « Donne-moi la boîte à musique dans ta poche, et je ferai bien la même chose que toi. »
L’homme saoul se mit à rire en se frappant la cuisse…
– « T’es un bon, toi ! Tu savais ça sans que personne ne te le dise… T’es un bon…Il tira de sa poche une petite boîte carrée, en bois brut. C’était une espèce de boîte à musique, émettant cette étrange mélodie à quatre notes.
Nestor la prit dans le creux de sa main. Il l’examina. C’était réellement bien fait. Et ne ressemblait pas du tout à un jouet…
– « À quoi ça sert ? » Interrogea Nestor.
L’homme se retint après le comptoir pour ne pas tomber.
– « Ça, c’est ma fortune. Demain, je vais faire ma fortune avec ça… » Dit-il, en claquant des doigts.
À ce moment, Nestor, qui s’était retourné pour voir l’homme, vit que la blonde et son ami s’étaient penchés par-dessus son épaule, et qu’ils examinaient la boîte, attentivement, eux aussi.
L’homme vit les deux nouveaux spectateurs, se troubla visiblement, et se mit à bredouiller de plus belle. Puis, sans plus de cérémonie, il plaqua là Nestor, et sortit du Club.
Quelques instants plus tard, la blonde sortait, suivie de son ami.
Ces voisins s’étant volatilisés, Nestor Boyaux chercha des yeux, dans le bar, s’il n’y avait pas un autre sujet intéressant.
Que nenni !
Alors, il sortit à son tour. Il reprit la rue de Brest pour redescendre dans le centre de la ville, tourna à gauche dans la rue du Commandant Charcot et ensuite à droite pour s’enfoncer dans la rue de la Bascule. Il avançait d’un pas rapide, décidé de retourner chez lui à pieds.
Au bout de 150 mètres, il aperçut une ombre noire, toute recroquevillée, gisant dans un coin, près d’une clôture. Un assassinat, il ne manquait plus que cela !
L’homme ne semblait pas inconnu à Nestor. Il l’avait croisé, mais où ? Mais c’est bien sûr, il s’agit de l’expert en horlogerie de tout à l’heure, entré au Club 214, rond comme une queue de pelle, qui lui avait proposé de boire à sa santé.  C’est bien cela !
Il fouilla dans ses poches, et la petite boîte à musique en bois avait disparu.
Il semblait évident que ce vol était certainement le mobile du crime.
Il se releva. D’un instant à l’autre, quelqu’un pouvait venir…
Il ne pouvait plus rien pour ce malheureux et ne voulant pas être retrouvé sur la scène du crime, il se hâta pour regagner son domicile.
D’ailleurs, il avait effectué cette petite sortie nocturne en souhaitant décompresser, se détendre et se changer les idées. Il ne désirait aucunement être mêlé à ce crime. Il se défila donc !
Au pas de course, en traversant les artères secondaires qui traversaient cette petite rue plus haut. Une fois rendu dans les rues suivantes, il reprit un pas normal.
Tout en marchant ainsi, il pensait à la remarque de la blonde, au bar, au pauvre type avec sa boîte à musique, à son cadavre qui reposait au pied d’une clôture…
Il y avait là-dedans les éléments d’un crime intéressant.
Supposons que la remarque de la blonde soit en rapport avec le type complètement schlass ?
Le trouble soudain du pauvre bougre en voyant la jeune femme et son compagnon, son départ précipité et le départ dans la foulée du couple seraient peut-être des facteurs à relier ensemble ?
C’était dans le domaine du plausible.
Ça pouvait peut-être n’être qu’un concours de circonstances, mais ça pouvait aussi bien être la clé du mystère. Nestor essaya de penser à autre chose.
Sacré Nestor dont le naturel revenait au galop, malgré les bonnes résolutions prises auparavant !
« Je suis à me passionner pour ce crime, et pour un type qui veut décompresser, ce n’est pas raisonnable !»
Il se mit à marcher plus rapidement. Mais l’étrange scène du bar le hantait.
Quelle valeur pouvait donc avoir cette boîte à musique ?
Et la blonde ?
Nestor sentait bouillonner sa colère…

