La quintessence de la sapience du Jeudi 26 Juin 2025… !!!

Message de Lilou Soleil : « Vous connaissez des expressions anciennes ? Vous en connaissez des rigolotes, des savoureuses, des savantes fleurant bon notre France ? N’hésitez pas, joignez-vous à nous et publiez… »

Expression :

« Il y a péril en la demeure »

Signification :

• Il peut être dangereux d’attendre.
• Il y a des risques à rester sans agir.
• Il y a des risques à ne pas trouver une solution à un problème.
• Rester inactif n’est pas un drame.

Origine et définition :

Voilà une expression souvent mal comprise et mal utilisée.
Avec notre vocabulaire d’aujourd’hui, on peut croire que la maison (la demeure) est devenue dangereuse, peut-être à cause des esprits maléfiques qui y rôdent (pour ceux qui y croient) ou du tremblement de terre qui l’a fragilisée… Dans cette expression, la « demeure » n’est pas le lieu où l’on habite.
Mais notre « demeure », ici, (sous la forme demure) a d’abord désigné le laps de temps, et le retard, à partir du XII ^ème siècle.
C’est bien le sens de « retard » que l’on retrouve dans l’expression « il y a péril en la demeure », apparue vers 1690. Elle signifie donc littéralement « Il est dangereux de prendre du retard, d’attendre. »
Comme le rappelle Alain Rey dans « Les expressions françaises, quelle histoire ! », qu’il est expliqué le sens de « demeure » que l’on retrouve dans cette expression ; ce qui signifie « ordonner juridiquement de faire quelque chose ». On lui signifie donc, qu’il est en retard dans ses obligations et qu’il doit maintenant agir.

Complément :

L’expression « y avoir péril en la demeure » est une locution verbale d’abord utilisée dans le domaine du droit pour signifier qu’il y aurait un danger à rester inactif, à ne pas réagir (exemple dans le Code Civil : « Il est tenu de même d’achever la chose commencée au décès du mandant, s’il y a péril en la demeure », Code civil, 1804, art. 1991, p. 358). 
Par extension, au sens figuré et par analogie, elle signifie que l’on se trouve dans une situation critique où il est urgent d’agir. Le CNRTL  (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) donne à l’expression la définition suivante  : « Le moindre retard peut causer du préjudice ».
Il est intéressant de noter, par ailleurs, que l’expression peut s’utiliser au négatif.
Si la conjoncture dans laquelle on se trouve ne nécessite aucune action, on dira alors qu’il « n’y a pas péril en la demeure ». Elle aurait pour équivalent l’expression française : « Il n’y a pas le feu ».

Exemples :

Je vois péril en la demeure
Et je vais sur-le-champ aviser nos amis
De fuir…
Emile Augier – Diane – 1852

La permission dont il s’agit, ne s’accorde que sur des motifs plausibles, dans les cas où il y a péril en la demeure, c’est-à-dire, si le retard porte atteinte aux droits du demandeur.
P. Lepage – Nouveau style de la procédure civile dans les cours d’appel – Hacquart – 1806

Au reste, alors même que l’on pourrait prouver par écrit, comme il a été dit, que l’obligé a refusé de satisfaire à son obligation, s’il n’y a pas péril dans la demeure, il convient, par bienséance, de le mettre en demeure par une sommation.
Pierre B. Bouche – Traité de la procédure civile et des formalités des tribunaux de commerce – 1808

Je pris le parti de n’en rien faire. Il n’y avait pas urgence ni péril en la demeure. On verrait bien demain.
Maurice Pons – Douce-amère

Jugeant qu’il n’y a pas péril en la demeure, allons vers l’autre monde en flânant en chemin !
Georges Brassens – Mourir pour des idées -1972