Le type à la boîte à musique était vraiment pathétique.
Un bon zigue, c’était évident, et de constitution frêle. Pas du tout le genre pour se défendre à tout prix contre un assaillant. D’ailleurs, on l’avait poignardé dans le dos, sans qu’il se doute du sort qui lui arrivait.
Nestor contourna le parc du Thabor et bifurqua soudain dans le boulevard de la Duchesse Anne pour regagner son appartement.
Il monta quatre à quatre jusque chez lui, se précipita vers le téléphone et composa un numéro.  
– « Allô, Benoît, viens me trouver chez moi. »
– « Du nouveau ? »
– « Oui, ça m’en a tout l’air. »
– « Que t’arrive-t-il ? »
– « Un meurtre, j’ai trébuché dans son cadavre rue de la Bascule. »
– « Qui est-ce ? »
– « Je ne sais pas son nom. Un pauvre bougre. Il a été assassiné d’un coup de couteau, en sortant d’un bar dans le quartier de la Villejean. »
– « Mais moi je sais qui c’est. Nous venons d’avoir l’info de la part de mon contact au commissariat central. Tu le connais, c’est ton copain de la « crime », Gilles Héparbal qui s’en charge. Il s’agit d’un horloger. »
– « C’est ce que le type disait, au bar… »
– « Un horloger en balade. Il a bu un coup de trop, et s’est fait zigouiller par un détrousseur qui l’a volé. »
– « Qui a conclu a cette hypothèse ? »
– « La police. C’est la théorie du crime. »
– « Ah ? »
– « Oui, c’est ce que nous allons publier dans le journal de demain pour le moment… »
– « Comment s’appelle la victime ? »
– « Abdul Lepez, 43 ans. »
– « Qui l’a identifié ? »
– « Sa femme. Il avait disparu depuis deux jours… il était probablement en bringue, et l’identification fut facile, la femme avait déposé une demande de recherche pour lui. »
– « Bon. Alors tu arrives, et vite fait ! »
– « Oui, j’arrive immédiatement. »
Nestor raccrocha.
Ces renseignements ne lui donnaient pourtant pas la raison de la disparition de la boîte à musique et du meurtre de ce pauvre bougre…
Nestor avait l’intuition que cette boîte à musique était la raison du crime. Ou du moins un indice très important !
Apparemment, la police ne savait rien de l’objet, autrement, Benoît Tement, friand de détails, en aurait parlé.

A SUIVRE …

Auteur/autrice : ZAZA-RAMBETTE

Une bête à corne née un 13 AVRIL 1952 Maman et Mère-Grand...! Vous trouverez ici : humour de bon matin, sagas historiques sur ma Bretagne, des contes et légendes, des nouvelles et poèmes, de très belles photographies de paysages et d’animaux, de la musique (une petite préférence pour la musique celte), des articles culturels, et de temps en temps quelques coups de gueules...! Tous droits réservés ©

32 réflexions sur « Le coffre-fort musical … !!! 1/4 »

  1. Chouette, une nouvelle histoire « mode Zaza »…j’en suis ravie!
    Bises du jour
    Mireille du sablon

  2. Bonjour Zaza.
    J’espère que tu as passé un bon week-end malgré le confinement et que tu vas bien.
    Nous, nous avons fait une grande ballade, plusieurs fois le tour de la maison…
    Ici le temps est aussi triste que l’actualité, donc pas de regrets.
    Je te souhaite une bonne semaine.
    Bisous de nous deux.

  3. Bonjour Mame Zaza
    Début décembre 2019 pas encore Auna en Bretagne mais il arrivera bientôt
    Aussi Nestor a intérêt à régler cette affaire bien vite.
    Même s’il ne le veut pas l’attrait de la recherche commence à le prendre aux tripes.
    Allez suivons le temps que l’on peux encore circuler
    Belle journée
    Bisous et caresse

  4. Coucou Zaza, contente de retrouver Nestor Boyaux. Un début qui donne envie d’en savoir plus. J’attends la suite avec impatience. Bises et bonne journée

  5. Bonjour Zaza,
    Attention voilà Nestor revenu ,espérons qui ne soit pas atteint de ce virus , pour connaitre la suite ???
    Merci du partage en cette période de confinement
    Bonne fin de journée en prenant bien soin des consignes
    Amitiés

  6. Bonjour Zaza,
    Ah, j’ai arrêté à mi parcours !!!
    Guy Marchand ( Nestor ) qui a 82 ans , je crois qu’il n’est plus en France !!
    je sais qu’il a une femme qui a 40 ans de moins que lui !!! il a la pêche !!!!
    Bonne journée, bises

  7. M. Nestor se balade alors qu’on est confinés mais c’est pas bien ça en plus dans une boite bourrée de monde bourré pour la plupart encore moins bien ça….aille et déjà un crime a peine il met le nez dehors moi je dis il porte la poisse Nestor! Bisous

  8. Ça commence bien… ton héros préféré ne connaît pas de repos ni de confinement pour notre plus grand plaisir.
    Bisous et encore merci pour tout.

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